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Hem Day

septembre 1969.

Marcel Dieu, plus connu sous son pseudonyme de Hem Day, est mort le jeudi 14 aout dernier à Evere dans l’agglomération bruxelloise. Il avait soixante-sept ans. Il a été incinéré à Uccle le lundi suivant 18. Il eut des funérailles maçonniques.

Personnalité internationale du monde libertaire. Il avait réuni une des plus importantes, sinon la plus importante des documentations existant sur l’anarchie. Sa bibliothèque personnelle et ses innombrables, rares et précieuses archives, constituent un ensemble unique. Hem Day avait, je pense, pris ses dispositions pour que legs en soit fait, à sa mort, à la Bibliothèque Royale (équivalent belge de la Bibliothèque nationale).

Ce fut là l’œuvre de sa vie, avec l’édition des cahiers de « Pensée et Action », qu’il publia durant des décades. C’est qu’Hem Day savait joindre la pensée et l’action, lui qui fut de toutes les campagnes généreuses, de toute les combats où l’homme et la liberté de l’homme étaient en jeu. Lui, qui, à longueur d’existence, accueillit les proscrits, les hébergea, leur donna de l’argent, sans leur demander ni d’où ils venaient ni qui ils étaient, seul lui importait qu’ils soient traqués.

C’était un grand sincère. Et ce fut un homme très bon.

Hem Day fut l’ami et le disciple d’Han Ryner. Il fut l’ami d’E. Armand et de Sébastien Faure. Il donna asile à ses amis Ascaso et Durruti, expulsés de tous les pays du monde.

Je n’ai pas un tempérament à faire des discours sur les tombes et à écrire des articles nécrologiques. La mort est un phénomène biologique et je considère qu’il est plus désagréable de mourir si on meurt mal (souffrance, désespoir ou crainte du néant) que d’être mort. Et puis, paradoxalement, je suis bouleversé par la mort d’un être cher comme Hem Day. Me dire que je ne verrai plus sa bonne bouille, ne l’entendrai plus au dessert chanter : « Les P’tits navets », parler de lui au passé, penser ques ses exploits gastronomico-bacchiques ne sont plus que souvenirs, cette séparation brutale, quel vide ! C’était pour moi un ami si exceptionnel. Nous étions liés depuis plus de quarante années et notre affection ne s’est jamais démentie. Nous avons cohabité longtemps, nous avions la même philosophie, la même idéologie, appréciions les mêmes joies terrestres, nous avons été en prison ensemble, nous avons fait la grève de la faim ensemble et jamais, au cours de cette longue période, jamais nous n’avons eu la moindre divergence.

C’est dire mon chagrin.

Puisse ton souvenir, Marcel, mon frère, demeurer vivant dans l’esprit des compagnons présents et à venir, comme il demeurera vivant dans mon cœur.

Léo Campion