Lentretien qui suit a été réalisé au " local des chômeurs et précaires " à Perpignan, le 5 février 1998 par Edward (Fédération Anarchiste) en présence de Francine, Jean-Pierre, Nectar et Patrick, quatre chômeurs et/ou Rmistes en lutte, non affiliés à C.G.T. ou à A. C !
M.L. : Où en est le mouvement aujourd'hui à Perpignan ?
Nectar : Le mouvement se cherche. Nous sommes dans une sorte de pause après une phase intense dactivisme. Aujourd'hui nous sommes dans une phase de réflexion. Il nous faut voir ce qui se passe ailleurs, comprendre la situation indépendamment des directives ou des conseils des structures A.C ! ou C.G.T Leurs analyses sinscrivent dans une démarche, une campagne politique. Nous ne sommes pas là pour ça mais pour notre peau Quand jai parlé de pause, cest un choix délibéré. On ne peut pas tout faire. Le temps de la réflexion est un temps nécessaire
Jean-Pierre : Jai eu une coupure de trois semaines dans le mouvement car jai eu un travail saisonnier Je pense que tout va dépendre de la réunion régionale de samedi à Montpellier (1). Le mouvement à Perpignan pourra senrichir de toutes les analyses et propositions des autres mouvements de chômeurs non manipulés
Patrick : Nous avons passé la première phase qui a été celle de lapparition du mouvement. Aujourd'hui nous en sommes à la seconde phase. Le mouvement tel quil existe met en évidence sa radicalisation en même temps quil en prend conscience Le mouvement comprend quil a besoin dinformations. Or, son apparition a fait ressortir le black-out des médias et des instances politiques. De ce constat est née la nécessité de faire vivre linformation, les échanges sur les pratiques
La deuxième phase fait émerger une autre nécessité : la coordination au niveau local, régional Nous devons favoriser la constitution de cahiers de doléances, vérification de l'état des lieux de la misère. L'élaboration des revendications des chômeurs se fera sur la base du bilan dressé par les chômeurs eux-mêmes
M.L. : Quelles sont les caractéristiques du mouvement à Perpignan ?
Nectar : Ce nest peut-être pas spécifique à Perpignan, mais cest la première fois que lon voit les chômeurs et les précaires sortir de lanonymat. A.C ! existe depuis un certain temps, mais les gens ne faisaient que passer, ils ne restaient pas. Aujourd'hui les gens reviennent et participent à la vie du lieu, chacun à sa mesure. Cest un point important et nouveau
Jean-Pierre : Le taux de chômage est très important dans les Pyrénnées orientales. Le mouvement a fait bouger et a sensibilisé pas mal de monde. Le mouvement semble être sur la bonne voie
Patrick : Il serait intéressant de faire un bilan, sur la région, du mouvement depuis son origine. Comment il est apparu ? Quel est son positionnement par rapport aux institutions existantes, A.C ! et C.G.T. ? La radicalité est certainement une de ses spécificités, mais cela rejoint le niveau national. En fait lobtention dune salle, assez rapidement (2), avec lappui dA.C ! et du comité de chômeurs C.G.T., montre que des chômeurs et des Rmistes se sont réellement mobilisés sans être appelés par personne. Maintenant, les chômeurs et les précaires développent une activité dans cette même salle
Francine : Chacun dans cette salle a le droit à la parole et peut porter sa propre réflexion
M.L. : Quelles sont les perspectives du mouvement à court et moyen terme ?
Nectar : Les perspectives à très court terme vont à lencontre des institutions déjà existantes chez les chômeurs. Nous devons regrouper les chômeurs et les précaires, afin de ne pas être noyés dans un catalogue général. Il nous faut éviter les trucs fourre-tout. Il faut retourner vers les A.N.P.E., sur le terrain et appeler à une participation plus large. Nous nobtiendrons que ce pour quoi nous nous serons battus
Patrick : Pour moi, aller vers des états généraux de la misère devrait nous permettre de dresser un état des lieux afin davoir la vision la plus précise possible de la situation. Nous pourrions ainsi élaborer nos revendications encore plus efficacement
Jean-Pierre : La perspective, cest lamélioration des temps de travail. Nous devons gagner des plages de liberté. Nous devons travailler selon nos besoins et selon nos moyens
Francine : Les C.E.S. sont des précaires. Les associations qui les emploient se comportent comme de vrais patrons.
Sous prétexte daltruisme, des associations font leur beurre sur le dos des C.E.S. Il nous faudrait les éveiller afin quils rejoignent le mouvement
Pour contacter le Collectif des chômeurs et précaires en lutte, écrivez au 52, rue Foch à Perpignan
(1) Il sagit dune réunion qui devrait regrouper " toutes " les structures régionales de lutte des chômeurs, même si cest A.C ! qui organise cette rencontre.
(2) Une dizaine de jours après le début du mouvement