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Ça peluche en jeunesse

La peluche tient autant de place dans la vie de l’enfant que dans la littérature de la jeunesse qui cherche à séduire les parents de bambins non encore en âge de lecture autonome. On n’y évite pas les désastreuses histoires animistes qui font vivre les peluches à l’instar de la plupart des histoires animalières (1).

Toutefois dans ce monde où animé et inanimé se confondent, où humanité et animalité n’ont plus de frontière séparatrice tant domine l’anthropomorphisme, l'humour et les clins d'œil culturels (2) se multiplient pour une entrée dans la lecture qui n’est pas anodine. Bobe Legrand réussi par exemple à entraîner l’imaginaire vers l’univers du conte africain (3).

Mais malgré l’intérêt des situations quotidiennes brossées dans ces historiettes (4), l’interprétation animiste de l’objet transitionnel qu’est la peluche telle que pratiquée par les auteurs ne permet pas d’aider l’enfant à sortir de son monde pour aller véritablement vers le monde des autres. Il y a là une sorte de déréalisation du monde par un infantilocentrisme (si on veut bien accepter ce mot) (5).

Le livre de Thierry Maricourt intelligemment illustré par Nathalie Lété (6) est à mettre à part car il repose sur des autobiographies de peluches (rappel d’Andersen) dans des situations très quotidiennes mais transgressées explicitement en narration fictive. Le livre tourne ainsi à la confidence qui peut amener l’enfant à considérer sa peluche dont la nature d’objet n’est pas niée avec distance. Le livre renvoie également à l'histoire propre de l’entrée d’une peluche dans la vie d’un enfant : dans quelles circonstances ? qu’est-ce qu’elle peut représenter pour soi ? Comment elle se situe pour l’enfant par rapport aux autres peluches ? Comme c’est par ailleurs un livre bien écrit, " Mes peluches " séduit. On remarquera seulement que comme bon nombre de livres pour petits, il y a abus de l’emploi des premières personnes (je) qui ne peut que créer des confusions chez le petit en train de construire ce système langagier.

Philippe Geneste

(1) Schneider, Mühloff, Chevalier grognon, Nord-sud, 64 F.

(2) Inkpen, Où est passé le petit ours de Casimir ? Grasset (Snoopy n’est pas loin).

(3) Le doudou de Syabou, Nathan 24 F.

(4) Dolto-Totlich-Bourre, Moi et mon ours ou bien Dolto-Totlich-Boucher, Zoé prend tout à Bruno, Flammarion, 20 F est à mettre à part car il y a la volonté ici d’un réalisme psychologique qui ne tombe pas dans les pièges ci-dessus dénoncés.

(5) Mc Quade, Moment câlins avec nounours, Flammarion, 72 F (livre par ailleurs luxueusement illustré)

(6) Mes peluches, Mila éditions, 79 F avec cartes postales, poster et autocollants.