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À la découverte du lecteur-type

Le jeudi 12 mai 1994.

« Ne jamais désespérer », voilà une devise qui conviendrait parfaitement au lecteur du Monde Libertaire. Nous vous avions soumis, en mars 1993, un questionnaire très indiscret, à nous renvoyer afin de cerner qui nous lisait. Et de promettre de vous en donner les résultats dans les semaines suivantes. Las, le « destin » ne l’aura pas voulu ainsi. Mais enfin, compagnes et compagnons, le voici : le lecteur-type du Monde libertaire !



Premier chiffre : vous avez été 294 très exactement à nous répondre, score honorable s’il en est, qui ne constitue somme toute que le taux classique de réponses à de telles enquêtes (entre 5 et 10 % des lecteurs). Mais le lecteur-type, quel est-il ? C’est simple, il n’existe pas ! C’est ce qui a constitué pour nous le principal obstacle à l’élaboration de cette caricature statistique de vos réponses. Mais, après tout, n’est-il pas normal qu’il en soit ainsi, de la part d’individus (donc uniques) anarchistes (ce qui n’arrange pas les choses en matière de caractère). Alors puisqu’il faut en passer par la caricature (comme tout sondage), allons-y.
Le « lecteur de ML » est un homme, plutôt jeune ou d’âge moyen, employé ou étudiant qui habite principalement des villes grosses ou moyennes, même s’il ne dédaigne pas la campagne. Il ne manque pas d’ardeur militante, ni d’investissement dans une, voire plusieurs associations ou mouvements et s’intéresse à tout.

Des preuves ? 82 % des lecteurs ayant répondu étaient des hommes. 46,6 % ont moins de 35 ans (20,7 % ont moins de 25 ans, 25,9 % de 26 à 35 ans, 27,2 % de 35 à 45 ans, 11,9 % de 46 à 55 ans et 13,5 % plus de 50 ans), même si toutes les tranches d’âges sont bien représentées. Nous pouvons cependant noter un très net pic dans la tranche 25-35 ans parmi les militants FA qui ont répondu (51,7 %) à l’inverse des lecteurs non-FA (15,3 %)

Nos lecteurs habitent à 33,3 % dans des villes moyennes, à 22,8 % dans des grosses villes (plus 19 % dans leurs banlieues) et 23,1 % dans des villages. Nous retrouvons évidemment plus de militants FA dans les grosses villes (39,7 %) et plus de lecteurs non militants FA dans les villes moyennes ou la campagnes (34,7 et 24,6 %). Question d’implantation… d’où l’importance pour l’organisation, mais aussi pour les lecteurs, de l’existence de ce journal qui constitue un lien indéniable pour une population très éclatée. Nous y reviendrons.

Il occupe les emplois suivants : employé (22,8 %), étudiant (17 %), retraité (10,9 %), cadre (9,9 %), technicien (8,5 %), ouvrier (7,5 %), chômeur (6,8 %) et travailleur non salarié (3,1 %). Une répartition relativement homogène qui correspond au « public » que nous visons et reflète l’état général de la société, notamment l’affaiblissement des professions ouvrières.

48,3 % sont militants d’associations et 38,8 % ont des velléités d’activisme, des proportions normalement différentes pour les lecteurs qui ne militent pas à la FA (36,4 % de militants mais 47 % que ça démange). Ces militants sont dans l’ordre : syndiqués (54,2 % des militants soit plus de 25 % des réponses au questionnaire), militants d’associations culturelles (44,4 % des militants), humanitaires (une surprise : 31,7 % d’entre eux), écologistes (23,9 % mais 34,9 % chez les militants qui ne sont pas à la FA), antiracistes ou antifascistes (22,5 %), d’associations sociales (18,3 %), de cercles philosophiques (17,6 %), de mouvements pacifistes (14,8 % mais 29,1 % chez les militants non FA), membres d’associations de quartier (9,2 %) comme de partis politiques (9,2 % également) et enfin antisexistes, lanterne rouge (4,2 % d’entre eux). Nous avons pu constater qu’un très grand nombre de ces militants agissaient, en fait, dans deux ou trois mouvements ou associations simultanément, surtout parmi les militants hors-FA. Les membres de la FA se limitent beaucoup plus vite, ce qui explique que les scores sont en moyenne inférieurs d’un tiers à une moitié. Tous ces militants se trouvent très bien dans leurs mouvements (62 %) mais, simultanément sont en attente de propositions (65,5 %).

Les lecteurs qui nous ont répondu ne sont donc pas des gens comme les autres. D’une manière générale, ils se connaissent (53,7 % sont en contact avec des militants de la FA et 52,4 % avec des anarchistes non adhérents à la FA). Cependant, un cinquième d’entre eux (21,1 %) n’est en contact avec aucun anarchiste, ce qui est une proportion très importante et sans doute très handicapante pour le mouvement libertaire. Répétons donc l’importance de ce journal pour les contacts entre les anarchistes.

Il est essentiel que le ML soit distribué en kiosque. C’est d’ailleurs en kiosque que vous l’avez découvert principalement (23,8 %), premier des modes de prise de contact avec le journal, suivi des bons amis qui, un jour, vous disent : « J’ai un super journal à te faire lire ! » (18,4 %). Cependant, le travail des militants de la FA, leurs collages d’affiches, leur présence à des meetings cumulés représente le mode le plus important de prise de contact, et sans doute le plus efficace (respectivement 15 %, 7,5 % et 12,2 %, soit au total 34,5 %).

Celles et ceux qui ont répondu à ce questionnaire ne sont peut-être pas des lecteurs comme les autres non plus. C’est du moins comme ceci que j’interprète l’assiduité et l’attachement très marqué qu’ils ont pour le journal : 46,6 % sont des abonnés et 27,9 % des lecteurs réguliers, contre 12,2 % de lecteurs occasionnels qui le lisent quand ils l’ont sous la main. Restent évidemment quelque 12,2 % de lecteurs assidus qui n’ont pas encore compris que s’abonner leur reviendrait moins cher et nous soutiendrait plus efficacement que l’acheter toutes les semaines… Plus de la moitié des abonnés le sont depuis 6 mois à 6 ans (8 % à moins de 6 mois, 32,8 % de 6 mois à deux ans, 20,4 % de 3 à 6 ans, 11,7 % de 7 à 10 ans et 13,9 % depuis plus de 10 ans). Apparemment, notre lectorat est relativement tournant, comme il est relativement jeune. Peut-être avons-nous du mal à conserver nos lecteurs ?

Visiblement, tout vous intéresse dans le ML : il a un contenu différent pour 36,1 % d’entre vous, il permet de garder le contact avec le mouvement anarchiste pour 38,4 %, il vous permet d’approfondir vos réflexions pour 38,8 %. Que demander de plus ? Qu’il vous informe : vous n’êtes que 18,4 % à nous lire dans ce but. Sans doute est-ce un défaut de ce journal qui abonde en réflexions mais remplit avec difficulté sa mission d’information. Défaut d’un journal militant, d’opinion et surtout principalement bénévole. Vous êtes d’ailleurs nombreux (mais comment le chiffrer) à nous suggérer de vous donner plus d’infos sociales, plus d’infos sur les activités des groupes FA, plus de contre-information… Dont acte. Mais les sujets qui vous intéressent, ce sont tout d’abord nos idées : vous êtes 57,5 % à avouer votre faible pour la philosophie et l’éthique anarchiste. Ensuite viennent les infos sociales (40 %), l’antifascisme (32,7 %), l’antimilitarisme (28,9 %), les infos générales internationales (25,9 %), l’éducation (21,1 %), le mouvement anarchiste international (19,7 %), la culture (18,7 %), l’écologie (14,3 %), le syndicalisme (13,3 %), le féminisme (11,9 %) et bonne dernière, l’économie (11,2 %). Honte sur nous qui avions oublié de mentionner dans le questionnaire des sujets aussi importants que l’anticléricalisme ou la prison. Seuls quelques-uns d’entre vous ont pensé à nous le rappeler.

Quant à l’équipe rédactionnelle, nous pouvons être satisfaits puisque vous êtes 66,7 % à apprécier l’ouverture du journal (3,1% trouve la ligne éditoriale trop ouverte, 5, 1% la trouve incohérente, 8,8 % la trouve fermée, 2,4 % trop fermée et 2,4 % sectaire). Nous vous remercions de votre indulgence.

Indulgence toute relative, d’ailleurs. Vous ne nous avez pas ménagé vos conseils et vos critiques. Cette partie du questionnaire s’est de plus révélée très ardue à traiter, et pour tout dire, je ne pense que nous y soyons parvenu. Trop de diversité dans les réponses, même si certains constats reviennent souvent. Beaucoup d’entre vous apprécient nos articles de fond, nos débats et la plupart de nos rubriques. Vous êtes d’ailleurs très nombreux à nous demander d’en mettre plus : plus de pages, de couleur, plus d’idées, plus d’infos, plus de dessins, de photos, de contributions extérieures à la FA ou au mouvement libertaire (pour ne rien vous cacher, elles sont déjà très nombreuses), plus d’histoire du mouvement (ce que avons essayé de faire cette année), plus d’humour, moins de tristesse. Mais aussi pour d’autres : trop de débats, surtout s’ils sont stériles ou flirtent avec la langue de bois, trop de dessins, des articles trop longs, pas assez de rigueur et un côté « ado révolté » qui dérange parfois, un côté sectaire pour certains… Difficile de trouver une synthèse de tous vos désirs, si ce n’est qu’il nous faut donc faire un journal le plus complet et le plus riche possible, tout en veillant à ce qu’il soit accessible à tout le monde. Tâche difficile que nous essaierons de remplir avec bonheur .

Bertrand Dekoninck
(gr. Louise-Michel — Paris)


AVIS

Pour celles et ceux qui le désirent, nous pouvons vous envoyer les statistiques complètes et la retranscription des suggestions et critiques contre 6,70 FF en timbres.

Écrire au Monde libertaire, 145, rue Amelot, 75011 Paris.