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Pologne

La Détention de Roger Noël

Le jeudi 16 septembre 1982.

Début juillet 1982, Roger Noël, qui faisait partie d’un convoi humanitaire d’aide à la Pologne venant de Belgique est arrêté à Varsovie. Son arrestation n’est pas isolée, mais est réalisée dans le cadre d’un « coup de filet » réalisé par la milice polonaise parmi les animateurs clandestins de Radio Solidarnosc. Cette radio, créée à Varsovie, début avril pour soutenir la lutte de Solidarnosc, était un important moyen au service de la résistance, surtout au plan psychologique d’ailleurs vu le brouillage ininterrompu empêchant une large diffusion de ses émissions. Début juillet, après avoir arrêté quelques membres de la radio, la milice fait une descente dans l’appartement de Z. [Zbigniev] Romaszewski, ex-membre du KOR et principal organisateur de la radio. Lui-même n’est pas pris, mais plusieurs personnes sont arrêtées dont sa femme et Roger Noël qui venait de livrer un émetteur FM. Le 7 juillet, un porte-parole de la milice annonçait son arrestation à la télévision et précisait que ce dernier avait déclaré être un « anarchiste belge ayant des sympathies pour Solidarnosc ».

Roger Noël est membre de l’imprimerie libertaire bruxelloise « 22-mars », et il a été impliqué dans le mouvement des radios libres qui s’est développé ces dernières années en Belgique. Son geste de solidarité peut lui coûter de trois à quinze ans de prison, et les dernières nouvelles le concernant sont alarmantes. En prison depuis deux mois, il ne reçoit que de brèves visites d’un représentant de l’ambassade belge chaque semaine, et il a pu voir, à la mi-août, son frère et sa compagne. Il n’a été maltraité que juste après son arrestation, mais ses conditions de détention sont très dures pour son moral et sa santé. Il est avec d’autres détenus qui ne parlent pas français, est toujours soumis à des interrogatoires car l’instruction n’est pas close. On lui refuse des visites plus longues et plus fréquentes de sa famille. Il ne peut avoir ni livres ni journaux en français. Dans une lettre qu’il a pu faire parvenir à ses proches, il suggère bien la gravité de la situation en écrivant : « la prison polonaise est à l’État polonais ce que la prison belge est à l’État belge ».

Les autorités ont annoncé début août que Roger Noël serait jugé avec trois autres personnes, des Polonais de Radio Solidarnosc. La date du procès n’est pas encore fixée, mais il devrait avoir lieu cet automne au plus tard. Si Roger Noël est condamné à plus de trois ans de prison, il n’aura pas la possibilité de verser la somme nécessaire pour acheter préventivement ses années de prison. Quant au ministère belge des Affaires étrangères, il n’intervient et n’interviendra que pour assurer uniquement à Roger Noël le respect de ses droits juridiques en Pologne.

On a peu de nouvelles des autres inculpés. Madame Romaszewski est emprisonnée rue Rakowiecka à Varsovie (tout comme Roger Noël) et il semble que les autres y soient aussi. Joanna Szczesna, ancienne rédactrice de l’agence Solidarnosc, également arrêtée dans le cadre de cette affaire, a été relâchée au bout d’un mois et reprise ultérieurement. Elle a un enfant de 4 ans qui se trouve maintenant à la charge de la famille.

La répression s’est de nouveau abattue sur Radio Solidarnosc. Le 7 juillet, la milice avait publié un communiqué annonçant son démantèlement. Trois jours plus tard, Romaszewski, passé dans la clandestinité, émettait à nouveau pour démentir dans les faits cette affirmation. Après un silence d’un mois et demi, une nouvelle émission donnait la parole à des miliciens, groupés dans un comité indépendant, qui ont appelé leurs collègues à ne pas obéir aux ordres de répression pendant les manifestations du 31 août. On comprend la rage des autorités, et malheureusement Romaszewski a été arrêté dans l’après-midi du 31 août. En Pologne aussi la lutte pour une communication libre doit être soutenue.