Négociations sur la RTT : Équipement, RATP, SNCF

35 heures dans la face !

A l’occasion d’un émission sur Radio libertaire le samedi 6 février 1999 (Chroniques syndicales), nous avons rencontré trois militant syndicalistes (SUD-Rail, FO et CGT). Cet interview a été retranscrite par le groupe Louise Michel.

La réduction du temps de travail est à l’ordre du jour dans la plupart des secteurs, le gouvernement pousse le secteur public à la roue (normal quand on parle des transports). Pouvez-vous nous dire où en sont les négociations dans vos entreprises ?

SNCF : toujours plus de productivité

Négocions les 35HÀ La SNCF, depuis 1984 les roulants (cheminots, personnels des voies et postiers) sont à 35 heures, cela représente 35000 personnes, déjà en 1984. Pour forcer la main au premier gouvernement de gauche (Fiterman pour les transports), il y a eu des grèves très dures sur leur application sur le terrain. Pourquoi ? Parce que, les 35 heures ont été appliquées à effectif et moyens constants : aucune embauche. Si je reviens sur ce point d’histoire, c’est que nous pouvons dire sans trop nous tromper que pour le reste du personnel de la SNCF (100 000 personnes) l’application des 35 heures risque de donner les mêmes résultats : une dégradation importante des conditions de travail et un service appauvri pour les usagers. Une partie des conflits des ces dernières années sont liés au contentieux sur l’application des 35 heures.Actuellement, ce que nous propose la SNCF, c’est d’aller dans le même sens, toujours plus de productivité. En échange des 35 heures, la direction demande plus de flexibilité (annualisation du temps de travail) et une augmentation de la productivité. Les 35 heures ne sont qu’un prétexte pour sortir de ses cartons des projets qu’elle n’osait pas appliquer avant.

Exemple : les temps de pause sont remis en cause ou encore une remise en cause des plages horaires en période de pointe (passer de 8 à 10 heures par jour).Inutile de dire que la sécurité des usagers est plutôt vécue comme un frein à la productivité du matériel. De plus, la SNCF voudrait un cadre national minimum et permettre à chaque établissement d’appliquer en fonction des contraintes locales un accord définitif, même dérogatoire, à l’accord national. Ce qui laisse la porte ouverte à toutes les magouilles et les pressions sur le terrain.

Pour les agents aux guichets, les calculs de temps de travail seraient aussi très " orientés ". La direction ne prendrait en compte que le travail effectif en se basant sur le temps de connexion enregistré par les ordinateurs : s’il y a personne au guichet que se passe-t-il ? On peut présumer de la réponse de la direction ! La direction ne parle jamais de réduction du temps de travail mais du passage aux 35 heures, ce qui est significatif sur son état d’esprit.Pour la direction les négociations en cours sont une aubaine. L’arrivée des 35 heures inaugure aussi des modification dans l’embauche des nouveaux : la direction invente les contrats " SNCF " mais à temps partiel obligatoire (24 heures), or le statut SNCF interdit aux agents de travailler ailleurs. Ceci se conçoit pour les temps pleins, mais pour les temps partiels, donc avec un salaire de plus en plus partiel ?

Dans un premier temps (1), seules des négociations bilatérales (syndicat par syndicat, seul SUD-Rail à refuser ce système) sont ouvertes. Sur le plan purement syndical, ce que veut la direction, c’est trouver un accord avec la CGT qui d’ailleurs lui rend bien, puisque que la fédération CGT cheminot trouve que " la proposition de la direction est un bon socle " !Les agents de la SNCF sont divisés entre ceux qui avait déjà officiellement les 35 heures et les autres, mais tout le monde reste très attentif. SUD-Rail demande 32 heures de travail par semaine avec embauche équivalente (environ 10 % de l’effectif actuel). Aujourd’hui dans certains endroits, nous ne pouvons même plus prendre nos congés pour cause de manque d’effectif.

RATP : pas un emploi créé

À la RATP, si notre direction à décider de s’engouffrer dans le créneau des 35 heures, alors qu’elle n’y était pas obligée, c’est bien parce qu’elle pense y gagner beaucoup. Tout ce qui est vrai à la SNCF, l’est aussi à la RATP. La direction nous propose les 35 heures, mais en ne comptabilisant que le travail effectif ! Qu’est-ce qu’un temps mort ? Quand le bus ne roule pas ? Comme à la SNCF, les 35 heures sont l’occasion de remettre en cause des acquis sociaux, y compris ceux qui déjà ne nous satisfont pas. Non seulement, les accords patrons/syndicats ne sont pas bons, mais en plus, nous sommes obligés de faire grève pour les faire appliquer par la direction. Ce qui démontre bien l’état de délabrement du service public et la dégradation des conditions de travail.

Alors que nous demandons l’embauche de plusieurs milliers personnes, le passage aux 35 heures se fera à coût constant, à moyens constants : pas un emploi ne sera créé." La démarche d’aménagement et de réduction du temps de travail devra être accompagnée globalement d’une modération salariale et des mesures d’amélioration de la productivité " : c’est le texte de départ de la direction. À aucun moment elle parle d’embaucher. Comme à la SNCF, les conditions de travail vont se dégrader et c’est encore une fois l’usager qui subira en bout de chaîne le résultat.Actuellement les accords sont signés sans luttes, les bagarres commenceront sur le terrain au moment de la mise en application.

Équipement : le pire est à craindre

À l’Équipement, il est inutile de répéter tout ce qui vient d’être dit sur la dégradation des conditions de travail et sur la réduction des effectifs : 12 à 15 000 emplois depuis les années 80. Pour l’instant, seuls quelques services sont " touchés " par l’expérience des 35 heures. Les premiers résultats des études officielles sont à peu près connus. Les 35 heures ne sont pas applicables sans augmentation des effectifs ET sans une réorganisation du travail sur le terrain. En effet, passer aux 35 heures obligerait de " créer " environ 10 % de postes en plus par service, par unité. Les " gains de productivité " n’absorberont pas ces 10 % (la direction l’avoue). Donc, soit le ministre (Gayssot) impose le partage de la misère des postes, soit il " créée " des embauches. En vérité, je pense que Gayssot – ce libéral communiste – espère échanger l’arrêt de la baisse des effectifs (870 en 1997, 500 en 1998) contre le passage aux 35 heures et surtout contre une réorganisation du travail générale dans les services. L’argument soit disant " massue " étant que l’on ne peut créer 0,3 poste dans tel service et 0,5 poste dans tel autre endroit… Donc le pire est aussi à craindre chez nous. D’ailleurs, la semaine prochaine (le week-end du 13 février) plusieurs départements vont lancer des opérations en direction des usagers et des mouvements de grève, surtout dans les départements touchés par le déneigement (Rhône-Alpes). Pourquoi ? Tout simplement parce que les réductions d’effectifs font exploser les heures supplémentaires en période de fortes perturbations météo. Les agents sont pris par les astreintes du service au public et le manque de personnel. Inutile de dire que le passage aux 35 heures n’arrangera rien à cette situation, les technocrates de droite ou de la gauche plurielle sont décidés à avoir la peau du service public, ils ne parlent plus d’usagers mais de bénéficiaires et/ou de clients…Pour l’instant, les négociations sur les 35 heures sont plutôt vécues comme un bras de fer entre " l’appareil syndical et l’appareil d’État ", les agents sont peu ou pas mobilisés. Il faut dire qu’ils ne se bougent pas du tout !

Émission Chroniques syndicales (Radio libertaire)
avec des représentants de la RATP, de la SNCF et de l’Équipement

(1) Depuis la direction de la SNCF a ouvert des négociations avec l’ensemble des syndicats.