Ce titre nest pas un canular. Le dernier bouquin de Christophe Bourseiller (1) amène suffisamment d'éléments démontrant que la question mérite d'être posée.
Lauteur nous fait plonger dans le trouble univers du lambertisme. Représenté aujourd'hui par le Parti des travailleurs, ce courant trotskyste aux pratiques particulièrement sectaires tire son nom de son chef, Pierre Boussel dit Lambert. Depuis près dun demi-siècle, les lambertistes tissent leur réseau dinfluence sans faire de vagues : de rares apparitions publiques mais un insidieux travail de noyautage. Cet entrisme est utilisé par tous les courants trotskystes mais ceux-ci lont poussé fort loin et pratiqué tous azimuts, de F.O. au P.S. en passant par la F.E.N., la franc-maçonnerie ou la Libre pensée.
Au fil du bouquin, on retrouve régulièrement des personnages dignes dun mauvais roman despionnage, tel Alexandre Hébert. Agé de près de quatre-vingt ans, ce responsable historique de Force ouvrière présente la caractéristique de saffirmer, encore aujourd'hui, anarchiste alors que, dès les années soixante, il était lun des principaux dirigeants du courant lambertiste. Poussant fort loin cette logique de la dissimulation, ces trotskystes sont allés jusqu'à conserver totalement secrète la réelle appartenance politique d'Hébert, y compris auprès de la très grande majorité des militants lambertistes. Hébert a pu ainsi en tromper plus dun. Avancer masqué en arborant l'étiquette anarcho-syndicaliste est une pratique fréquente pour ces trotskystes : une des quatre tendances, tout autant officielle que purement fictive, du Parti des travailleurs, se prétend anarchiste.
Le noyautage de F.O. par ces trotskyste, avait déjà été largement facilité par son prédécesseur Bergeron. Mais, depuis que Blondel est devenu secrétaire général en 1989, ce processus semble saccélérer et parait même changer de nature. Actuellement, les lambertistes tiendraient les rouages de cinq fédérations sur trente-trois et de quinze Unions départementales. Ils contrôleraient aussi trois postes-clefs de lappareil : le journal de la centrale, Force ouvrière hebdo, le Centre confédéral de formation des militants et surtout le secrétariat de lorganisation.
Sur un autre registre, chacun a pu noter la radicalisation du discours confédéral qui correspond de plus en plus clairement aux orientations syndicales des lambertistes. Le rapprochement amorcé avec la C.G.T., lennemi historique, en constitue la parfaite illustration.
Bien sûr, ceci ne prouve rien. Sappuyant aussi clairement sur les lambertistes, Blondel a pris en tout cas le risque den devenir le prisonnier, perspective fort déplaisante quand on connaît leurs méthodes. La dissimulation constituant le principe même de lentrisme, il est évidemment difficile dy voir clair. Le bouquin de Bourseiller apporte pourtant un certain nombre d'éléments troublants. Citons en deux.
En 1965, Blondel est nommé secrétaire de la Fédération F.O. des employés et cadres. Selon le témoignage dun ancien membre du Bureau politique, les réunions du Comité central de lO.C.I. (2) entre 1965 et 1968 se seraient tenues justement au siège de la Fédération des employés et cadres.
Daté du 24 mars 1986, le numéro 9 bis du Bulletin intérieur du Comité central du P.C.I., dont la diffusion est strictement restreinte aux seuls destinataires, annonce la constitution dun pseudo-comité lambertiste daide aux démocrates et socialistes haïtiens. Les tout premiers adhérents du comité sont Marc Blondel et Claude Jenet, lactuel responsable de lorganisation à F.O. Le lendemain même, un nouveau numéro de ce B.I. est précipitamment tiré. On peut y lire ceci : " Comme vous laurez compris, la liste de signataires syndicalistes français ( ) est une information INTERNE ". Apparemment, le nom de Blondel ne doit pas être prononcé dans certains lieux.
Bien informé, le bouquin de Bourseiller mérite d'être lu. Il ébrèche en tout cas sérieusement limage de syndicat indépendant quaime tant afficher Force ouvrière.
(1) Cet étrange Monsieur Blondel, enquête sur le syndicat Force ouvrière. Bartillat, 1997
(2) Lorganisation lambertiste a porté successivement différents noms dont O.C.I. et P.C.I.