Lancé le 12 mars dernier, le mouvement de grève des enseignants de Seine-Saint-Denis soffre un joli mois de mai Les raisons du conflit sont connues (lire le Monde libertaire du 2 avril 1998). Le 93 est un département " sans moyens " additionnant les handicaps : manque de profs, de personnels sociaux, ouvriers, administratifs ; les taux de réussite scolaire y sont intérieurs aux moyennes nationales (1); 28 % des enfants scolarisés sortent du système sans diplôme.
Le " plan de rattrapage " proposé par Ségolène Royal et Claude Allègre respectivement ministre déléguée à lEnseignement et ministre en chef a eu un effet détonnant : dix manifestations à Paris du 17 mars au 1er mai 1998 ! La veille, jeudi 30 avril, Claude Allègre daignait enfin recevoir une délégation de grévistes et de parents d'élèves pour leur proposer un nouveau plan pluriannuel prévoyant la création de 3 000 postes denseignants et de personnels en trois ans nettement mieux que les 200 postes annoncés précédemment Côté rue donc, les mammouths ont des oreilles.
Côté cour, par contre, les bureaucraties syndicales ont peu apprécié la création du Collectif des Établissements en Lutte de Seine-Saint-Denis.
Du S.G.E.N.-C.F.D.T. au S.N.E.S. (le syndicat des profs) en passant par le S.N.U.I.P.P. (celui des instituteurs et des professeurs du primaire) ces deux derniers étant affiliés à la F.S.U. et majoritaires dans la corporation, larrivée dune telle organisation dans le conflit na pas été accueillie chaudement Il aura fallu attendre huit semaines (certes, vacances scolaires comprises !) pour quune date unitaire et une action régionale appelant les personnels des trois académies de Paris, Versailles et Créteil soit programmée. Cette journée était prévue mardi 5 mai. Les écoles du Val-de-Marne seraient-elles mieux loties que celles de Seine-Saint-Denis ? Mystère syndical !
La peur d'éventuels redéploiements de moyens a-t-elle réveillé les syndicats ? Ou bien, celle de la contagion des luttes a-t-elle, une fois encore, effrayé la F.S.U. et ses satellites ? Un petit cocktail des deux, certainement, la tout aussi inquiétée quagitée !
Pas facile d'être un syndicaliste quand on a un pied dans la cogestion on cause avec le ministre, on participe aux réunions paritaires, on donne son avis sur le mouvement des agents ou sur la réforme des lycées
Mais la crainte d'être " court-circuité " par le ministre passe encore, on peut pousser sa gueulante, sirriter comme la fait Monique Vuaillat, secrétaire du S.N.E.S. à Lyon, lors du Colloque national sur " La rénovation du lycée ".
Mais être court-circuité par ses adhérents, ses collègues , par un département en colère : la Seine-Saint-Denis Il y a de quoi arrêter une grève ou négocier contre les acteurs eux-mêmes une fin de conflit que lon dira honorable ! 3 000 postes pour le 93 Soyons réalistes, ne demandons plus limpossible !
(1) Les taux de réussite scolaire en Seine-Saint-Denis sont : Brevet des Collèges : 62 % (moyenne nationale : 75 %), Baccalauréat général : 65 % (moyenne nationale : 76 %), Baccalauréat professionnel : 67 % (moyenne nationale : 78 %).]