Samedi 15 novembre à Paris, une manifestation avec comme mot dordre " De vrais emplois pour toutes et tous, du temps pour vivre " sest déroulée à lappel du Collectif national des droits des femmes. Cette manifestation nationale est loin d'être un succès comme celle du 25 novembre 1995, où plus de 40 000 femmes et hommes, à lappel de la C.A.D.A.C., étaient dans la rue pour la défense des droits des femmes, notamment pour la contraception et lavortement, contre la remontée de lordre moral, dans une période où les commandos anti-I.V.G. fleurissaient. Elle a rassemblé 5 000 personnes, dont une grande majorité de femmes. Les cortèges les plus conséquents et les plus animés furent ceux des associations féministes, notamment celui du collectif Droit des femmes et celui des Femmes solidaires, proche du P.C.F. Les cortèges des organisations politiques et syndicales semblaient pour la plupart exsangues. En résumé, ce fut un cortège essentiellement militant !
A la lecture de la presse du lendemain, un certain flou est entretenu sur les réalités de cette manifestation. Les tenantes du collectif national avancent un ensemble darguments : cest la première manifestation depuis le sommet social du 10 octobre, les syndicats mixtes nont pas mobilisé, les antifascistes étaient peu ou pas présents.
Une manifestation maigrelette alors que la situation des femmes sur le terrain de lemploi est particulièrement difficile. Elles sont davantage au chômage, précarisées et ont des emplois à temps partiel imposé, sans oublier les violences. Les conditions du marché de lemploi se sont durcies, " un processus de paupérisation, cest-à-dire des gens qui ne sont ni chômeurs, ni exclus, ni assistés, mais qui travaillent sans parvenir à gagner leur vie " (1). Un salariat à double vitesse se met en place et les femmes en sont des victimes choisies. Pour les salariées, cest la conjonction de la précarisation et des pressions pour les faire rentrer au foyer !
Alors pourquoi une manifestation aussi maigrelette ? Il faut se pencher sur les positions des organisations : le collectif national est un collectif unitaire de 160 organisations qui a préparé au printemps les Assises des droits des femmes. Depuis larrivée du gouvernement Jospin, une des préoccupations du collectif a été dobtenir une interlocutrice au gouvernement. Ce dernier a répondu avec la création dun poste de déléguée interministérielle aux droits des femmes (Journal officiel du 15 novembre). Nouvelle interrogation du collectif, la déléguée aura-t-elle les moyens de son action ? En tout les cas, ce nest pas une ministre, ni louverture des carrières militaires, ni les postes de cadres supérieures qui changeront la réalité pour les millions de femmes qui travaillent et qui subissent le patriarcat décliné par le libéralisme (2).
Lobjectif nest pas de tirer à boulets rouges (et noirs) sur le seul collectif, il sinscrit dans la foulée des organisations syndicales et politiques. Dans le tract national dappel toute une série de mots dordre contre la flexibilité, lannualisation, pour des emplois C.D.I., pour la R.T.T. à 35 heures sans perte de salaire Oui, mais dans la perspective dune loi-cadre, certains slogans parlaient deux-mêmes soutenir le gouvernement face au patronat dans la logique du 10 octobre. La gauche plurielle, appuyée par les partenaires sociaux, veut nous imposer le partage de la misère, pour lutter contre le chômage il faut partager le travail, 35 heures pour lan 2 000 mais en modérant les revendications salariales. Mais pour les femmes, les premières précarisées qui travaillent à temps partiel imposé, le partage cest déjà la réalité ! Leur combat, cest la rupture avec le capitalisme, la réduction du temps de travail uniforme avec augmentation des salaires. Pour nous anarchistes ces revendications doivent sinscrire dans la critique du salariat. Il faut également impulser des luttes en prenant en compte les spécificités de la position sociale des femmes, lexploitation capitaliste doublée de loppression patriarcale. Quant à la question de la double journée, qui reste la réalité pour une grande majorité des femmes, il est nécessaire de dépasser la revendication du seul partage des tâches domestiques. Celles-ci doivent être abordées par leur utilité sociale, sinon cest replacer à nouveau les femmes dans le cadre familial patriarcal capitaliste. Le combat des femmes, cest la rupture avec le capitalisme appuyée sur la lutte antipatriarcale, qui se place dans un nouveau mouvement social révolutionnaire dans lequel, femmes et hommes, nous avons tout à gagner !
(1) Margaret Maruani, Lemploi féminin à lombre du chômage, in Problèmes économiques, 22 octobre 1997, La Documentation française
(2) Voir La déclaration des femmes anarchistes, Internationale des Fédérations anarchistes, Monde libertaire n°1100