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Eugène Bizeau

« Partir sans regret »

Le jeudi 27 avril 1989.

« Je suis l’humble artisan d’une tâche inféconde, mais devant les malheurs qui planent sur le monde, je rougirais d’être de ceux qui n’ont rien dit ! ». Eugène Bizeau a écrit, beaucoup écrit. Il s’arrêta le 17 avril 1989. Nous attendions le 29 mai pour lui souhaiter son 106e anniversaire. La disparition d’Eugène Bizeau, « chansonnier anarchiste », ancien membre de la « Muse rouge », touche toutes celles et tous ceux qui l’ont rencontré, vu ou simplement lu. Cette année, les parfums du lilas et du muguet ne viendront pas char-mer les rencontres organisées pour son anniversaire.

Cent six ans, presque…

Le 29 mai, Eugène Bizeau aurait eu 106 ans, le poète-vigneron-pacifiste était comme une renaissance permanente, un appel à la vie pour tous ceux qui l’ont rencontré, ne serait-ce qu’une fois ! Le secret de sa ténacité était sa lutte pour un pacifisme mondial. Toute sa vie Bizeau a écrit : « Lutter pour le succès des causes généreuses / Pour l’idéal de paix dont on a la fierté / Pour le destin meilleur des plèbes douloureuses / Pour le bonheur du monde et pour la liberté. »

La lutte d’Eugène Bizeau fut quotidienne, toujours à l’écoute des
causes généreuses. Cette lutte le ramenait au minimum d’illusions. Une force utile pour agir, contre la misère, l’injustice sociale, la pauvreté, l’indifférence, les compromissions. Le rêve était dans l’espoir mis dans ses poèmes. La critique était dans sa voix n’épargnant pas les responsables des destins tragiques : les gouvernements et les militaires. « Les crâneurs, les oliborons / Du Grand-Guignol parlementaire / Et tous les sabreurs de la Terre / Soufflent déjà dans leurs clairons / Pour fêter la bombe à neutrons » (1978).

Eugène Bizeau n’a pas lutté en vain. Toujours étonné par l’acharnement des hommes à fabriquer leur propre mort, il donne espoir à ceux qui cherchent la paix et la liberté.

Lentement. Eugène Bizeau nous a passé le flambeau. Sa mémoire grandit la lutte des pacifistes. « Lutter jusqu’à la fin du rêve ou du poème / Qui soutient notre coeur et l’enflamme en secret / Et quand on n’est plus rien que l’ombre de soi-même / Sourire à la jeunesse et partir sans regret. »

Jean-François (Montmorency)