Les dernières pubs Kookai, qui s'étalent en grand forrnat sur les murs ou qui sautent à la tronche dans tous les magazines " branchés ", représentent :
Format, couleurs et cadrages, sont assez agressifs pour que les automobilistes sarrêtent au milieu dun rond-point pour mieux mater ce quils nont fait quaperçevoir.
Jespère que les créateurs-trices ont été chaleureusement felicités pour la force de limpact visuel, car lopération marketing semble parfaitement réussie : on en cause
Lagressivité, cest " the " qualité dune pub branchée Quant à loriginalité, ya du boulot.
Les corps, découpés, de femmes déshabillées, aux sexes, aux bouches implicitement offerts, ça vous rappelle rien ? Vous savez les magazines colorés tout en haut du rayon, et les jolies affiches où les femmes sont souvent à genoux, ou à quatre pattes, quelquefois aussi elles sont menottées ou baillonnées vous savez le genre : 36 15 Mon cul est vendre ? Pornographie, voilà, cest le mot que je cherchais.
Je fais un blocage sur ce mot-là ; parce qu'à chaque fois quune femme veut lemployer, il y a au moins un type, habituellement gentil garçon bien élevé, qui se met à beugler : puritaine ! Dautres, pédagogues, essaient de lui expliquer les nouvelles tendances de la photo artistique Quand on na pas droit à un couplet sur la liberté dexpression, on sestime heureuse.
La pornographie, distingué(e)s lecteurs et lectrices, nous prouve par sa racine grecque " pornê " sa proche parenté avec le mot prostitution Aujourd'hui que lordre capitaliste s'épanouit dans la société du spectacle, on vend toujours les corps des femmes, mais à plus grande échelle. et on se fait beaucoup plus de fric : les minitels roses et cie se portent fort bien, merci pour eux.
Poser un bonhomme habillé sur un corps de femme denudé non plus cher " concepteur-trice ", cest pas très neuf. Il a beau être liliputien, cest bien lui qui est représenté comme être social, culturel. Qui plus est, on lenvisage comme être complet, quand la femme peut se résumer a une partie du corps
Desespérement classique aussi, est la " perfection " plastique de ces corps ou lon guettera en vain la cellulite ou le poil superflu de la bonne marchandise messieurs-dames, cest pas Kookai qui va faire disparaitre les douces épilations à la cire chaude Christophe Lambert, P.D.G de C. L M/B.B.D.O. nous précise que le personnage est pensé comme " tout heureux " de faire cette épilation. Comme Robert sera " tout heureux " doffrir une fringue Kookaï a sa meuf, pour laider à ressembler à Barbie ou sera plus simplement " tout heureux " de se rincer l'il sans frais, pour revigorer sa libido de salarié fatigués
Mais Lambert, ce grand sociologue, ne sarrête pas là, et nous informe que " Cest déjà fini l'époque de l'homme-jouet humilié ! Nous en sommes à l'étape suivante, à celle de laliénation acceptée avant la révolte. " Cest beau comme du Séguéla. Cest fou ce quon peut être distraites, on la pas vue passer l'époque de l'homme humilié
On devait être bêtement occupées à défendre le droit à lavortement, à la contraception, l'égalité des salaires Occupées à lutter contre l'humiliation des femmes, récurrente, dans la sphère privée comme dans la sphère publique.
Ce discours sur une supposée période de " domination féminine ", dont la société serait désormais fatiguée, rappelle nettement celui tenu par les politicien(ne)s du libéralisme quand ils-elles causent avenir La société de demain doit selon eux se " débarrasser des discours archaïques " sur une lutte des classes qui, bien-sûr, na plus de raison d'être On essaie de masquer loppression pour anesthésier toute possible rebellion alors que, plus que jamais, le capitalisme écrase dans le sang et la misère tout à qui pourrait sopposer à ses intérêts, alors que la vie et les droits des femmes sont, partout dans le mondel de plus en plus menaces Ce Gulliver-Kookaï daujourd'hui, revendiquant régression infantile et voyeurisme, est tout aussi glauque qu'était " naturellement " misogyne le Swift du XVIIIe
Cest donc peu dire que la fine analyse dun(e) journaliste de Libération (1), voyant dans ces nouvelles pubs (Lee, Kookaï, Rech) Iarrivée dune " domination féminine " nous semble peu pertinente. Les représentations machistes saccommodent fort bien du voyeurisme et du sadomasochisme. qui semblent très " tendance " cette année
Un apparent " malentendu " est à éclaircir : ce nest pas un " renversement de situations " que nous réclamons, où les dominées deviendraient dominantes, mais la suppression de ces rapports doppression. Quand on met en scène une femme armée, qui menace un homme en lui demandant de se deshabiller, (comme dans une récente pub), linversion des rôles nenlève rien au sordide de lincitation au viol Qui plus est, la société étant ce quelle est, cest-à-dire férocement patriarcale, ce fut encore une fois des femmes qui se sentirent agressées et beaucoup d'hommes qui goûtèrent ce prétendu clin d'il
Les femmes ne sont ni à vendre, ni à prendre, il nous semblait lavoir déjà dit.
(1) Libé du 28 septembre