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Jordi Gonzalbo : avec courage et allégresse, sur la brèche jusqu’à la fin

mars 2025.

Le jeudi 26 décembre, alors qu’il ne restait plus qu’une semaine avant de fêter ses 95 ans, Jordi Gonzalbo est décédé à Perpignan. Sa figure est un exemple clair de ces compagnons qui, par la modestie propre à ceux qui évitent de se mettre en avant, sont toujours en première ligne lorsque la lutte libertaire l’exige.



Il était né en 1930 dans le populaire quartier gothique de Barcelone, dans un environnement familial marqué par l’incarcération répétée de son père et de sa mère en raison de leur militantisme à la CNT. En 1938, il a rejoint la France avec sa mère qui s’est installée à Perpignan, à quelques kilomètres de la frontière espagnole. Quelques années plus tard, Jordi, qui avait appris un métier dans le secteur du bâtiment, s’est intégré à la Fédération ibérique des jeunesses libertaires (FIJL) et, avec d’autres jeunes, ils ont constitué un groupe authentiquement d’affinité qu’ils ont appelé « le groupe de Perpignan ».

Avec les compagnons luttant en Espagne

En 1962, lorsque la FIJL est devenue le principal soutien de la lutte frontale menée par la Défense Intérieure (D.I.) contre la dictature franquiste, la proximité de la frontière espagnole et le dynamisme du groupe de Perpignan ont fait de ce dernier l’un des principaux canaux d’introduction de la propagande libertaire en Espagne. Le groupe maintenait les contacts avec les compagnons de l’« intérieur » et organisait la réception des compagnons ayant fui l’Espagne.

En particulier, Jordi et sa compagne Jeanine Lalet entreprenaient avec une certaine fréquence ce qu’un de leurs livres a qualifié d’« Itinéraires Barcelone-Perpignan ». Des itinéraires où des dangers importants guettaient. C’est ainsi, à titre d’exemple anecdotique, que Jordi et Jeanine ont participé au passage clandestin en France de celui qui, il y a un peu plus d’un demi-siècle, fut ministre des Universités, le sociologue Manuel Castells.

Mais le danger ne menaçait pas seulement sur le territoire espagnol, c’est en France que Jordi a été arrêté en 1963 par la police française dans le cadre d’une vaste rafle. Cette action du gouvernement français visait à neutraliser la FIJL et les compagnons les plus vétérans, tels que Cipriano Mera, pour leur lutte frontale contre le franquisme. Cependant, cette vague répressive n’a pas dissuadé Jordi de lutter contre Franco, de sorte que le groupe de Perpignan a maintenu son activisme tout au long des années soixante et a intensifié son activité de soutien à la reconstruction du tissu libertaire à l’« intérieur » au début des années soixante-dix et durant les premières années de la transition.

Avec les compagnons français

Une caractéristique qui a marqué Jordi Gonzalbo et qui, malheureusement, n’était pas très fréquente dans l’exil libertaire espagnol était sa participation au mouvement libertaire français en s’intégrant dans les rangs des « Jeunes libertaires ».

Une autre de ses particularités était sa collaboration assidue à la presse française, alimentant pendant environ quinze ans la colonne du « Courrier des lecteurs » du journal L’Indépendant avec de petits articles magnifiquement écrits et non dépourvus d’humour.

Déjà entré dans la tranche des 90 ans, Jordi a continué à soutenir les activités libertaires en assistant aux événements culturels et aux manifestations revendicatives, et il n’a jamais manqué, par exemple, à la rencontre festive annuelle organisée par la CNT française à Perpignan.

Nous sommes nombreux et nombreuses à le regretter.

Un attristé Tomás Ibáñez,
Barcelone, décembre 2024
Traduction : Daniel Pinós


Deux livres écrits par Jordi Gonzalbo :
Itinéraires Barcelone-Perpignan. Chroniques non misérabilistes d’un jeune libertaire en exil. Éditions ACL, 2013, 138 pages, 10 euros.
Une joyeuse mélancolie. Billets d’humeur envoyés au journal L’Indépendant, Balzac éditeur, 2024, 116 pages, 15 euros.