Le gouvernement Jospin na eu de cesse de chercher à marginaliser le mouvement des chômeurs pour juguler son dévelopement et saper le soutien populaire dont il bénéficie. Dans un premier temps, Jospin a joué le couplet de la compréhension pour emboîter sans attendre sur celui dun nécessaire pragmatisme. Echaudés par les discours lénifiants de la gauche en 1981, les chômeurs ont à juste titre maintenu les occupations de lieux publics. Une campagne médiatique dintox fut alors orchestrée afin de minorer le nombre de sites investis et de laire silence sur les premières évacuations.
La compréhension affichée avait fait place à la répression. Ainsi le 7 janvier 1998, lors de l'évacuation des locaux lillois de lASSEDIC, Christophe Fétat fut frappé au visage puis inculpé. Le lendemain Jospin sexprimait sur TF1 pour annoncer lattribution dun milliard daide durgence et ordonne en parallèle laccélération du rythme des évacuations. Ses consignes furent appliquées avec zèle.
Loin de décourager les chômeurs, le mépris affiché pour leurs revendications et la virulence des interventions policières un peu partout en France relance le mouvement de plus belle. Survient à cette époque une nouvelle vague dintox qui pointe dun doigt accusateur un mouvement qualifié de minoritaire et une lutte qui serait manipulée par une frange dactivistes tour à tour trotskistes, anarcho-syndicalistes ou autonomes. Dans la foulée, les médias mettent en exergue loccupation houleuse de la Chambre de commerce de Paris le 13 janvier en omettant de rétablir la réalité des faits et insistent lourdement sur la présence d'Héliette Besse, " ex mama dAction directe " dans les personnes interpellées le 21 janvier lors de loccupation du restaurant " le Fouquet's " sur les Champs Elysées. Cependant, malgré les efforts du pouvoir le soutien populaire perdure et les actions " coup de poing " se multiplient un peu partout en France. Cependant, suite aux opérations Caddies du comité des chômeurs C.G.T. de Roubaix, le Figaro titre sur lappel au pillage. Cest le retour de la classe dangereuse !
Le 11 février, après une action contre le Cash converters du XIe arrondissement parisien, quatre personnes finirent incarcérées à Fleury Mérogis. Fixés à la date du 26 février, les procès du Lillois et des quatre Parisiens eurent la même conclusion: le report. En efet, la présidente de la chambre correctionnelle, prétextant le traitement dune affaire de drogues, signifiait à Christophe que son procès ne pourrait avoir lieu que le 11 juin prochain. De même, parce que le parquet a " oublié " de citer les sept policiers qui ont procédé à leur interpellation, Karim, Jean-Julien, Daniel et Guillaume devront attendre le 26 mars pour être jugés. Leur demande de remise en liberté a toutefois été acceptée à la satisfaction des soutiens.
Dans les deux cas le report du procès après les élections cantonales et régionales enlèvent une épine du pied des autorités. Il importe donc que les comités de soutien relèvent le défi et fassent comprendre au gouvernement quil a tort de miser sur lessoufflement du mouvement. De plus, il serait judicieux quils se coordonnent pour mener une campagne nationale contre la criminalisation du mouvement social. Le comité de soutien à Christophe a dores et déjà orienté sa démarche en ce sens puisquil fait circuler une pétition pour rappeler que si lon ny prend pas garde cest à terme un véritable délit de solidarité qui risque d'être instaurer. Ainsi dans le Nord, le 8 octobre 1997, Patrice Bardet et Christine Eme, tous militants du Comité anti-expulsions de Villeneuve dAscq, ont été condamnés en appel à 3 000 F damende avec sursis pour avoir assisté le 25 octobre 1995 une étudiante qui devait être expulsée de son logement. De même Jacqueline Deltombe a été jugée coupable mais exemptée de peine en appel en novembre 1997 pour hébergé un ami sans papiers. Cest autour de son cas que le 6 février 1997 les cinéastes avaient lancé la campagne de pétition contre larticle 1 de la loi Debré (1). Mais le meilleur soutien qui peut être apporté à toutes les victimes de la répression cest de faire en sorte que le mouvement social ne cède pas aux intimidations de tous ordres et de continuer à établir des passerelles entre les luttes.
(1) Pour avoir un compte rendu détaillé des procès de Jacqueline, Patrice et Christine, envoyez une enveloppe et 3 timbres à 3 F au Comité de soutien à Christophe Fétat. c/o Centre culturel libertaire, 1-2 rue Denis-du-Péage, 59800 Lille.