Accueil > Archives > 1986 (nº 600 à 643) > .623 (12 juin 1986) > [Quand un militaire transforme un hôpital psychiatrique en goulag]

Quand un militaire transforme un hôpital psychiatrique en goulag

Le jeudi 12 juin 1986.

Le 19 juin 1986, Dominique Lestrat, militant de la Fédération anarchiste, comparaîtra devant le Tribunal correctionnel de Laon (Aisne) pour répondre d’une accusation de « diffamation envers un citoyen chargé d’un service public ».

Le conflit entre le service de psychiatrie infanto-juvénile (P.I.) du C.H.S. de Prémontré et un nouveau directeur, militaire de carrière, a été relaté dans les numéros du Monde libertaire de juin 1984. Pour
Quand un militaire transforme un hôpital psychiatrique en goulag
rappeler les faits, nous reprendrons des extraits d’une lettre envoyée au préfet le 12 décembre 1985 par Dominique :
« Éducateur au C.H.S. de Prémontré depuis novembre 1970 […], j’ai été licencié le 25 avril 1984 par M. Imbert pour avoir défendu ouvertement l’organisation et les acquis du service P.I. (poursuivi jusqu’en 1985) […] Témoin (durant 14 ans) de la transformation de “l’asile d’aliénés” en un service de soins thérapeutiques très efficace, je n’ai pas pu me résoudre à laisser détruire dans le silence une des rares expériences menées dans le service public. C’est pourquoi j’ai effectué une grève de la faim de 43 jours… »

L’action s’était terminée sur un accord signé entre Dominique et le préfet qui prévoyait de le payer jusqu’à ce que le tribunal administratif statue sur le licenciement ; M. Imbert ne le respectant pas, l’affaire est revenue dans la rue [1].

C’est pour un tract distribué par le comité de soutien [2] que Dominique est poursuivi en justice. Suite à une nouvelle mobilisation, le tribunal administratif décidait que le licenciement était purement annulé « pour abus de pouvoir manifeste » et Imbert mis en demeure de réintégrer notre camarade.

Contrairement aux engagements du préfet, Dominique ne fut pas réintégré à l’hôpital de jour de Laon où il aurait retrouvé les enfants dont il s’occupait, mais en psychiatrie adulte dans un pavillon de grands malades.

N’ayant pas contesté dans les deux mois une rétrogration du statut d’élève-éducateur à celui d’auxiliaire, cette dernière devenait effective pour Dominique. Or un « auxiliaire » dans un CHS, on le met où on veut, surtout si on s’appelle Imbert, pour mieux le virer. Ce fut chose faite seulement dix jours après sa réintégration, et ce sans même respecter le délai de préavis pour tout licenciement et bien sûr sans indemnités. Ce
deuxième licenciement fait l’objet depuis septembre 1985 d’un nouveau recours devant le tribunal administratif.

Dernière péripétie en date, la plainte pour diffamation à l’encontre de notre camarade par le sieur Imbert. Ce dernier n’a pas du tout apprécié le tract signé du comité de soutien et distribué le 3 juin 1985. Entre autres ces quelques phrases :
« Apparemment la casse du service I.P. orchestrée par le nouveau directeu, Imbert, ancien lieutenant-colonel nommé par le gouvernement de François Mitterrand, ne suffit pas… »
« Quand un ancien militaire devenant directeur d’un hôpital psychiatrique transforme ce lieu de soins en goulag, créant la peur comme sous l’occupation, venant contrecarrer et annuler tout le travail médical et psychologique de ces dernières années qui avait fait que ce lieu était devenu autre chose qu’un asile, cela est intolérable… et révoltant. Pour cette révolte, Dominique Lestrat a été licencié. La surdité et la complicité des autorités de tutelle ne lui ont laissé comme seul recours qu’une longue grève de la faim. »

Le procès aura lieu le 19 juin 1986, à 13 h 30, au Tribunal correctionnel de Laon. L’an passé, le directeur du CHS avait poursuivi le syndicat des psychiatres en diffamation. L’un d’entre eux avait écrit qu’Imbert était « un homme dangereux ». L’affaire a été classé, l’écrit incriminé ayant eu une diffusion restreinte… voire confidentielle. Tellement confidentielle d’ailleurs que cette vérité était sur toutes les bouches dans l’hôpital ! N’allez surtout pas croire qu’il s’agit d’une justice de classe… venez plutôt au procès !

Groupe d’Anizy-le-Château


[1Cf. Monde libertaire du 20 juin 1985.

[2Composé de soixante organisations politiques, syndicales et associatives.