Cinéma

21e Festival International de Films de Femmes

Créteil, du 12 au 21 mars 1999

Année consacrée aux cinematographies d’Australie et de Nouvelle Zelande, Creteil presente 1'integrale de l’oeuvre de Jane Campion, courts et longs métrages. Qui n’a pas vu La lecon de piano ou son chef d’oeuvre Sweetie ? Le l0e anniversaire du jury Graine de Cinéphage (en collaboration avec une classe cinéma des écoles) se consacrera aux thèmes pointus « le cadre » et « l’image ». Les ateliers seront animés par deux remarquables camerawomen, Nurith Aviv et Dominique le Rigoleur.

Le Festival s’ouvre avec une production canado-suisse-francaise Emporte-moi de Lea Pool. La réalisatrice n’est pas une inconnue dans le festival. Elle a réalisé en 1984 La femme de l'Hôtel et en 1986 Anne Trister, un succès international. Emporte-moi etait en compétition à Berlin et n’a pas eu le prix mérité. Son film est une réussite, il fait le portrait d’une jeune fille à l'âge ingrat, entre les premières règles et les premiers émois. En même temps le couple parental, incarné par Miki Manojlovic et Pascale Bussières, est dessiné avec finesse. Sa sexualité, comme le dit si bien Freud, est à un stade où l'être jeune parcourt les étapes de toutes les sexualités possibles avant de trouver son identité sexuelle propre. Le « pervers polymorphe » du film Emporte-moi est Hanna, une jeune fille de 13-14 ans, interprétée par une actrice remarquable, Karine Vanasse.

Le film évite les pièges du genre en arrimant son histoire dans une expérience de cinema: un jour de pluie, Uanna s'égare dans un cinéma, elle est littéralement happée par Anna Karina dans Vivre sa vie de Godard. Les phrases prononcées dans le film « tu es responsable… » etc. entrent dans sa vie. Elle est fascinée, emportée, elle l’imite, elle lui sert de guide et de modèle. Son professeur de francais, Nancy Huston, qui a co-écrit le scénario, ressemble d’ailleurs étrangement à Anna Karina. Un film sensible, raffiné et élégant, une œuvre de maturité.

Le Festival édite un livre de Jackie Buet, une des directrices fondatrices du Festival « Films de Femmes. Une nouvelle génération de réalisatrices » (1). La question de la spécificité féminine sera évidemment posée avec compétence et à partir d’une experience. Tout comme dans le film chinois (en compétition) lui aussi présenté à Berlin, ou la cinéaste raconte son expérience de la révolution culturelle : Xiu Xiu de Joan Chen.

Heike Hurst - émission Fondu au Noir (Radio libertaire)

(1) éd. Alternatives. 170 F, disponible pendant le festival.