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éditorial du nº 1149 et autres articles du ML1149

28 janvier au 3 février 1999
Le jeudi 28 janvier 1999.

https://web.archive.org/web/20040506183117/http://www.federation-anarchiste.org/ml/numeros/1149/index.html



Éditorial

Depuis son retour, Chevènement est remonté à bloc, pataugeant même allégrement dans l’autocaricature. Pour nous prouver qu’il a étudié ses dossiers, sa résurrection télévisée sur TF1 s’ornait de chiffres, pas moins de vingt-six, une belle armée de chiffres, en ordre de bataille contre la délinquance.

Chacun le sait, cela fait sérieux, informé, objectif. La croissance des délits et crimes de mineurs, précisa-t-il, a représenté, en 1998, « 1,99 % hors Paris ». Comment ne pas saluer la précision et l’honnêteté qui pousse Chevènement à se refuser la facilité d’arrondir cette croissance à 2 %.

Il manquait pourtant un chiffre qu’il n’avait pas cru bon de livrer : celui des « sauvageons » dont « l’éloignement » semblait, dans sa bouche, si indispensable au maintien de l’ordre républicain. Quelques jours plus tard, c’est Jospin lui-même qui se chargea de dissiper cette cruelle incertitude : l’effectif de ces jeunes n’excédait pas « six à sept cent personnes ». Bigre ! Tout ce bruit pour quelques centaines d’adolescents. L’ordre républicain serait-il à ce point fragile ?

Chacun le sait, les chiffres se prêtent merveilleusement à toutes les manipulations. Curieux de savoir quelle technique de recensement des sauvageons avait été utilisée, un journaliste d’un grand quotidien du soir téléphona à Matignon. Il tomba sur un conseiller de presse qui, après divers circonvolutions verbales destinées à noyer le poisson, finit par cracher le morceau. « C’est une évaluation qui vient du ministère de l’intérieur. Elle n’a rien de scientifique. Elle a sans doute été donnée au premier ministre par Jean-Pierre Chevènement lui-même. »

Quand cela l’arrange, notre vénéré ministre de l’intérieur sait se montrer avare de chiffres. Ses services refusent, par exemple, de donner des chiffres sur le nombre de violences mortelles commises ces dernières années par des policiers dans l’exercice de leurs fonctions, se contentant d’affirmer qu’il y en a eu « très peu ».

Nous voilà bien avancés, la police nationale est-elle si mal organisée pour se trouver ainsi dans l’incapacité de répondre à une question aussi élémentaire ? Police partout, justice nulle part.


Quand les pauvres s’étripent, les riches dorment tranquilles

Peut-être faut-il rappeler d’emblée cette évidence sommaire : la revendication d’un quotidien peinard est une revendication minimale et juste. Le ressentiment, voire la révolte qui nous saisissent face au siège de métro éventré, à la bicyclette piquée ou vandalisée, à l’agression, même verbale dans la rue ou le collège, sont normaux.

Il faut garder en permanence cette banalité à l’esprit quand nous dénonçons les arrière-pensées de l’idéologie sécuritaire. Il ne faut jamais la perdre de vue quand nous faisons remarquer que le vécu de la violence quotidienne n’a pas sensiblement changé ces 20 ou 30 dernières années (la presse et la littérature des années 70, par exemple, en témoignent facilement) ; que les statistiques notent certes une réelle progression de la violence des mineurs, mais parallèlement une chute considérable d’autres formes de délinquance, notamment les vols et effractions de voitures ; que les positionnements électoralistes expliquent en grande partie le tapage de ces dernières semaines ; ou que les médias, comme d’habitude, se complaisent à affoler l’opinion en mélangeant allègrement violences quotidiennes relativement bénignes et agressions spectaculaires, notamment de policiers.

Oui, quand nous disons cela, et tout le reste (les deux derniers numéros du Monde libertaire développent un argumentaire remarquable, et qu’il est superflu de reprendre ici), nous devons nous garder de faire croire que nous nous désintéressons du droit des gens à une vie tranquille, et que nous assimilons toute manifestation de ras-le-bol à une volonté fascisante. Là où le sentiment d’insécurité existe, nous devons en tenir compte.

Or, face à ce sentiment d’insécurité, la classe politique n’a dans sa musette que deux types de réponses, selon son intérêt électoral immédiat. On les nomme généralement « répression » et « prévention », et ça permet de beaux débats.

[image cassée : Redonnons des repères aux sauvageons]

Le capitalisme : une logique implacable

La répression a, on l’a remarqué, le vent en poupe. La recette est pourtant d’un classique désolant : multiplication des képis et des caméras dans les lieux publics, assortie de quelques condamnations lourdes pour l’exemple et pour la presse.

Tout le monde, à commencer par la police, sait que cela n’a strictement aucune efficacité contre la criminalité, et les exemples foisonnent ( en premier lieu aux Éats-Unis) pour montrer qu’une société est d’autant plus violente qu’elle est répressive. Mais l’effet escompté est tout autre : il s’agit de donner un débouché aux pulsions de vengeance, bien sûr. Mais surtout, et beaucoup plus grave, c’est l’occasion d’accentuer le contrôle social et individuel. De même qu’on a utilisé sans vergogne un viol sordide pour banaliser l’idée d’un fichage génétique collectif, de même une petite poussée de violence tombe à pic pour « justifier » les vidéo-surveillances et les contrats locaux de sécurité, en attendant le super-fichier que nous concoctent les flics pour demain.

Nous avons évidemment beaucoup plus de sympathie naturelle pour l’approche dite « préventive », celle qui s’appuie sur les travailleurs sociaux, sur l’école, sur les initiatives locales. Il ne faut pas ignorer, ni minimiser les résultats obtenus localement. Le livre Résister d’Adret en évoque quelques-uns, il y en a sûrement d’autres près de chez vous. Il n’en reste pas moins que ces victoires durement acquises et souvent provisoires ne peuvent masquer l’incapacité globale de la bonne volonté à lutter significativement contre la poussée et les ravages du système économique et de sa compagne la misère.

Car il faut bien en arriver là : nous vivons dans une société à la logique implacable. Cette logique, c’est celle du capitalisme (au passage on se demande pourquoi même ses ennemis ont récemment abandonné le terme très éloquent « capitalisme » au profit du douteux « libéralisme », voire « néo-libéralisme »). Le capitalisme, donc, a pour but de créer des profits, la contrepartie est qu’il crée de la misère. Misère qui lui est utile par ailleurs pour étouffer les revendications sociales sous la menace d’une nouvelle dégradation des conditions de vie. Mais l’absence de perspective sociale pour une partie croissante de la population entraîne évidemment la délinquance, la violence, le trafic… avec pour conséquence la colère des « honnêtes gens » contre les fauteurs de troubles, défouloirs rêvés pour leurs propres aigreurs, leurs propres frustrations. De là le désir de répression.

Tant que le système capitaliste sera en place, cette logique prévaudra. C’est notamment d’une compréhension précise et d’une très habile exploitation de ce schéma que l’extrême droite fait ses choux gras depuis une quinzaine d’années. Le choix est donc le suivant : soit on s’accommode de la violence quotidienne en jouant sur les soupapes répressive et préventive en fonction de l’air du temps (c’est le parti que prennent, et pour cause, tous les partis de gouvernement) ; soit on veut lutter contre cette violence avec des résultats au bout, et il est indispensable de s’attaquer à sa cause première, le capitalisme. Nous sommes depuis toujours partisans de cette deuxième solution : somme toute, c’est aussi parce que nous sommes conscients de la vanité des rafistolages dans le cadre du système que nous sommes anarchistes !

Diriger la colère contre les puissants

Mais là commence pour nous la difficulté : si on crie « c’est la faute du capitalisme ! » plutôt que « au voleur ! » devant quelqu’un qui vient de se faire piquer son sac à main, on a peu de chances d’être compris ! Protester contre la présence policière n’est pas suffisant non plus, quand le système a des alternatives toutes prêtes, qui s’appellent milices populaires (leur constitution est-elle un exemple de l’« action directe » que nous revendiquons ?) à Toulouse, contrats de sécurité, plus soft mais aussi pernicieux, à Rennes. Enfin, il ne faut pas ignorer qu’en l’absence de mouvement social fort, la fragilisation de l’État peut aussi générer non pas une anarchie plus ou moins spontanée et salutaire, mais des dérives mafieuses : l’histoire récente, notamment dans les pays de l’Est, nous l’a montré.

Entre la démagogie sécuritaire et la démagogie angélique, la voie est donc étroite. Mais c’est la seule ! Il nous faut partager la révolte des ghettos sans nécessairement approuver les formes qu’elle peut prendre et qui vont parfois à rebours de la prise de conscience sociale ; comprendre aussi la lassitude des « braves gens » sans nécessairement approuver son expression, quand elle tend vers un autoritarisme aussi nocif qu’inopérant ; à tous, essayer sans relâche de faire comprendre que dans cette lutte, le vrai vainqueur c’est le capitalisme, qui se régale de voir les pauvres s’étriper entre eux ; montrer que le seul débouché intéressant de la colère, c’est de la diriger contre les puissants, ceux qui nous maintiennent dans la misère, la précarité ou la médiocrité pour leur plus grand profit ; et tout cela en dénonçant sans relâche le danger que l’idéologie sécuritaire fait peser au quotidien sur les libertés individuelles.

Bien sûr, c’est moins facile que de hurler avec les loups ou poétiser la violence urbaine. Mais c’est le seul chemin qui ne soit peut-être pas une voie sans issue.

François Coquet


Vidéosurveillance : l’œil des pouvoirs

[ image à récupérer : Le ministère de l’intérieur présente…]

Puisqu’une certaine insécurité revient sur le devant de la scène à travers des discours musclés et des mesures spectaculaires, nous allons évoquer une de ces techniques qui permet de renforcer un certain ordre.

Installées dans des banques et magasins de luxe dans les années 70, les caméras de surveillance se sont peu à peu immiscées dans de nombreux espaces de vie, de travail et de consommation quotidiens. On ne compte plus les axes routiers urbains, les bus, les rues, les parkings, les copropriétés et entrées d’immeubles qui sont équipés de caméras. Sans parler des entreprises.

La législation, lentement, a suivi tant bien que mal l’évolution du phénomène. La loi sur la vidéosurveillance dans les entreprises a été mise en place par Martine Aubry le 31 décembre 1992. Elle a entériné une pratique qui se généralisait un peu partout et qui relève à présent du code du travail. Obligation est faite de consulter le comité d’entreprise et d’informer tous les salariés de l’instauration de caméras.Entre temps, la CNIL (Commission nationale informatique et libertés) dans sa mission de contrôle des pratiques liées aux nouvelles technologies et inspirée par la loi Informatique et Liberté du 6 janvier 1978, avoue son impuissance à mener sa tâche, notamment dans le contrôle des installations vidéo. Elle demande des garde-fous juridiques pour l’usage des caméras.

1995, c’est l’année de la loi Pasqua qui à son tour va légiférer la vidéosurveillance. À partir de ce moment là, l’installation des caméras sur la voie publique ou dans les lieux privés ouverts au public sont soumis à déclaration et à accord préfectoral délivré à l’aide d’une commission départementale présidée par un magistrat. Le public doit être clairement informé de l’existence de caméras et la conservation des bandes enregistrées ne doit généralement pas excéder un mois. Amendes et peines de prison sont censées sanctionner les écarts éthiques en la matière.

Prolifération

Ces derniers mois, les communes de Vaulx-en-Velin, Beaucaire, Montpellier, Lyon… ont fait parler d’elles avec des élus désireux de mettre la population sous surveillance. Il faut savoir que 8 % des demandes d’installation de vidéosurveillance provient des collectivités locales. Dans les entreprises, le phénomène est encore plus important puisqu’on estime à 80 % le taux d’équipement en caméras. Les particuliers, qui ne sont pas en reste, ont la possibilité d’installer chez eux une telle panoplie pour environ 3 500 F, et le marché explose faisant chuter les prix. De façon générale, on estime aujourd’hui à plus d’un million le nombre de caméras installées en France. Et ce chiffre croît chaque année de plusieurs milliers.

L’œil du pouvoir politique…

La vidéosurveillance est à percevoir comme un moyen technique d’asseoir un rapport de domination. À différencier tout en le mettant en perspective avec divers moyens de « traçabilité » individualisés (cartes à puce, téléphones portables, ordinateurs…), l’espionnage par caméras se révèle être une pratique instaurée par les pouvoirs sur les gouvernés. Ainsi, s’il est courant de voir un maire généraliser la surveillance de « ses » administrés, on n’a jamais vu ceux-ci imposer une caméra dans le bureau des élus pour chasser les fraudes. Pourtant la délinquance en col blanc et financière défraie la chronique et coûte plus cher à l’État que les voleurs d’autoradios ne font dépenser aux assurances. La classe et le pouvoir politiques ont donc les moyens de surveiller leurs opposants, mais aussi les SDF et autres indésirables de toutes sortes dont le profil évolue au fil des sensibilités des élus : les immigrés, les pauvres, les jeunes… À Vitrolles, l’ancien maire socialiste a installé des caméras qui pourrait être utilisées aujourd’hui par Mégret pour repérer ses opposants. On peut élargir (et on le doit !) une telle démonstration à l’État, et le résultat en sera plus terrifiant encore.

… et économique

Toujours dans le même ordre d’idées, les caméras permettent aux employeurs de créer les conditions pour optimiser rentabilité, docilité et terreur. Selon une étude, les motivations des entreprises pour employer la surveillance vidéo vont de la prévention du vol interne et de l’absentéisme à la qualité du travail. On sait tout de vous, on peut tout contre vous. Des magasins ont tenté de licencier du personnel en utilisant une bande vidéo censée démontrer les griefs formulés ; la RATP, il y a un an, a prêté ses enregistrements à la société de nettoyage COMATEC pour identifier les grévistes de cette entreprise alors en conflit avec la direction.

Dans un autre ordre d’idées mais toujours avec une logique dominatrice, les caméras qui nous filment dans les supermarchés permettent aux professionnels du marketing d’étudier en temps et situation réelle les comportements des clients. Ils en tirent matière à optimiser les stratégies de ventes et influer sur le comportement du consommateur. Donc à le déposséder de son pouvoir de décision.

Faut-il éborgner les pouvoirs ?

À ce stade de la réflexion, et parce qu’elle peut et doit se prolonger dansune dynamique de luttes là où c’est nécessaire, la question de savoir s’il faut accepter une restriction législative de l’usage de la vidéosurveillance se pose. En réalité, tout le monde, partisans comme opposants, s’accorde à reconnaître que les dérives existent. Selon la Gazette des communes (décembre 1998), 29 289 installations seraient déclarées mais 120 000 sont réellement en fonctionnement ! Un membre de la CNIL avouait ainsi : « il reste beaucoup d’installations clandestines ». Pourtant la première obligation faite à ses utilisateurs est de la déclarer… On peut imaginer ce que deviennent les autres obligations préconisées… Quant aux questions liées à l’éthique nécessaire pour une gestion « démocratique » des caméras, nous savons tous combien cette notion fluctue au fil des époques et des villes. Aujourd’hui, les écoutes téléphoniques se pratiquent à grande échelle et sans contrôle parfois, alors que c’est une pratique qui est sérieusement balisée juridiquement.

En réalité, si nous voulons éviter qu’un certain ordre règne dans les rues comme dans les têtes, il faut s’opposer simplement à toute installation vidéo. Nous ne pouvons nous contenter de promesses vertueuses car l’expérience montre qu’il est plus facile d’empêcher l’installation d’un tel système que d’en demander le retrait après coup.

L’opposition existe

Au gré de l’actualité, les résistances perdurent. À la plate-forme postale de Créteil-Marais, les postiers ont lutté contre le projet de la direction visant à installer 32 caméras et à badger les salariés. À Vaulx-en-Velin, bien qu’il n’ait pas pu empêcher le maire (PC) d’aboutir, le collectif SOS-vidéosurveillance reste actif. Idem pour le Collectif de Levallois-Perret « Souriez vous êtes filmés ». Ils ont donc proposé de mettre en place, avec des participants de Limoges, les groupes FA du Gard et de Montpellier, une journée d’action nationale contre la vidéosurveillance [1]. Toutes les initiatives (tracts, manifs, happenings…) seront les bienvenues et permettront sans doute d’élargir la réflexion sur le mensonge sécuritaire, les moyens de contrôles sociaux, un certain développement des villes qui se dessine.

L’exploitation de l’insécurité

La multiplication des politiques sécuritaires et le développement idéologique qui l’inspire se retrouvent dans toute la classe politique, de l’extrême droite à la gauche plurielle. Les anarchistes n’ont pas pour habitude de faire leur chou gras de l’exploitation démagogique de la peur. Ils préfèrent dire que les arsenaux sécuritaires, depuis le développement des polices parallèles privées ou municipales, au quadrillage du territoire par un redéploiement de gendarmerie, en passant par les mesures « sociales » du type suppression d’allocations aux familles en difficultés, sans oublier tous les outils technologiques utilisés à ces fins ne font que barrer notre horizon. On ne répond pas par des mesures répressives qui se renforcent sans cesse à une société de classes où il ne s’agit de rien d’autre que de l’instauration d’un ordre sauvage étatique en prévention des soubresauts d’une société qui a la peur au ventre et l’incertitude comme horizon indépassable. Nos vies sont quadrillées, nos libertés balisées, nos trajectoires fichées, nos intimités repérées et nos comportements normalisés sur fond de partages des misères. Et ce n’est pas l’amendement de Jean-Pierre Brard (député communisant) qui nous rassurera : en décembre, l’Assemblée nationale a adopté dans le cadre de la loi de finances 1999, l’interconnexion entre les fichiers de la sécurité sociale et ceux des impôts. Juppé l’a rêvé, Jospin l’a fait.

Daniel — groupe du Gard


Tandis que Cohn-Bendit fait le malin, les affaires continuent

On le sait Dany est un bon provo, le but d’une provocation est de piéger l’adversaire, le pousser à l’erreur tandis que le provocateur s’en sort avec tous les honneurs. La visite à la Hague de Cohn-Bendit est un modèle du genre, grâce aux syndicats maison de la COGEMA, Dany a gagné ses galons de général Vert, mais qu’en est-il vraiment de ces « fossoyeurs du nucléaire » que seraient les écologistes de gouvernement ? En fait leur tâche est le sauvetage en règle par une saine gestion économique de la maison nucléaire en train de s’écrouler. Les antiucléaires de terrain que nous sommes le savent bien mais, face au phénomène médiatique Cohn-Bendit, il va être difficile de dissiper les illusions, au moins rapidement. Essayons toutefois. Voyons d’abord le problème du retraitement.

L’offensive publicitaire récente de la COGEMA (combien de millions de francs dépensés en pure perte tandis que se pose, et depuis longtemps, le problème de la reconversion de ses travailleurs ?) vise à assimiler le retraitement, soit la récupération d’uranium et de plutonium à partir des combustibles irradiés dans les centrales nucléaires, à un recyclage et donc à une diminution des déchets radioactifs. Ce n’est absolument pas le cas.

Le retraitement bidon des combustibles nucléaires irradiés

Jusque dans le milieu des années 70 l’objectif du retraitement était de fournir le combustible pour les futurs surgénérateurs, cette mythique surgénération (véritable clé de voûte de toute l’architecture du nucléaire civil, basée sur l’utilisation hypothétique du plutonium) étant tombée à l’eau, le retraitement est rentré en crise grave ou, si l’on préfère, dans l’ère du bidouillage généralisé.

En effet le retraitement n’a aucun intérêt économique, bien au contraire. L’uranium récupéré (à un coût élevé) doit repasser dans un circuit technologique complexe pour espérer être réutilisé ; or compte tenu de la stagnation de l’électronucléaire, le traitement de l’uranium récupéré n’a définitivement aucun intérêt, si tant est qu’il en ait eu un jour. Le plutonium quant à lui n’a aucune utilité et que des désavantages, alors que le plutonium militaire surabonde, le plutonium « civil » se rajoute au stock de poison. Pour reculer l’échéance de la mise au rencard de cette filière industrielle, que les américains ont de leur côté abandonné depuis longtemps, on a inventé le MOX, combustible qui mêle un peu de plutonium mais en quantité négligeable par rapport aux stocks qu’il s’agit d’écouler, et qui pose lui-même de nouveaux problèmes…

Le bidouillage du retraitement n’a en fait qu’une visée, elle est politique : retarder le moment des décisions sérieuses et de leur mise en application dans le domaine des déchets radioactifs, donner le temps d’acculer les populations à accepter ces décisions, bref masquer le plus possible l’incohérence criminelle de l’industrie nucléaire. Le retraitement n’est pas une solution technologique mais du temps gagné, au prix très fort (chiffre d’affaire de la COGEMA : 32,7 milliards de francs).

Pendant ce temps là les négociations vont bon train

Si la COGEMA chiffre à 30 milliards de francs de perte l’arrêt des contrats avec l’Allemagne, c’est qu’il y a 30 milliards de francs de gagné pour quelqu’un… Et pour qui ? pour l’industrie nucléaire allemande bien sûr, directement ou indirectement (par le biais du gouvernement). L’arrêt du retraitement était à l’ordre du jour depuis longtemps en Allemagne, pour des raisons économiques évidentes, mais ce qui empêchait la décision était l’extraordinaire mobilisation sociale autour du refus des déchets radioactifs. Face au mouvement social, la dernière tentative de transporter les déchets s’étant soldée par la nécessité de déployer 30 000 policiers, il était urgent d’attendre, et le retraitement sert à ça ! Ainsi 3 500 tonnes « allemandes » sont en attente à la Hague ! Situation que le sinistre Strauss-Kahn a beau jeu de dénoncer. Cette situation ne pouvait toutefois durer longtemps, arrivent alors nos « Rouge-Vert »…

Le deal de la coalition « Rouge-Vert » allemande avec son industrie nucléaire est assez simple : « d’abord arrêtons de finasser, le nucléaire n’a pas d’avenir, vous le savez, nous le savons, vous êtes de grands groupes Électriciens et votre activité c’est de produire de l’électricité, qu’elle soit d’origine nucléaire ou autre, peu importe si ce n’est les bénéfices à en attendre, nous vous garantissons le temps nécessaire (la sortie “progressive”) pour assurer dans la douceur le remplacement de vos activités électronucléaires et la réalisation des profits. Pour preuve du sérieux de nos engagements, fini le retraitement inutile et cher et on s’occupe de gérer l’agitation sociale autour des déchets pour lever le statu quo, nos amis Verts prennent la lourde tâche de s’en charger, qu’ils en soient remerciés. »

En France les petits soldats du nucléaire étouffent de colère tandis que Dany fait le beau, pendant ce temps là on négocie dur dans les salons, partout… et avec tout le monde. On cherche le bon deal et le recyclage des Verts d’agitateurs en gestionnaires n’a pas fini d’étonner les gogos de « sensibilité » antinucléaire.

Luc Bonet – Liaison Poitiers


Travailleurs du nucléaire, travailleurs antinucléaires : tous ensembles !

Avec la médiatisation des actions de Dany Cohn-Bendit contre l’industrie nucléaire, c’est le libéralisme "monsieur propre" qui est mis en avant. En gros les verts s’adressent aux capitalistes en leur disant " il y a du fric à se faire dans l’arrêt et le démantèlement du nucléaire, comme dans la production d’électricité maintenant que les monopoles sont tombés ! (1) ". Une certaine forme d’opposition à l’énergie nucléaire sert ici de prétexte à la casse du service public.

Toutes les filières du nucléaire en France (Framatome, EDF-CEA) ont pensé à une reconversion vers un moins nucléaire, sauf la COGEMA qui s’arc-boute sur son joujou. Rien d’étonnant, donc, à ce que ce soient les élus et travailleurs (subventionnés et salariés), manipulés par un maître lui-même affolé (la COGEMA) qui pètent les plombs, lors de la visite de D. C-B à la Hague et lancent des injures nationalistes " c’est une honte pour la France… Il est allemand ", homophobe, voire inqualifiable " Avec quoi les allemands vont-ils faire brûler leurs centrales, avec des juifs ? " (2).

Hypocrisie des élus locaux qui parlent de la défense des salariés et accusent les verts d’être des " fossoyeurs de l’emploi " alors qu’il ne pensent qu’à biberonner les généreuses subventions et taxes du veau d’or du retraitement. La direction de la COGEMA et les syndicats maisons, s’excusant du comportement agressif des salariés, avaient tout fait pour les exciter les jours précédents et se sont arrangés pour leur accorder l’après-midi. Les chefs des Verts et la COGEMA sont complices, l’un annonce la mauvaise nouvelle que l’autre n’ose pas dire.

Que l’on sorte du nucléaire aujourd’hui ou dans cinquante ans, la note risque d’être extrêmement salée pour les travailleurs s’ils restent désunis. Malgré les 37 milliards mis de côté par EDF (206,8 (3) milliards toutes filières confondues) c’est le contribuable qui est prévu pour payer un coût actuellement largement sous estimé de 400 milliards de francs pour la maintenance (casse comprise) du parc nucléaire.

Les travailleurs doivent s’organiser pour forcer à une reconversion de toutes les industries nucléaires et faire financer le démantèlement par les profits du patronat, premier utilisateur de l’énergie.

Cyrille Gallion — Liaison Sud-Vienne

(1) 19 février 99 pour EDF

(2) in Le Monde 21 janvier 1999(3) in Les Échos 21 janvier 1999


Faits d’hiver

Le monde à l’envers !

Ca s’est passé dans l’Est de la France il y a quelques jours.

Un jeune homme tout ce qu’il y a d’ordinaire qui gare sa bagnole sur un arrêt de bus. Un flic tout ce qu’il y a de pas ordinaire qui ne se la joue pas cow-boy et qui demande gentiment au jeune homme de se garer ailleurs pour que les bus puissent effectuer des arrêts satisfaisants. Et tout d’suite, ca part au quart de tour. Un pain dans la gueule. Une chute malencontreuse. Et le coma, puis la mort, pour le flic.

Une fois n’est pas coutume, la bavure, cette fois ci, ne se situe pas dans le camp habituel.

Le flic, en effet, était un militant antiraciste et non violent ( ça existe) connu et reconnu. Le genre à être poli avec le premier contrevenant venu, fut-il basané, à discuter et à expliquer, à être sympa, cool… humain.

Le jeune homme devait, quant à lui, avoir eu une enfance difficile et un présent lourd de problèmes en tous genres.

Est-ce une raison suffisante pour claquer la gueule à un poulet qui se contente de faire une simple remarque ?

Se doit-on de faire le distinguo entre un connard de flicard qui chie dans son froc et qui va tirer un coup de pétard sur un voleur de poules et un connard de pauvre bougre qui va se la jouer stupidement rebelle et méchant sur l’un des rares flics antiracistes et non violents de l’hexagone ?

N’en déplaise aux fronts bas du manichéisme qui ne se priveront pas de hurler au monde à l’envers en voyant qu’un libertaire se refuse à choisir entre deux connards, j’ose, sans hésitation aucune, affirmer qu’il n’y a pas, non plus, lieux de lapider l’un ou l’autre.

Les deux ne sont que de pauvres hères flottant dans les habits trop grands d’une logique sociale qui les écrase.

Que les hémiplégiques de l’intelligence politique se rassurent : la justice bourgeoise, en absolvant les connards de flics et en chargeant les connards ordinaires, les réconfortera toujours dans leur pauvre vision d’un monde dont ils croiront toujours qu’il ne peut marcher qu’à l’endroit.

Jean-Marc Raynaud


La lutte des intermittents du spectacle

Vont-ils remplacer les maisons de la culture par des maisons d’arrêt ?

Dimanche 17 janvier, 12 heures à la Maison des ensembles à Paris : le Collectif des travailleurs du spectacle et de la culture, AC ! et la CNT-spectacle sont réunis en AG pour décider d’une action avant le 20 janvier, jour de la énième négociation de leur statut. Les intermittents du spectacle sont, à ma connaissance, les seuls travailleurs dont le statut est remis en cause à peu près tous les deux ans…

Une commission (constituée lors d’une précédente AG) propose deux types d’actions possibles : une occupation " en force " sans accords préalables ou une occupation plus pacifique ayant pour but de mettre en place un pôle d’information des professionnels concernés et du public. Ils expliquent que tous les théâtres contactés ont refusé l’accueil des intermittents, sauf le TGP qui pose quelques conditions : ne pas entraver les spectacles et ne pas dormir sur place. La cinquantaine de personnes présente opte pour la seconde proposition et s’embarque dans le métro pour s’installer à Saint-Denis. Là, ils déploient les trois banderoles aux fenêtres du théâtre, obtiennent de la direction la mise à disposition d’un téléphone, d’un fax et d’un photocopieur. Pendant ce temps-là à la Maison des ensembles, dans le bureau de la CNT, deux militants diffusent un communiqué de presse. En milieu d’après-midi, un journaliste du Parisien et un autre d’OSF viennent réaliser des interviews… Tout cela s’organise au mieux et, conformément aux demandes du théâtre, ils quittent les lieux dans la soirée. Les militants CNT se réunissent pour faire le point de l’action.

Débat houleux avec la CGT

Lundi 18, 11 heures, Théâtre Gérard Philippe : quand les intermittents de " permanence " arrivent, une délégation CGT du théâtre les accueille de façon peu amène ! Affolée par les affiches de la CNT, une déléguée CGT aura pour tout discours : " les anarchistes sont dans le théâtre ! " Se réclamant ostensiblement de Staline, il est vrai que cela devait lui poser problème…

Sur le fond des revendications :

Le contrôle par la base des négociations de la commission mixte paritaire du 20 janvier.
L’arrêt définitif des prorogations. Notre statut est un acquis social, il ne se renégocie pas, il s’améliore. Pas de modifications sectorielles qui cherchent à nous diviser.
Le rétablissement de la règle des trois mois à l’ensemble des travailleurs, qui n’est qu’un juste retour aux droits fondateurs du régime général de l’UNEDIC.
Application de la loi des 35 heures sur les ouvertures de droits ASSEDIC : passage de 507 heures (3 mois à 39 heures par semaine) à 455 heures (3 mois à 35 heures par semaine).

Ils ne veulent pas discuter ; par contre, ils éructent sur le fait que les intermittents ont " négocié " avec la direction, oubliant que le 20, la CGT, elle, négociait vraiment avec le MEDEF ! Ils laissent apparaître leur dépit de n’avoir pu obtenir de panneau d’affichage syndical et de voir la CNT " installée " ! Avec beaucoup d’humour, un militant CNT leur propose de les accompagner pour voir la direction à ce sujet et… ils acceptent ! Le militant CNT obtiendra donc ce panneau pour la CGT ! Sûrement conscients du ridicule de la situation, les militants de la CGT décident de réunir le personnel en AG et de déterminer si les intermittents peuvent rester (sic !).

Au bout de quelques heures, la délégation revient et annonce : " Vous pouvez rester, mais sachez que le personnel du TGP subit votre présence et ne souhaite pas vous rencontrer, estimant qu’il est suffisamment informé sur le statut des intermittents du spectacle par les militants de la CGT ". Là, on croit rêver… Il est évident qu’ils ont surtout pris conscience de l’impact médiatique qu’aurait eu l’expulsion d’intermittents du spectacle en lutte, par la section CGT du théâtre !

Du MEDEF au ministère de la culture

Mardi 19 janvier, la permanence d’information se poursuit et dans le même temps la journée du 20 s’organise : prise de parole, banderoles, etc. La routine quoi…

Mercredi 20 janvier, 9 heures, devant le siège du MEDEF un peu plus de 500 personnes sont réunies par marquer l’opposition aux négociations qui se déroulent.La CGT annonce qu’elle a reçu le texte servant de base aux négociations 48 heures avant et qu’elle n’a pas eu le temps d’y travailler… La CNT fait une intervention remarquée sur l’accès à la culture pour tous, l’extension du statut des intermittents à tous, le refus de la précarisation systématique de nos professions, nos exigences de moyens financiers pour nous soutenir devant le ministère de la Culture. Quand les " négociateurs " de la CGT descendent, ils sont pris à partie par leurs propres militants qui, se plaignant de l’opacité et de la non-mobilisation scandaleuse, déchiraient allégrement leurs cartes ! Estomaquée par ces réactions, la CGT a plié ses banderoles, repris son camion sono et a quitté le rassemblement (les négociateurs CGT, eux, sont remonter " travailler "…)Vers 13 heures, les intermittents se sont dirigés vers le ministère de la Culture pour demander qu’une délégation soit reçue (1). Évidemment, la délégation n’a pas été reçue, le ministère de la Culture restant fidèle à sa politique de l’autruche face à ces questions ! Les seules déclarations de madame Trautman consistant à annoncer le programme des festivités de l’an 2000.

Traités comme des pantins

Finalement, en fin de journée, on apprenait qu’un second accord avait été signé par la CFDT, FO, la CGC et la CFTC (la CGT ayant refusé de signer) qui fait état de :

la prorogation du statut jusqu’au 31 décembre 1999 ;
une modification importante de l’annexe 8 (cinéma et audiovisuel) consistant à calculer les indemnités ASSEDIC sur les salaires réels (alors que jusqu’à présent cette annexe bénéficiait d’un forfait journalier, ne tenant pas compte des salaires).

Il en ressort que, une fois encore, le statut n’est pas considéré comme un acquis social et que les professionnels du spectacle sont traités comme des pantins. Que les modifications du calcul de l’indemnité ASSEDIC des annexes 8 vont précariser tous ceux qui travaillent dans le secteur associatif, pour une culture alternative. En effet, ces associations n’étant pas, ou si peu, subventionnées, elles ont du mal à proposer de gros salaires et, donc, les indemnités ASSEDIC de ces milliers de professionnels risquent de diminuer de plus de la moitié ! Ils ne pourront donc plus accepter ces types de travail et devront travailler pour les grosses boîtes de production, si ils veulent vivre correctement. Le public, à court terme, se verra confronté au choix : Dorothée ou Disneyland ! Sympa non ?

Sylvie M. — groupe Pierre Besnard (Paris)

TGP : Théâtre Gérard Philippe

OSF : Ondes sans frontières

SRF : Société des réalisateurs de films

ADOC : Association pour le documentaire.

(1) Délégation composée de deux représentants CNT, un d’AC !, un du Collectif des intermittents, un de la SRF, un de l’ADOC et un non syndiqué.


Emplois-jeunes : les luttes commencent !

Enfin ! Depuis la mise en place du dispositif concernant les emplois-jeunes en octobre 1997, il n’y avait jamais eu d’employeur traîné devant le tribunal des prud’hommes. C’est chose pratiquement faite, sauf conciliation le 27 janvier, entre une emploi-jeune de Nancy et son employeur, la mairie. Dans l’Éducation nationale, qui possède le plus important contingent d’emplois-jeunes, il y a difficilement respect du contrat. Le nombre d’avenant y est important. Les chefs d’établissement leur demandent même de se substituer le cas échéant à certaines catégories de personnel : on commence, par exemple, à voir des profs remplacés par des emplois-jeunes.

Face à cela, l’employeur premier, qui est le Rectorat de chaque académie, répond lors de réunions avec les emplois-jeunes, que cela doit rester un problème de " proportion " dans les services des aide-éducateurs. Sur ce problème de remplacement des professeurs, suite à la déclaration d’Allègre fustigeant l’absentéisme des enseignants, on voit facilement la brèche qui vient de s’ouvrir et qui va difficilement se refermer. Les syndicats vont avoir du mal à soutenir la revendication d’augmentation des postes au concours. La déréglementation va continuer !

Ces mêmes syndicats qui se jettent pour la plupart dans la course à la réunion d’information. Il faut dire que tous peuvent à l’heure actuelle faire adhérer les emplois-jeunes. Les syndicats d’accompagnement ne perdent pas le nord : ils savent que chez ces jeunes, le fait de s’organiser ne va pas de soi, alors pourquoi ne pas faire de la démagogie ? Certains veulent aller rencontrer le ministre ? Allons-y, le syndicat est prêt à tout pour satisfaire ces revendications et pouvoir contrôler cette jeunesse pas encore tout à fait révoltée, mais en tout cas déjà dégoûtée de ce qu’elle vit ! Et comme des élections professionnelles vont sans doute avoir lieu bientôt, il faut donc se mettre rapidement dans les starting-blocks.

Mais ce n’est pas tout car un autre problème revient régulièrement chez les emplois-jeunes, et ce n’est pas le moindre puisqu’il s’agit de la formation. Rappelons que l’objectif avoué des cinq ans passés à trimer, c’est l’insertion professionnelle au sens large, à partir d’un projet. Et c’est là aussi que le bât blesse : car l’État se donne le pouvoir de refuser les formations demandées avec comme seule motivation que celles-ci ne débouchent sur aucun emploi véritable et durable. Par contre, l’État sait ce qui est bon pour ces jeunes. Des formations à forts débouchés comme le commerce, l’informatique, ou le travail social, vont être mises en place. Grâce à un travail " efficace " avec des partenaires comme l’ANPE et la Direction du Travail. Mais si cela ne convient pas aux emplois-jeunes, ce sera évidemment de leur faute, puisqu’ils ne choisissent pas de s’insérer et ce par tous les moyens.

Heureusement, le discours du " on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a " n’est pas du goût de tous les emplois-jeunes qui passent, pour certains, de la révolte individuelle à la révolte collective.

Jérôme — groupe Lucia Saornil (Villeurbanne)


L’euroland en marche

La monnaie unique est en marche. Ca y est : au 1er janvier 1999, elle est devenue effective ! Il est sûr qu’elle va bouleverser nos vies. Plus rien ne sera jamais comme avant : n’y aura-t-il plus les trois quarts de la population pour se lever tôt le matin et aller bosser pour engraisser leurs employeurs tout en leur étant soumis pendant 8 heures par jour ? Parce que si cette situation perdure, c’est que rien n’a fondamentalement changé. Nous sommes déjà fin janvier et cette situation n’a pas changé. L’euro, ce n’est qu’un yoyo pour les gogos. Il y a bien quelques cadres et enfants de cadres, très modernes, qui se sont évertués à payer en euros mais fondamentalement, tout le monde en a rien à faire. Et c’est très bien ainsi car ça montre que les campagnes de promotion ne marchent pas tant que ça.

La seule souveraineté, c’est l’autogestion et l’auto-organisation

[image cassée : Mon dealer n’est pas très commerçant ]

En soi, ce n’est pas la perte d’une prétendue souveraineté que la population n’a jamais eu qui fait problème. Ceux qui s’apprêtent à faire campagne sur ce th me se comportent comme les bonimenteurs habituels qu’ils sont. Vouloir faire croire aux gens qu’avant le 1er janvier 1999 nous maîtrisions beaucoup plus la donne économique et sociale, c’est vraiment prendre les vessies pour les lanternes. Il faut vraiment être des politiciens s’évertuant à représenter l’État comme un agent neutre dans la lutte des classes, voire, au service des populations. La souveraineté, ce n’est pas, n’en plaise à des générations de juristes, avoir un drapeau, une frontière, une armée et une monnaie. La souveraineté, ce serait de pouvoir participer pleinement à l’organisation de nos vies, de l’entreprise à la cité : la souveraineté, c’est l’autogestion et l’auto-organisation dans la culture, dans les écoles, dans les hôpitaux, dans les postes, dans les quartiers et dans les unités de production. Alors, nous qui avec beaucoup de gens, luttons pour cette souveraineté, nous n’allons pas pleurer sur le défunt franc, sur la défunte armée française ou sur la frontière séparant les Pyrénées !

Par contre, nous n’allons pas non plus nous réjouir, comme ce benêt de Cohn-Bendit, d’une mondialisation présentée comme heureuse alors qu’elle ne vise qu’à libérer un peu plus les initiatives des capitalistes. La construction de l’euro se fait entièrement dans le cadre des intérêts des capitalistes. La liberté de mouvement de capitaux, déjà reconnue en 1990, les stratégies de concentration, l’adaptation des marchés et leur ouverture, la mise en concurrence des travailleurs entre eux, des législations entre elles… tout cela n’est possible que si l’on garantit aux capitalistes cette ouverture des frontières dans leurs intérêts.

Tant de gens travaillent à montrer aux populations l’intérêt du cadre européen actuel, à coup de campagne de publicité, de montage d’opérations de promotions ou de promesses du type on pourra travailler dans tous les pays ou mettre notre argent dans un autre pays, alors que l’intérêt des capitalistes, eux, ils l’ont bien compris tout de suite. Pouvoir déplacer son capital sans coûté li aux taxes limitant ce transfert, pouvoir changer des produits sans surcoût liés aux conversions de monnaie, à pouvoir disposer du choix du pays pour pouvoir investir, pouvoir être garanti qu’un changement politique ne va pas atteindre cette stabilité, pouvoir exercer son chantage emploi sur plusieurs pays… voilà ce dont ont toujours rêvé les capitalistes.

La flexibilité et la mobilité ne sont-elles pas, avec l’absence de monopoles publics, les trois conditions de l’équilibre telle que nous le conte la fable libérale depuis Adam Smith ?

Alors que pour les travailleurs, l’avantage paraît extrêmement lointain et indirect. À part le fait de pouvoir voyager sans changer de monnaies, pour ceux qui peuvent voyager, la vie quotidienne se sera pas perturbée.

Par contre, l’offensive des capitalistes n’en sera que plus frontale et le rapport de force est encore accru en la faveur de l’oppression capitaliste. Dans chaque pays, ceux-ci tentent de faire adopter les pires arrangements qui existent dans les pays voisins sous prétexte d’harmonisation (voir le hors-série nº11 du Monde libertaire).

Le chômage comme seule variable d’ajustement

La qualification pour l’euro est un argument de plus pour mettre au point une politique économique ou seul l’emploi est une variable d’ajustement. En effet, les traités de Maastricht puis d’Amsterdam ont mis au point l’impossibilité de pouvoir modifier les grands équilibres à partir du moment où les pays ont une monnaie commune. Il s’agit de faire en sorte que les politiques de l’un ne soient pas payées par les autres.

Ainsi, la politique économique a toujours connu quatre variables principales sur lesquelles les gouvernements tentent de jouer pour aider les capitalistes enrichir. La politique monétaire disparaît pratiquement puisque avec l’euro, il est hors de question de jouer avec ses propres taux d’intérêts pour attirer les capitaux voisins. L’inflation n’est pas permise au-dessus de 3 % de fa on ne pas brouiller l’information que ces mêmes capitalistes ont besoin sur les changes. La politique budgétaire doit être stricte et rigoureuse en contenant le déficit en dessous de la barre des 3 % du PIB. En plus, si jamais un pays ne se plie pas à ces injonctions, il a des amendes qui lui passent l’envie de faire cavalier seul. Mais il reste une variable pour laquelle rien n’est dit : aucun niveau n’est fixé, aucune sanction n’est donc prévue, c’est l’emploi. Cette quatrième variable de toute politique économique se retrouve être la dernière et ultime variable d’ajustement des économies modernes. Nous en sommes un chômage comme ajustement dans l’intérêt des capitalistes des équilibres économiques. En fait, le ch mage est directement fonction de la lutte entre salaires et profits. Il est donc bien ce qui permet d’ajuster salaires et profits un certain niveau. Si il n’y a pas assez de profits, on d leste de la main d’œuvre et le niveau des salaires diminuent. Si les salaires sont trop faibles pour assurer une demande permettant de réaliser ces profits, on embauche et le niveau des salaires augmente. La monnaie unique simplifie considérablement la politique économique. Et tous les pays engagés dans ce processus ont donc suivis les mêmes politiques qui ne faisaient qu’accroître et donner de la légitimité leur propres politiques destructives. Les politiques concernant la protection sociale (plan Juppé-Aubry en France, retraites en Italie…), celles concernant les services publics, la libéralisation à outrance… sont le lot commun de toutes les populations d’Europe depuis déjà 20 ans. L’euro n’est qu’une aubaine pour leur donner une nouvelle vigueur.

Trichet, Duisenberg et Tyetmayer savent pour qui ils travaillent. Ces trois présidents de banque centrale, française, européenne et allemande, sont justement ceux qui érigent le chômage en ultime variable. Mais qu’on ne viennent pas nous faire croire que les Madelin, Seguin, Jospin, Chevènement et Voynet ne sont pas sur le même credo. D’ici ou d’ailleurs, ce sont les capitalistes et leurs gouvernements qui sont nuisibles.

Most


Italie

Livourne : Initiative sur l’immigration, l’asile politique et la citoyenneté

" Quand je suis arrivé en Italie avec ma famille et une dizaine d’autres exilés chiliens, ma situation n’était pas très différente de celle d’autres immigrés clandestins de nos jours. Il nous a fallu deux mois de dure lutte avant que nous soit reconnu le droit d’asile par l’État italien. Pendant ces mois, nous avons failli plusieurs fois être expulsés. Ceci parce que nous n’avions l’appui d’aucun parti politique : ni communiste ni socialiste, ni démocrate-chrétien. Exactement comme les clandestins d’aujourd’hui. "

C’est par ces mots que Vicente Urbano exilé, chilien en Italie depuis 1975, a commencé son intervention à la manifestation organisée à Livourne par la Fédération anarchiste de cette ville sur le thème " immigration, asile politique, citoyenneté ". Urbano a retracé son activité dans le Chili de Pinochet soulignant l’expérience d’autogestion du peuple chilien surtout à Santiago où lui-même contribua à la création de coordinations autogérées dans les quartiers ouvriers, les usines, pour organiser la vie quotidienne et les échanges avec les campagnes. Il a également retracé ses expériences dans les luttes pour la défense de l’environnement à Carrare et à Val Bormida dans les années 80 jusqu’à son engagement dans un collectif de travailleurs immigrés au Piémont dans les années 90. Son histoire personnelle recoupe donc les grands thèmes du droit d’asile et de l’immigration clandestine aujourd’hui d’actualité à Livourne après l’annonce du projet de construction à Vada d’un " centre de premier accueil " pour immigrés clandestins. Le débat s’est tout de suite centré sur la nécessité d’une mobilisation pour informer les habitants sur ce qui se prépare.

Les Centres de premier accueil sont en réalité des prisons construites selon les critères des prisons de haute sécurité (palissades d’une hauteur de trois mètres environ, vitrages renforcés, douches sans portes, etc.) où les clandestins sont traités comme des délinquants. La Fédération anarchiste avec le collectif anarchiste " Zéro de conduite " et le collectif " Contre courant " se sont engagés à promouvoir en collaboration avec d’autres organisations une initiative locale sur ce sujet.

Ce rassemblement s’est poursuivi avec en soirée une deuxième conférence sur " Pinochet, justice internationale et solidarité ". Dans ce cadre fut présentée la manifestation du Comité des travailleurs chiliens en Italie prévue le 20 décembre à Prato avec la participation d’exilés chiliens dont certains venant de France et de Belgique. Il n’est pas inutile de rappeler que le parquet de Prato paraît être le seul à vouloir enregistrer les plaintes contre Pinochet, plaintes dont Urbano a été l’initiateur en Italie.

extrait d’Umanità Nova


Italie

Déclaration de la Commission de correspondance de la FAI

La Commission de correspondance de la Fédération anarchiste italienne exprime la solidarité des compagnes et compagnons au Comité des travailleurs chiliens exilés, promoteur de la manifestation du 20 décembre à Prato contre les crimes de Pinochet et de sa junte militaire et pour " La libération immédiate de tous les prisonniers politiques actuellement emprisonnés, encore soumis aux tortures et au double procès civil et militaire pour délit d’opinion ".

Elle dénonce l’ambiguïté et l’hypocrisie des ergoteries judiciaires par lesquelles les prétendus régimes démocratiques occidentaux entendent aujourd’hui classer l’affaire Pinochet, au moment où ces mêmes démocrates, aujourd’hui zélés d’une façon juridique purement formelle sont les mêmes qui, pendant un lustre ont continué à couvrir le dictateur chilien, responsable de massacres, homicides, tortures, dissimulation de cadavres après lui avoir facilité l’accession au pouvoir voulue par l’impérialisme américain.

Elle rappelle aussi que les mécanismes congénitaux et pervers de la prétendue justice d’État, qu’ils soient dictatoriaux ou démocratiques, sont simplement voués à la sauvegarde de l’ordre dominant basé sur l’exploitation et l’oppression de l’homme, " ordre " même de toute société hiérarchique.

Elle souhaite que les initiatives impulsées par les exilés chiliens servent d’aiguillon pour une lutte large et généralisée qui, par l’action directe, dépasse le cadre des box de justice et permet non seulement aux classes chiliennes dominées de se libérer du joug mais à toute l’Humanité, aujourd’hui opprimée, exploitée, de parvenir à construire une dimension sociale nouvelle, basée sur l’égalité dans la liberté.

extrait d’Umanità Nova


15 mars 1999 : Journée internationale contre la brutalité policière

[image cassée : Déploiement de forces de police]

Cette journée de protestation a lieu pour la première fois en 1997, a l’initiative d’un collectif — Le Drapeau Noir — en Suisse. Citoyennes Opposées a la Brutalité Policière de Montréal au Canada a aidé a lancer cette journée d’action internationale. En 1997, plus de 50 groupes provenant de 14 pays ont participé à l’événement.Ces deux dernières années la journée internationale contre la brutalité policière (JICBP) a été un succès. Les groupes ayant participé a l’événement ne font pas que critiquer la brutalité policière : ils s’attaquent aussi à la suprématie blanche, aux génocides, au patriarcat, à l’homophobie, au capitalisme, à l’État, etc. La plupart sont de tendance anarchiste et/ou antiautoritaire. Malgré que ces tendances ne soient pas des conditions essentielles de participation, s’il y avait un quelconque parti ou organisme gouvernemental qui voulait se faire du capital politique sur le dos de cet événement, cette entité rendrait un mauvais service au public.

Cette journée devrait demeurer aussi décentralisée que possible, afin que les groupes, coalitions et individus puissent décider de ce qu’ils aimeraient y faire.

Quoi faire le 15 mars ?

Ceci dépend de ce que les groupes des quatre coins du monde décident de faire. La décision revient à chaque groupe et dépend souvent de plusieurs facteurs : la situation politique dans ce pays, les énergies et la volonté d’organiser un événement, les ressources, etc.

Jusqu’à maintenant, l’événement prend plusieurs formes : théâtre de rue, murales, manifestations, conférences, ateliers, expositions de photos et textes, émission radio et fête culturelle. Certains ont organisé plus d’un événement pour la journée. Dans certaines villes des coalitions se sont formées pour organiser le tout. Tout collectif ou individu peut faire quelque chose. La clé c’est notre imagination.

Sur le 15 mars en tant que date

La date de la journée internationale, le 15 mars, a été choisie par le collectif Drapeau Noir en Suisse. Ils ont choisi ce jour parce que à cette date, deux enfants âges de 11 et 12 ans ont été battus par la police Suisse. Certains groupes peuvent ne pas être en mesure d’avoir une activité à la date exacte. Si la date est modifiée, ce serait bien que ce soit une date proche de la date originale.

Fonctionnement décentralisé

Nous tentons de faire de cette journée une communion globale de contestation décentralisée. Néanmoins, il y a eu certaines difficultés dans les réponses à tous les messages par courrier électronique, de même que dans l’aplanissement des barrières linguistiques, ce qui provoqua certains malentendus : Des personnes ont cru que nous allions fournir les tracts et dépliants à distribuer, mais notre objectif n’était alors que de diffuser le message.

Nous aimerions pouvoir aider davantage les autres groupes/individus, mais notre tâche est l’organisation d’un événement à Montréal ; les autres groupes et individus devront décider comment organiser la journée dans leur communauté.

Dénoncer la violence étatique avec de la solidarité et de la créativité

Certains voient la Journée Internationale (JICBP) comme un événement à caractère spécifique qui ne règle pas les véritables problèmes de ce monde. Mais prenant en compte le fait que l’État détient le monopole de la violence, dénoncer le bras justicier de l’État – la police – est un combat qui concerne tous les opprimés de la planète. Tous et toutes peuvent s’investir dans cette dénonciation. Puisque les pauvres, les gens de couleur, les sans-abri, les immigrants, les travailleuses et travailleurs du sexe, les militantes et militants politiques et les marginalisés de cette " société " sont les premières cibles de la brutalité policière et par la suite du système judiciaire.

La criminalisation des jeunes, gens de couleur, et des pauvres atteint des proportions endémiques dans plusieurs régions.

Si vous voulez aider à traduire ce texte, libre à vous. Vous pouvez nous rejoindre par courrier électronique ou poste conventionnelle.

Nous apprécions les questions et commentaires.

COBP

Adresse postale : COBP a/s La Librairie Alternative, 2035 St.-Laurent, 2e étage, Montréal, Québec, Canada H2X 2T3
Courrier électronique : seahorse@odyssee.net ou cobp@hotmail.com


Stratégie de la Confédération anarcho-syndicaliste d’Ukraine (RKAS)

La RKAS est un petit groupe anarcho-syndicaliste ukrainien fondé en 1994. Nous publions ici le texte d’orientation politique qu’elle a adopté lors d’une conférence tenue les 9 et 10 décembre derniers dans la ville ukrainienne de Zaprozhye.

1. Dans le mouvement social

Travailler en premier lieu parmi les travailleurs manuels sur les bases suivantes :

propagande quotidienne particulièrement au sein des travailleurs employés dans les industries lourdes : mines, métallurgie, machines-outils, industrie chimique, etc.
participation aux luttes industrielles en offrant de l’aide concrète et en incitant à la radicalisation révolutionnaire
aide en cas de problèmes juridiques.

2. Dans le mouvement syndical

Les membres de la RKAS peuvent faire partie de n’importe quel syndicat s’ils considèrent possible d’y avoir une influence parmi les militants de base.

Pour l’instant, la RKAS est active au sein des syndicats de mineurs NPGU (plus radical) et PRUP (plus proche des employeurs) dans le but de :

faire de la propagande anarcho-syndicaliste parmi la base
construire des tendances anarcho-syndicalistes au sein de ces syndicats
faire évoluer les organisations progressistes à l’intérieur de ces syndicats vers l’auto-organisation et l’anarcho-syndicalisme révolutionnaire. Pour y arriver, il est nécessaire de se donner les moyens de publications régulières.

3. Au sein de la jeunesse

Il est très important de travailler parmi les étudiants, les jeunes travailleurs et la jeunesse inorganisée. La propagande anarchiste révolutionnaire, la création de clubs pour jeunes actifs sont des bons moyens, le but étant de construire un mouvement de jeunesse anarchiste.

Outre les groupes d’étude et de propagande, il serait bon d’avoir des groupes de sport et d’auto-défense qui puissent devenir un service d’ordre pour l’organisation. Des concerts, séminaires, etc., moyens d’attirer l’attention vers nos idées et occasions pour les militants de développer leur capacités pratiques semblent à envisager plutôt dans le futur, mais les occasions sérieuses d’organiser ou de participer à de tels événements ne doivent pas être manquées.

4. Au sein du mouvement anarchiste dans la CEI

La RKAS se considère comme une organisation de classe anarchiste-révolutionnaire dans la tradition de l’anarchisme constructif classique. Il est nécessaire de combattre les idées reçues sur l’anarchisme.

Les idées anarchistes et le mouvement anarchiste sont des sujets sérieux, pas des jouets ni des terrains de jeu.

5. Au sein du mouvement anarchiste international en général

Le RKAS se considère comme partie prenante du mouvement anarchiste et anarcho-syndicaliste mondial. Connaître les luttes révolutionnaires dans les autres pays, les analyser et en informer les organisations de travailleurs ukrainiens est absolument nécessaire. Nous saluons toutes les structures internationales réalisant un vrai travail anarchiste-révolutionnaire ou anarcho-syndicaliste.

6. Attitude à l’égard des partis et mouvements politiques

Nous rejetons tout contact et toute collaboration avec les partis de droite et la démocratie bourgeoise, puisqu’ils visent le maintien de l’ordre actuel, que nous rejetons. Nous sommes d’inconditionnels ennemis de la droite radicale et des organisations fascistes et nationalo-militaristes.

Les parties de la pseudo-gauche stalinienne et communiste appartiennent au camp de la bourgeoisie comme le montrent leur position dans les questions socio-politiques, leur attitude vis-à-vis des luttes des travailleurs, et leur histoire.

Il est bon de maintenir des contacts et d’échanger des informations avec les organisations combattant sincèrement l’ordre capitaliste actuel, telles que divers courants marxistes-révolutionnaires et néonarodni-socialistes. Nous n’aimons pas pour autant leurs théories autoritaires et étatistes, qui ont conduit dans le passé à des catastrophes et à la transformation d’anciens socialistes en nouvelle classe dirigeante, et nous ne le passons pas sous silence. De cette façon, nous espérons amener les éléments les plus révolutionnaires de ces organisations de notre côté.


Lecture

Bonaventure, La farine et le son

[image cassée : Photo de la couverture]

Cinq ans et demi déjà que Bonaventure a sorti les fourches contre l’école capitaliste (étatique, patronale, confessionnelle, privée), son caractère de classe à nul autre pareil, sa propension ontologique à conjuguer l’inégalité des chances au temps moyenâgeux de l’origine sociale, sa fonction centrale dans la reproduction de la division sociale et son aptitude quasi névrotique à massacrer l’enfance à petits coups d’épingle ou à grands coups de massue.

Cinq ans et demi déjà que cette république éducative s’est lancée dans l’aventure d’une éducation à et par la liberté, l’égalité, l’entraide, l’autogestion et la citoyenneté en brandissant haut et clair le drapeau de la laïcité, de la gratuité, d’un financement social, de l’égalité des revenus, de la propriété collective… et de la révolution sociale.

La farine et le son. Bilan éducatif, pédagogique, institutionnel, sociologique, politique… d’une petite république éducative libertaire. 30 F. En vente à la librairie du Monde libertaire (frais de port = 10 %).


Cinéma

Le tombeau d’Armand

[ imae à récuprer : Portrait d’Armand Guerra ]

Méconnu, Armand Guerra possède une personnalité complexe et fascinante à bien des titres. De son vrai nom José Estivalis Calvo, Armand Guerra est né à Valence le 4 janvier 1886. Le passage au séminaire en fait un athée convaincu. Anarchiste de vingt ans, il est en France et participe à la création de La coopérative du cinéma du peuple pour laquelle il réalise plusieurs films dont deux viennent d’être retrouvés à la cinémathèque de Paris : Le vieux Docker et La Commune. Réalisateur, il est aussi acteur dans ses films.

Dans les années 20, il travaille à Berlin, alors capitale du cinéma européen, pour les studios de l’U.F.A. à Babelsberg jusqu’à son expulsion en 1932. Puis à nouveau l’Espagne, il y réalise son dernier long métrage de fiction, Carnes de fierra, durant l’été 36, avant de partir sur le front combattre le fascisme avec sa caméra. Journaliste, il tient la chronique de sa propre expérience, ses articles regroupés constituent un point de vue original sur le conflit espagnol : À travers la mitraille (1). Le 10 mars 1939, épuisé, il meurt à Paris, après 20 jours d’exil laissant femme et fille, seules dans la capitale. La chape de plomb des histoires officielles franquiste et stalinienne (répétez après moi : le mouvement ouvrier se confond avec son expression " scientifique " et commence réellement en octobre 1917) escamote complètement ce parcours exemplaire.

Aujourd’hui, bien des murs sont tombés et reviennent à la surface des faits trop longtemps occultés.

Requiem pour un cinéaste anarchiste

Réalisé par Ezéquiel Fernandez et produit par Zangra productions (2), Armand Guerra, requiem pour un cinéaste espagnol a été présenté en public à la vidéothèque de Bordeaux. Ce premier film consacré à ce cinéaste exceptionnel avait de quoi générer bien des attentes. Malheureusement, fin de siècle et " déclin des idéologies " obligent, le réalisateur a choisi de centrer son propos sur Vicente Ricart, la fille d’Armand Guerra, qui avait " perdu de vue " son père et l’a retrouvé après 56 ans à l’occasion de la restauration de Carnes de fierra. Émouvante bien sûr, l’histoire individuelle occupe le premier plan et l’Histoire sert de contexte au mieux, de décor au pire. Les termes " anarchiste " et " libertaire " sont cités à de nombreuses reprises mais jamais explicités ; le restaurateur du film utilise délibérément la notion floue d’idéologie de gauche pour analyser Carnes de fierra. Si bien que le spectateur est dans l’impossibilité de saisir ce qui peut bien faire la spécificité de la démarche et de la vie d’Armand Guerra. Plus grave encore, cette non prise en compte de l’Histoire barre une compréhension en profondeur de la conversion de la fille à l’idéal paternel qui aurait permis de percevoir en quoi les idées anarchistes sont encore séduisantes et bien vivantes aujourd’hui. Lors de la présentation au public bordelais, la conclusion de Vincente Ricart en espagnol dédiée aux combattants vivants ou morts de l’anarchie fut un moment fort d’émotion.

La coopérative du cinéma du peuple

Le choix premier du réalisateur le conduit à ouvrir son film sur son " héroïne " se racontant. L’essentiel des 52 minutes est consacré à Carnes de fierra, l’événement qui a déclenché à la fois la démarche de la fille et la production du documentaire consacré à son père. Entrecoupé de (trop) nombreux extraits du film de 1936, une employée de la cinémathèque espagnole raconte la découverte du négatif, le restaurateur du film explique son travail de montage, le dernier témoin vivant y va de son anecdote, etc. Des séquences de Carnes de fierra tournées dans les lieux publics de Madrid alternent avec celles où Vincente marche sur les pas de son père dans le Madrid contemporain. Lorsqu’il se décide enfin à quitter Madrid, il ne reste plus beaucoup de temps au réalisateur pour traiter le reste de la vie d’Armand Guerra. Évidemment, il n’a pas pu glaner d’images à Berlin où le souvenir du réalisateur espagnol semble avoir été effacé. Mais à Paris, l’identification à la cinémathèque des deux films réalisés pour La coopérative du cinéma du peuple constitue une véritable avancée dans la connaissance historique.

À la croisée de la pédagogie révolutionaire (La coopérative est proche de La Ruche), du cinéma militant (antérieur à la révolution bolchévique), du mouvement ouvrier, ces films témoignent de la vigueur, de l’inventivité des anarchistes et surtout de la cohérence de leur démarche (ils sont présents sur tous les fronts et ne négligent aucun outil). Les interventions particulièrement pertinentes de Tanguy Perron qui restituent l’environnement historique de La coopérative du cinéma du peuple ouvrent une série de perspectives fécondes.

Hélas, le peu de temps consacré à ce moment de l’histoire du mouvement ouvrier engendre une forte frustration. Il n’y a qu’à voir les plans qui clôturent La Commune pour se persuader de l’importance historique de ces films : les denriers communards figurent sur la pellicule et cautionnent le film et la démarche politique qui l’a permis. En 1914, à quelques semaines à peine de la plongée dans l’horreur, ces petits vieux en barbe blanche n’avaient pas désarmé…

Zangra tenait là un grand et vrai sujet. Il semble bien que les choix narcissiques du réalisateur (3) l’aient emporté. Plutôt qu’un requiem, prière pour les morts, il eut, sans doute, été préférable de réaliser le " Tombeau d’Armand ", à la manière de celui d’Alexandre où Chris Marker compose sa biographe de Medvekine en la liant à une lumineuse traversée du siècle. La vie d’Armand Guerra entièrement consacrée au cinéma et au combat pour l’émancipation de l’Humanité (la veille de sa mort, il publiait un article exhortant ses camarades à ne pas baisser les bras), par sa droiture et par son exemplarité, attend un travail de cette qualité.

Mato-Topé

(1) Eglise-Neuve-d’Issac Fédérop, 1996 ; traduction Vincente Estivalis-Ricart. A travers la mitraille raconte les premiers mois de la guerre et de la révolution en Espagne. Le 18 juillet, Guerra se rend à la CNT dont il est membre afin de prendre ses ordres : il doit terminer son film afin de ne pas mettre au chômage les travailleurs engagés sur le tournage. Il termine rapidement puis part avec une équipe de camarades couvrir les débuts de la guerre. Si le titre n’avait pas été déjà utilisé par Dziga Vertov, Enthousiasme aurait parfaitement convenu au récit de Guerra.

(2) Il faut être un producteur indépendant pour se lancer dans la réalisation d’un projet aussi peu susceptible d’intéresser la ménagère de moins de cinquante ans. Du moins, les programmateurs des télévisions en sont convaincus. En conséquence, la diffusion du film n’est pas acquise et il convient de remercier Zangra pour cette prise de risque.

(3) Sympathique au demeurant, mais quelle intelligence du social peut-on avoir quand on cite, au cours du débat, Georges Sadoul comme référence pour l’histoire du cinéma ? Comment peut-on encore s’étonner en 1999 qu’un Georges Sadoul ignore tout d’Armand Guerra et de La Coopérative du cinéma du peuple ? C’est pourtant simple : tout comme la pédagogie révolutionnaire commence avec Makarenko, le cinéma révolutionnaire naît avec Dziga Vertov et Eisenstein.


À la petite semaine

Mais que fait la police ?

Un rapport angoissant nous l’apprend : cinq mille policiers seulement, sur un total de quatre-vingt-dix mille — un sur dix-huit ! —, répondent présent dans la journée pour protéger ce monde de liberté, d’égalité et de fraternité. Et ce nombre va décroissant à mesure que le soleil va se couchant, assurant le triomphe nocturne de l’insécurité.

Mais que fait la police ? La nuit tous les chats sont gris, mais les poulets sont endormis. A l’heure sombre où rôdent les poseurs de bombes innombrables, où circulent les bonbonnes de gaz redoutables des Khaled Kelkal pullulants et islamisants, où sortent en catimini de leurs cages à lapins de banlieues menacée reposent tranquillement et syndicalement dans les bras de Morphée.

De quoi être inquiet. D’ailleurs, ce type de nouvelle est fait pour ça. Concluant une intense campagne sur l’incivilité, l’intranquillité, la délinquance qui monte qui monte, elle nous persuade que nous ne sommes pas suffisamment protégés, surveillés, quadrillés, contrôlés, et appelle à une embauche et une présence accrue accélérées de gendarmes et de policiers dans les cités, dans les quartiers, dans une population médiatiquement terrorisée.

Dans le vocabulaire en vogue depuis la " résurrection " du flic numéro un, c’est une " annonciation ". Elle nous prévient que le " miraculé républicain " s’apprête à opérer la " multiplication des forces de sécurité ".

Floréal


[Logo rubrique à récupérer : Non, non, on lit !]

La jeunesse, le politicien et la littérature

Incroyable comme avec la progression des scores du secteur jeunesse des éditeurs, les politiciens s’intéressent aux enfants, allant jusqu’à s’adresser à eux une fois adolescents aux confonds de l’âge de voler… Longtemps les livres expliquant la politique sont restés l’apanage de quelques auteurs (Denis Langlois en particulier aux éditions des Lettres libres puis aux éditions de l’enfance heureuse : La Politique racontée aux enfants, L’Injustice racontée aux enfants). Voici en cette fin de siècle un petit phénomène nouveau : des intellectuels ou écrivains de renom signent un dialogue (dont l’authenticité n’est pas avérée) avec leurs enfants. Ils ne s’adressent pas comme les livres précédents aux enfants mais à leurs enfants, confinant ainsi la lecture à une utilisation universelle.

Déjà, il y a maldonne car ces livres s’adressent évidemment à tous les futurs citoyens avec pour mission de les endoctriner en matière de démocratie bourgeoisie. Ainsi Régis Debray, La République expliquée à ma fille ; Max Gallo, L’Amour de la France expliquée à mon fils, et Sami Nair, L’Immigration expliquée à ma fille. Notons que ces enfants sont en fait des étudiants ou des lycéens, ce que l’on peut déduire de la difficulté relative des écritures de ces livres. Gallo, Nair et Debray poursuivent là une collection ouverte par Tahar Ben Jelloun avec son très humaniste Le racisme expliqué à ma fille.

Signalons la réédition chez Enfance heureuse du livre réactualisé de Georges Jean Le racisme raconté aux enfants. Malgré le titre, Georges Jean choisit aussi la lecture domestique en s’adressant à ses petits enfants. En revanche, ce faux dialogue est écrit dans une langue simple conformément à l’esprit de cette collection reprise des éditions ouvrières.

Philippe Geneste


Montpellier

Appel à souscription

De l’Antre Anar à une librairie anarchiste

Cela fait maintenant plus de six ans qu’un groupe de la Fédération anarchiste s’est formé à Montpellier. Les lecteurs réguliers du Monde libertaire ont pu suivre notre implication dans les différentes luttes sociales à travers des articles réguliers dans ces colonnes. Depuis trois ans nous louons un local. Celui-ci était pour nous un outil au service de nos idées qui devait nous permettre de mieux nous encrer sur notre ville. Avec des débats et des projections vidéo mensuelles, nous avons rempli cet objectif. L’Antre anar, notre local (en fait une cave) à aussi permit de diffuser la presse et les écrits libertaires à ceux qui ne se satisfont pas de la société inégalitaire dans laquelle nous vivons. Aujourd’hui, l’Antre anar, avec ses manques (de place, d’aération, de visibilité) s’avère inadapté à nos besoins, projets et envies.

Alors, ça y est, après bon nombre de discussions, la décision est prise, nous nous lançons dans l’aventure d’un nouveau local : ce sera une librairie anarchiste et un lieu plus grand, plus accessible, plus accueillant. Ce lieu ne sera pas loué mais acheté, ce qui nous permettra une autonomie que la location rend impossible. Il sera propriété collective de la Fédération anarchiste, conformément aux idées fédéralistes et d’entraide qui sont les nôtres.

Cette aventure, nous nous donnons jusqu’en janvier 2000 pour la mener à bien. Cela nous laisse un an pour réunir les fonds nécessaires.Nous organiserons dans cet objectif, une " semaine de culture et d’expression libertaire " au printemps 1999 et un autre événement culturel pour la fin 1999, avant l’ouverture du nouveau local.

Mais, dès à présent, nous faisons appel à vous en lançant un appel à souscription et à prélèvements automatiques. Vous pouvez nous faire parvenir vos chèques à l’ordre du C.D.P.L à l’Antre anar : 5, rue Jeanne d’Arc, 34000 Montpellier, ou utiliser un formulaire de prélèvement automatique.

D’ici a ce que notre projet aille à son terme, nous vous tiendrons au courant de son avancée et de la solidarité que lui exprimerons les lecteurs du Monde libertaire.

Groupe Un autre futur (Montpellier)


En bref

erreur 404 : https://web.archive.org/web/20040130042941/http://federation-anarchiste.org/ml/numeros/1149/en_bref.html


[1Pour plus de précisions : Collectif « Souriez vous êtes filmés » Maison des ensembles rue d’Aligre, 75012 Paris Tél : 01 44 67 00 76.