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Ghislain Gouwy barde flamand et libertaire

Le jeudi 14 janvier 1993.

Il sera présent lors du festival « Art et anarchie » de Lille du 17 au 25 janvier 1993, cet homme-hibou amoureux de sa terre de Flandre, cette voix qui dérange sur les ondes de Radio Uylenspiegel. Il sera présent à deux reprises : le 23 janvier à 20 h 30 au Centre culturel liber-taire Benoît-Broutchoux pour une soirée de contes et de poésie ; le 24 janvier au soir pour un concert de chansons d’expression française rassem-blant en outre Jacques Yvart et Serge Utgé-Royo. Interview.



Ghislain Gouwy, barde flamand… c’est quoi ton histoire de Flandre ?
— G.G. : Mon histoire est une histoire de peuple, non de drapeau ou de territoire. C’est là où mes ancêtres, mes parents et moi-même avons planté nos pieds. C’est l’histoire d’un pays. Ce sont des hommes, des femmes, des enfants : ceux d’hier, ceux d’aujourd’hui, ceux de demain…

Et qu’a-t-elle de particulier cette histoire de Flandre ?
— G.G. : Peut-être une langue… la langue de mon père qui me fut interdite lorsque je suis allé à l’école […]. Tout petit, je me suis aperçu qu’on me privait de quelque chose ! Je suis apparu à la surface de la Terre en 1936. J’ai donc vécu comme les enfants sous les bombes. Je n’ai jamais vu de film sur les camps de déportation ou sur les camps actuels en Chine ou ailleurs. Toute séquence où je vois l’enfant me donne l’impression de revivre mon enfance. 1940 m’est resté gravé dans la tête. Je suis toujours dans la Seconde Guerre mondiale. C’est peut-être con de dire ça mais j’espère que ça ne se reproduira jamais.

Ton combat pour la Flandre est un combat de mots, de valeurs. Lesquels ?
— G.G. : Dans la langue française, il y a le verbe « être ». Alors le meilleur message que je puisse donner à tous, c’est : « Je suis, tu es, nous sommes •, c’est de voir conjuguer le verbe « être ». Le français dira « avoir ». Nous, nous sommes pour le verbe « être ». […] Je ne revendique aucune puissance, rien que ce qui me permette d’être ce que je suis et de laisser vivre tout ceux qui font partie de mon univers. […] Je peux entrer dans de terribles colères non pas quand quand on touche à mon sol mais quand on touche à ma terre. […] Comme diraient les Indiens : « Nous n’empruntons jamais la terre qu’à nos enfants ». Je suis un Indien. Je n’ai rien à voir avec les indiens parce que je suis moi-même un indien, un indien flamand.

Quand Brassens dit « Mourir pour des idées d’accord mais de mort lente » es-tu d’accord ?
— G.G. : […] De mort lente ? Oui, pour me dire que j’ai le temps de voir. Je crois que tout homme, quand il a pris de sa force son enthousiasme, a besoin du temps de la réflexion. Et c’est là où je donnerais raison à Georges Brassens. […] Mourir pour des idées, d’accord, mais de vie lente, au battement de ton cœur, de ta vie, mais pas dans l’enthousiasme du moment qui te mènerait à plus ou moins brève échéance au massacre. Ça, je ne l’accepterai jamais !

Extraits d’une interview réalisée par Véronique