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Défense d’afficher

Le jeudi 25 octobre 1979.

L’une des dernières « grandes libertés » établies par les lois de 1901 a vécu. La société libérale de Giscard aura interdit, de par la volonté servile de M. Foyer, rapporteur de la commission spéciale, la loi sur l’affichage libre. Sous le prétexte d’un écologisme bon teint et visiblement frappé par la débauche d’affiches collées lors des dernières élections de mars 78, le ministre d’Ornano proposa de restreindre les espaces d’expression que s’allouaient les organisations de toutes tendances, grandes ou petites, riches ou pauvres.
— La publicité extérieure est une pollution.
— Tout affichage d’opinion ou d’association est identifiable à de la publicité.

Vous avez compris, tous ceux qui collent en dehors des endroits réservés, polluent. C’est-à-dire que toutes les petites organisations politiques ne possédant pas les fonds nécessaires pour louer les panneaux destinés à cet effet, polluent. Et comme par hasard c’est le sort de la plupart des organisations d’extrême-gauche et de la FA. Nous polluons donc.

La liberté d’expression devient donc un peu plus fonction des finances des organisations. Gageons que le RPR et le PR d’un côté, le PC et le PS de l’autre pourront s’exprimer en toute quiétude. La répression est bien sûr prévue et est très dure : 100 F par jour et par affiche illégale plus une amende pénale (de 50 à 10 000 F par affiche et par jour d’infraction), et si le colleur n’est pas pris en flagrant délit c’est l’organisation à qui profite l’affiche qui paiera. Et vlan ! Voilà du libéralisme, voilà de la liberté d’expression en société libérale. Si on ne balaye pas tout ça, Giscard nous prépare une belle société pour 1989, deuxième centenaire de la « grande révolution ».

Attendons la décision du conseil d’État mais soyons sûr, aucun espoir à attendre de ce côté-là. Comme rien à attendre non plus du côté de l’information, puisque notre cher gouvernement, si épris de justice, d’égalité et de liberté, vient de nommer à la tête de l’AFP un ex-membre des cabinets ministériels, Henri Pigeat, qui n’a pas tardé à piger ce qu’on attendait de lui en censurant l’info sur l’« affaire des diamants du président ». L’information indépendante de l’État ? Y’a t-il un naïf dans la salle qui y croit encore ?

Et le monopole d’État sur la télé et la radio, durera… durera pas ? Inutile de faire l’historique du mouvement des radios-libres et de la dure répression qui le frappe. Aujourd’hui, les centristes et les socialistes proposent, par l’intermédiaire du sénateur Cluzel :
— que soient suspendues les poursuites engagées contre plusieurs parlementaires (Mitterand, Fabius et Parmentier — tiens, ils ne parlent pas des camarades de Radio onz’ débrouille, de Tours ou de Radio-Trottoir de Toulon ?).
— la création d’une dizaine de radios-locales en association entre FR3, Radio-France et la presse écrite régionale.

Ne nous trompons pas, il y a de forts enjeux derrière ces interventions :
— semblant de liberté d’expression et libéralisme du gouvernement Giscard (pour mieux faire avaler la pilule de l’affichage).
— intervention raisonnée et raisonnable des « représentants des travailleurs » faisant jouer tous les mécanismes hypocrites du parlementarisme.
— intérêts financiers sous-jacents, à savoir qu’avec une antenne parapluie et une boîte de contention, soit une dépense de 2 000 F environ, n’importe quel téléspectateur pourra avoir accès à la télévision de ses voisins grâce à la nouvelle petite merveille électronique de la SNIAS, un satellite franco-allemand qui couvrira une bonne partie de l’Europe. Il y a là un capital qu’il faut faire fructifier, n’est-ce pas ? Et les intérêts de la droite et de la gauche sont là, étroitement confondus.

Mais basta !… il y a bien longtemps que cette mascarade ne nous fait plus rire, les murs de nos rues sont à nous et nous continuerons de coller quoi qu’il en soit. De l’information et de la liberté d’expression, c’est à nous d’être les maîtres de notre destin et non pas aux professionnels du mensonge et de la falsification. Et si M. Cluzel souhaite « qu’entre le monopole et l’anarchie un nouveau cadre juridique soit créé », il n’y a pour nous aucune hésitation, c’est la deuxième solution que nous avons choisie.

Joël (Gr. Jacob) [Saintier ?]