Le s12 et 13 décembre derniers, des rencontres se sont tenues autour des drogues et des toxicomanies sur linitiative de Kouchner. Depuis que la loi de 70 a été votée (loi allant jusqu'à condamner lusage privé de certains produits), il est dans " notre république " une tradition qui persiste. On convoque une réunion, un colloque, une enquête, un rapport, une commission. Le tout consiste à inviter divers spécialistes a priori, aux yeux du public, indépendants du pouvoir politique. Ces invités honorés de faire partie de ces privilégiés, discutent, parfois émettent quelques idées progressistes.
Dans ce " lieu libre ", un ministre, un responsable de lautorité policière rappellera le bien fondé de la loi. Cette parodie de démocratie dure depuis plus de vingt ans : du rapport Pelletier (1978) à la commission Henrion (1994) sans oublier les dernières rencontres de Kouchner (l997) Dans le Monde libertaire nous avons longuement parlé des péripéties de la commission Henrion où le rapport un peu trop favorable à une forme de dépénalisation de lusage sest trouvé enterré par un ministre qui a pleuré la mort récente du distillateur milliardaire Ricard (Pasqua).
Ces rencontres ont réuni 300 professionnels, principalement de la santé. Ces derniers majoritairement ont défendu une politique de prévention des risques. Cette volonté politique part du constat dun échec patent en terme de santé et de toxicomanie de la politique prohibitionniste. Diverses tables rondes se sont tenues et les personnes ont effectivement constaté quil fallait dépasser le clivage entre produits licites et illicites (cette distinction ne reposant sur aucune base scientifique), que la politique répressive renforçait lexclusion
Devant lensemble de ces discours et analyses, qui peuvent nous intéresser, Kouchner appliquera la méthode classique " cause toujours et on se revoit lannée prochaine " : " Le changement de loi nest ni un préalable, ni un tabou prévoyons dautres rencontres comme par exemple lannée prochaine "
Une rencontre pour rien ou presque ? Peut-être. Choquante sur un point fondamental, de toute évidence !
Anne Coppel, professionnelle favorable à une politique de réductions des risques, déclarait pendant ces rencontres : " Le toxicomane nest ni un malade, ni un délinquant mais avant tout un citoyen ". Rappelons au passage à Anne Coppel que lusager nest pas forcément toxicomane. Mais quelles que soit les conclusions de ces rencontres, notre constat est bien que " ce citoyen " a été le principal absent. Pendant deux jours on a discuté du sort de millions dusagers, de presque 10 millions de Français
Les associations dauto-support (C.I.R.C. (1), A.S.U.D.), où étaient-elles ? Des simples usagers ont-ils été invités ? Auraient-ils gênés ces discours et ces discussions consensuels ?
Une loi non respectée par presque 10 millions de personnes na plus de réelle signification.
Faisons en sorte que la parole de millions dusagers soumis à la clandestinité puisse sexprimer. Invitons-nous aux prochaines rencontres de Kouchner. Faisons en sorte que le prochain 18 juin soit un succès, que les revendications des usagers en matière de substitution soient prises en compte, que la criminalisation des usagers cesse. Sortons ou ressortons de la clandestinité. Jean-Pierre Galland, président du C.I.R.C. le rappelait récemment aux journalistes " la paranoïa ambiante a contraint nombre de militants à prendre leurs distances. " (2)
(1) C.I.R.C. 73-75 rue de la Plaine, 75020 Paris
(2) Lettre ouverte aux législateurs, disponible dans beaucoup de librairies ou contre 12 francs au groupe F.A. de Nantes, 16, rue Sanlecques, 44000 Nantes (frais de port compris)