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L’Affaire Lepetit, Vergeat et Lefebvre

Le jeudi 7 novembre 2002.

Au IIe Congrès de l’Internationale communiste participaient deux Français, de tendance anarcho-syndicaliste et membres de la C.G.T. Ils étaient venus avec la ferme intention de s’informer à fond sur la réalité soviétique. Et pour être sûrs de ce que leur diraient ceux qu’ils interrogeraient, ils avaient emmené avec eux un Russe nommé Toubine, chargé de traduire questions et réponses.

L’esprit le plus critique et le plus réfractaire aux faux semblants du système soviétique était à coup sûr Lepetit, Pourtant cet homme, dont les yeux reflétaient une flamme intérieure intense, souhaitait certainement, en se rendant en Russie, y trouver des raisons de recommander aux syndicalistes de la C.G.T. de se ranger sans réserve aux côtés des dirigeants soviétiques et de ce qu’ils avaient accompli depuis la prise du pouvoir en octobre 1917.

Moins passionné et peut-être plus enclin à accepter ce que la propagande du P.C. russe invoquait pour justifier son monopole du pouvoir et sa mainmise sur les syndicats, Vergeat se penchait avec une insatiable curiosité sur le fonctionnement de l’Etat soviétique et les principes d’organisation qui en formaient la base. Lui aussi cherchait à se faire une idée favorable de ce qu’on montrait dans le présent et de ce qu’on promettait pour demain. Mais chaque jour, chez lui comme chez Lepetit, le bilan négatif s’allongeait. Et en haut lieu on le savait.

Pendant tout le temps que dura le Congrès, ils furent les plus assidus aux séances et chaque fois qu’une des commissions désignées par le Congrès pour étudier telle ou telle question présentait soir rapport, ils étaient là pour l’écouter et en faire la critique.

Des délégués français, Raymond Lefebvre est celui dont la présence au congrès était la plus appréciée. Ce jeune universitaire, d’origine bourgeoise, que la guerre de 1914-1918 avait métamorphosé en révolté contre la société, était arrivé à Moscou avec la solide réputation d’un ardent révolutionnaire et d’un jeune talent dont l’œuvre littéraire laissait prévoir un magnifique essor.

Contrairement à Lepetit et Vergeat qui étaient des esprits libres et ne croyaient que ce qu’il voyaient de leurs yeux, Raymond Lefebvre se jeta sur l’abondante littérature lénino-marxiste écrite ou traduite à l’intention des délégués au Congrès.

D’emblée, les leaders bolcheviques, à commencer par Lénine, s’intéressèrent à ce jeune universitaire et l’entourèrent d’une attention particulière. je me souviens que le jour où, au Congrès, Raymond Lefebvre prit la parole, Lénine vint spécialement pour l’entendre. Je le vois encore, assis sur une des marches au pied même de la tribune, le visage tendu vers Lefebvre, écoutant tout oreille le discours de celui à qui les leaders bolcheviques semblaient attacher une réelle importance.

Le Congrès terminé, beaucoup de délégués étrangers regagnèrent leurs pays respectifs en empruntant les itinéraires que les agents de l’Internationale communiste avaient préparés d’avance en soudoyant les chefs des services de police des pays que les délégués occidentaux devaient traverser. D’autres, dont Raymond Lefebvre, Lepetit, Vergeat et l’interprète Toubine acceptèrent l’offre de Jacques Sadoul, au nom de l’Internationale communiste : un voyage d’agrément et d’étude dans le sud de la Russie.

Quant à Victor Serge et moi, nous repartîmes pour Petrograd afin de nous remettre à nos travaux d’édition.

Un jour, ce devait être dans le courant du mois d’août, c’est-à-dire à un moment où l’automne russe est déjà bien avancé, un coup de téléphone nous annonça l’arrivée de Raymond Lefebvre, Lepetit, Vergeat et Toubine. Cette arrivée inopinée nous troubla. En effet, Victor Serge et moi étions convaincus qu’on les ferait rentrer en France par la Lettonie et l’Allemagne, filière dont les services de l’Internationale « coinintimiste » étaient absolument sûrs.

Pendant tout son voyage en Ukraine, Lepetit avait été en correspondance avec Victor Serge. Lepetit lui donnait ses impressions accompagnées de ses critiques. À ses yeux, Victor Serge, sous le vernis encore tout frais du communiste, était resté celui qui, dans L’Anarchie des années 1910, signait Le Rétif et Victor Serge s’était bien gardé de le détromper. En effet, chaque fois que Victor Serge croyait pouvoir s’exprimer librement, il se livrait à une critique accablante du Parti et du système étatique instauré par Lénine et Trotski. Ce qui ne l’empêchait pas dans ses écrits de glorifier en même temps le Parti et l’action de celui-ci.

Dès l’arrivée à Petrograd de nos quatre voyageurs, ceux-ci nous donnèrent rendez-vous. Il eut lieu chez moi ; Lefebvre, Lepetit, Vergeat et Toubine mous mirent au courant de leur retour en France par le Grand Nord. Cela nous partir étrange. Outre que cet itinéraire était long et pénible, voire dangereux, il aurait certainement pour effet de retarder considérablement l’arrivée en France de nos hôtes. Lepetit et Vergeat tenaient absolument à rentrer au plus vite en France pour faire part à leurs mandants de leurs impressions de Russie. Et Lefebvre, en prévision du Congrès de Tours, était aussi pressé qu’eux. Aussi, ils ne voulurent rester à Petrograd que le temps minimum, deux jours à peine.

Le jour suivant, Victor Serge et moi obtînmes l’autorisation de faire visiter les ex-usines Poutilov à nos quatre voyageurs. Rendez-vous fut pris pour le début de l’après-midi et une auto fut mise à notre disposition pour nous transporter tous les six à l’autre bout de Petrograd où le grand centre métallurgique occupait une immense superficie. Le chauffeur nous laissa en nous disant qu’il reviendrait nous prendre vers dix-sept heures.

Pendant deux ou trois heures nous déambulâmes à travers ces vastes ateliers qui, par manque de matières premières et de personnel, donnaient l’impression d’une paralysie complète. Ceci ne manqua pas d’être remarqué et vivement commenté par Lepetit et Vergeat, plus curieux que Raymond Lefebvre de l’activité économique d’un pays industriel au lendemain de la Révolution. L’air minable du personnel, son laisser-aller et son peu d’empressement au travail frappaient les visiteurs étrangers. En les voyant à l’oeuvre, dans les usines dont ils étaient prétendument les maintes, on avait du mal à croire que ces travailleurs bâtissaient un monde nouveau. En vérité, plutôt qu’au matériel roulant, le personnel de ces usines Poutilov s’intéressait à la fabrication de gros briquets, avec tous les bouts de tuyau possibles et imaginables et le plus souvent chapardés à droite et à gauche, car lesdits briquets avaient cours au marché noir.

En quittant les usines Poutilov, où l’on nous avait laissés marcher sans s’occuper de nous, les réflexions de Lepetit et Vergeat étaient amères ; ils ne cachaient pas leur déconvenue, car point n’était besoin d’interroger les ouvriers pour se rendre compte qu’ils n’étaient ni nourris ni vêtus. Et leur visage en disait long sur leurs sentiments intimes.

Devant l’immense porte d’entrée, nous attendîmes notre chauffeur. Ne le voyant pas venir, Victor Serge téléphona pour rappeler que nous attendions. Finalement, l’auto arriva. Ce n’était pas celle qui nous avait amenés. Elle était moins grande et c’était un autre chauffeur.

« Combien êtes-vous ?, demanda-t-il, de cet air insolent qu’adoptaient à l’époque les chauffeurs qui dépendaient de la Tcheka.

Six, comme tu le vois, camarade.

J’en prendrai cinq, pas un de plus », annonça-t-il.

Devant cette réponse, nous décidâmes d’un commun accord que nous rentrerions en voiture tous les six, quitte au chauffeur à faire deux tours, ou que nous refuserions de laisser un seul d’entre nous faire à pied le chemin du retour.

« J’en prends cinq et je ne fais qu’un tour, nous dit ce triste individu.

Alors fous le camp », lui lançâmes-nous en russe et en français.

Et il démarra en trombe nous laissant, comme on dit, sur le pavé. Stupéfié et révolté par la désinvolture du camarade chauffeur, Raymond Lefebvre poussa un « merde » si retentissant qu’un gamin qui passait par là eut un sursaut. « J’ai eu peur, s’écria-t-il, j’ai cru que son cœur venait d’éclater ! »

Révoltés par ce sans-gêne, nous primes à pied le chemin du retour. Il émit convenu que nos quatre compagnons mangeaient le soir chez moi, à l’Astoria. Bien entendu, tout le long du chemin la conversation alla bon train. Vergeat, mais surtout Lepetit ne cachaient pas leur hostilité à un système social dominé par un parti unique, dont le souverain mépris de l’homme n’était que trop visible dans la Russie entière.

Lepetit, Lefebvre et Vergeat fêtés par la Russie… Ils mourront mystérieusement sur le chemin du retour.

Les ouvriers russes, les marins de la Baltique et les paysans mobilisés qui composaient les régiments qui, à la fin du règne éphémère de Kerenski, avaient porté Lénine et son Parti au pouvoir n’avaient certainement pas voulu cela. Mais le seul droit qui, dès ce moment, leur était reconnu était de se mire, sinon le Parti et son régime disposaient de tous les moyens de coercition nécessaires pour les y contraindre.

Lepetit et Vergeat l’avaient partout constaté. Grâce à la présence de leur ami Toubine, ils avaient pu se rendre compte par eux-mêmes, sans passer par un interprète officiel, des conditions réelles dans lesquelles vivaient les travailleurs des villes et des campagnes. Et ils n’hésitaient pas à condamner un système qui allait si manifestement à l’encontre de tout ce que l’on promettait aux travailleurs français au nom du Socialisme et de la Révolution.

Raymond Lefebvre voyait les choses d’un point de vue essentiellement théorique (bien que son évolution vers le bolchevisme eût pour origine le combat contre la guerre qu’il avait menée, avec Paul Vaillant-Couturier, aux côtés d’Henri Barbusse) et il espérait, hélas ! Comme beaucoup d’entre nous, que le système étatique fondé par Lénine serait amené par la force des choses à corriger ses défauts et à retrouver le contact avec les travailleurs. Mais au fond de lui-même, Raymond Lefebvre emportait assez de doutes pour l’empêcher, contrairement à son ami Paul Vaillant-Couturier, de prendre place dans le char de Zinoviev et plus tard d’encenser Staline.

Chemin faisant, je ne me souviens plus à quel propos, Raymond Lefebvre fit la réflexion suivante, comme un pressentiment de sa mort prochaine et qui en disait long sur son adhésion réelle au marxisme et au bolchevisme : « Je suis le descendant d’une vieille famille protestante. Si je devais bientôt mourir, je demanderais à être enterré selon le rite de la religion dans laquelle j’ai été élevé. Ça ferait certainement du bruit », ajouta-t-il. Cette déclaration nous frappa et bien entendu nous laissa tous les cinq un moment pensifs. Puis la conversation reprit sur d’autres thèmes.

Arrivés à l’Astoria, après une marche épuisante, tout le monde monta chez moi où, comme je le faisais chaque fois que je le pouvais, j’avais préparé un frugal repas avec les produits que je touchais en supplément au titre de « travailleur responsable » ou avec du gibier rapporté de la chasse.

Le repas assaisonné des dernières conversations avec nos quatre voyageurs se termina très tard. Lepetit était si fatigué (il avait la poitrine faible) qu’il ne résistait plus au sommeil. étendu sur le canapé de ma chambre, il dormait. Comme l’hôtel de Lepetit, Vergeat et Toubine se situait loin de l’Astoria, il fut décidé que ceux-ci passeraient la nuit chez moi.

Une moquette recouvrait le plancher de ma chambre. Vergeat et Toubine s’en contentèrent pour s’allonger et dormir. Quant à Raymond Lefebvre, il s’en alla en même temps que Victor Serge. Je crois me souvenir qu’on l’avait hébergé à l’Hôtel d’Angleterre, voisin de l’Astoria.

Le lendemain matin, Victor Serge et moi fîmes nos adieux à nos compagnons qui, à aucun moment, autant qu’il m’en souvienne, ne manifestèrent la moindre crainte pour leur voyage de retour. Passer par le Grand Nord leur fournissait peut-être l’occasion de voir les régions arctiques. À Moscou on leur avait donné l’assurance qu’un bateau norvégien viendrait les prendre dès leur arrivée à Mourmansk pour les transporter à Vardoe, l’ile norvégienne la plus proche sur l’océan Arctique.

Victor Serge et moi avions repris le cours de nos occupations. En ce temps-là, un événement était vite chassé par un autre.

Le passage de nos quatre hôtes nous paraissait déjà un simple souvenir quand Victor Serge reçut de Lepetit une lettre alarmante. Las d’attendre sur une île déserte de la côte mourmane un bateau norvégien qui ne venait pas, nos quatre pèlerins s’étaient fait ramener à Mourmansk. Ce retour, que les autorités locales, c’est-à-dire la police des frontières, leur avaient tout d’abord refusé, avait été obtenu à grand cri, car Lepetit et Vergeat s’étaient vite rendu compte qu’on les avait dirigés sur le Grand Nord pour les immobiliser afin qu’ils ne puissent arriver à temps à Paris pour participer au Congrès de la C.G.T (Lille 1921).

De son côté, Raymond Lefebvre avait écrit à Zinoviev, à Jacques Sadoul et probablement à Lénine pour protester contre la quarantaine dont lui et ses compagnons faisaient l’objet. Tous demandaient à revenir à Petrograd afin de rentrer en France par la Lettonie et l’Allemagne. Mis dans l’impossibilité de décider de leur propre sort, Raymond Lefebvre, Lepetit, Vergeat et Toubine se laissèrent, paraît-il, ramener dans leur île où ils se remirent à attendre.

A partir de là, que s’est-il passé ? Aucun message de nos amis ne nous est jamais parvenu ni à Victor Serge ni à moi. Mais voici les faits, tels que Zinoviev en fit le récit à Victor Serge, qui me mit aussitôt au courant.

À cause des tempêtes quotidiennes, le bateau norvégien avait du attendre avant d’affronter les vagues de l’océan Arctique. Pressés de rentrer en France, Raymond Lefebvre, Lepetit, Vergeat et Toubine avaient alors décidé de s’embarquer sur un petit bateau de pèche soviétique qui se trouvait là avec deux pêcheurs russes à bord et de gagner Vardoe par leurs propres moyens. Mais une soudaine et terrible tempête éclata peu après leur départ. Et la frêle embarcation, nullement faite pour affronter les subites colères de l’Arctique, avait été engloutie par les flots.

Sachant que Victor Serge avait reçu plusieurs lettres de Lepetit pendant le voyage de celui-ci dans la Russie du Sud, Zinoviev lui demanda s’il n’y avait pas quelques passages que l’on pouvait reproduire dans la presse de l’Internationale communiste pour montrer que leur auteur avait été séduit par tel ou tel aspect du système social issu de la Révolution d’Octobre. Victor Serge m’invita à l’aider.

J’entends encore ses paroles découragées. Une fois la lecture de ces lettres achevée, Victor Serge constata et me prit à témoin que toute impression qui, au départ, paraissait favorable, se terminait toujours par des réserves.

C’est donc en vain que lui et moi avons cherché une phrase non pas porteuse de la moindre approbation, mais à tout le moins exempte de critique et de doutes. il nous fallut dire à Zinoviev que nous n’en avions pas trouvé.

Je m’en suis longtemps tenu à la version donné par Zinoviev à Victor Serge. Certes, à l’époque, nos doutes n’allaient pas jusqu’à nous la faire rejeter, car aussi prévenus que nous l’étions des moyens expéditifs employés par Zinoviev et son équipe de tchékistes pour se débarrasser d’adversaires politiques irrécupérables, nous ne pouvions croire que la disparition de nos quatre compagnons ait été voulue. L’alibi fourni par Zinoviev, alors président de la IIIe Internationale, nous avait paru plausible. Tout au plus pouvait-on reprocher aux autorités soviétiques d’avoir sciemment retardé leur retour en France, en les retenant, sous un prétexte ou un autre, dans la région désertique de Mourmansk.

Mais, peu à peu, je me mis à douter. Un détail, surtout, m’intriguait. Mourmansk avait été décrétée zone interdite, comme toutes les autres zones frontières, maritimes ou terrestres. Nul ne pouvait y pénétrer sans raison de service ou autorisation spéciale. Par ailleurs, il n’y avait pas et ne pouvait y avoir de bateau de pèche appartenant à des particuliers. Et si même il s’en était trouvé un, ce qui n’était pas le cas, il lui aurait été rigoureusement interdit de prendre la haute mer, et par conséquent d’échapper à la surveillance des gardes frontières, dont la mission consistait à empêcher tout contact des citoyens soviétiques avec les frontaliers d’en face.

De ce fait, la version officielle s’effondrait. Nos quatre compagnons n’avaient pu s’embarquer de leur propre autorité sur un bateau de pêche, ni entraîner avec eux deux pêcheurs soviétiques qui, en aucun cas, n’auraient été autorisés à les transporter à Vardoe. Seul un bateau norvégien, équipé pour affronter l’océan Arctique, aurait pu les acheminer vers la côte norvégienne, mais pas un bateau soviétique.

Que s’était -il passé ? On peut le deviner. Rendus furieux par la situation qui leur était imposée et comprenant qu’on les avait bernés en les dirigeant sur le Grand Nord afin de les y retenir sous de faux prétextes, Raymond Lefebvre, Lepetit, Vergeat et Toubine n’avaient pu contenir leur révolte. Peut-être était-ce cela même qu’on attendait pour justifier la sentence qui les suivait pas à pas depuis leur départ de Moscou ?

À Petrograd déjà, le chauffeur tchekiste envoyé pour nous prendre s’émit comporté de façon étrange en refusant de nous ramener des usines Poutilov à l’hôtel Astoria. En y réfléchissant, je finis par comprendre que le drame avait commencé là. Il a fini sur les bords de l’océan Arctique. Comment ? je l’ignore. Mais ce dont je suis sûr c’est qu’il ne fallait pas que des hommes connus, de surcroît influents, et devenus par leur propre expérience des adversaires résolus d’un système et de méthodes qu’ils auraient dénoncés avec une force et une conviction dont il est facile de se faire une idée, reviennent en France.

je me suis bien souvent demandé pourquoi Victor Serge ne parle pas des lettres de Lepetit et se montre si peu loquace dans ses Mémoires d’un révolutionnaire sur la responsabilité de Zinoviev dans la « disparition » de Raymond Lefebvre et de ses compagnons. Il a sans doute voulu le ménager, car il lui devait beaucoup : dans le Parti, à Smolny et partout ailleurs, Zinoviev l’avait toujours protégé.

Par ailleurs, quand Victor Serge, en 1926, adhéra à l’opposition trotskiste, il s’y trouva en compagnie de Zinoviev. Cela aussi peut expliquer qu’il ne l’ait pas mis en cause dans la tragédie du Grand Nord.

Marcel Body, in Un Piano en bouleau de Carélie


Marcel Body est né à Limoges en 1894. Il choisit le métier de typographe. En 1916, il fait partie de la mission militaire française en Russie. D’abord spectateur, il se rallie rapidement à la révolution. À Pétrograd il cotoie Zinoviev, Trosky, Lénine, Staline,…
Il choisit - avec d’autres français - la citoyenneté soviétique. En 1924, il occupe un poste de diplomate avec Alexandra Kollontaï en Norvège ce qui lui permet de prendre ses distances avec le régime bolchevique (notamment après Kronstadt).Il réussit à gagner la France en 1927. Il s’est consacré à la traduction de divers auteurs : Lénine, Trosky et Bakounine.