Au fur et à mesure que l’on vieillit, et je serais tenté d’écrire précisément ici : « au fur et à mesure que l’on grandit », un petit cimetière intime croît en nous d’année en année. Il n’est pas triste, ou si tristesse il y a c’est de notre solitude qu’elle dépend, pas de la disparition des amis. Dans ce panthéon personnel, ils restent vivants, par leurs actes, par ce qui nous a fait, grâce à eux, grandir, parce qu’ils nous ont rendus plus libres et moins cons
. Cette semaine, c’est Julien qui a pris sa place parmi mes immortels. Ce qui, de ce que je sais de lui, lui donne cette place, c’est qu’en homme de liberté, de désir et d’action, il a voulu et fait, avec tout juste deux ou trois amis, Radio libertaire. C’est parce-qu’il l’a voulu et fait contre les atermoiements, les travers procéduriers et les règlements de comptes des frileux et des pisse-menu que j’ai grandi en liberté, en culture et en intelligence dans l’anarchie.
Qu’aujourd’hui des asticots bouffent son corps et d’autres ses œuvres m’indiffère. Julien est définitivement — et non « a été » — un créateur de cette liberté féconde et joyeuse qui fait grandir ceux qui la rencontrent.
Jean-Victor V.