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Biographie

Qui était Pasolini ?

Le jeudi 8 novembre 1990.

Né à Bologne en 1922, Pasolini connaît une enfance nomade : son père, officier d’infanterie, change fréquemment de garnison. Au lycée. il se passionne pour la poésie. mais comment ignorer le drame humain d’une Italie fasciste qui dévore ses enfants ? En 1934. le jeune Pasolini refuse de servir dans l’armée de son pays, auxiliaire des troupes nazies. désormais, la préoccupation politique accompagne la démarche artistique : il milite dès 1945 en faveur de l’autonomie du Frioul (région dont sa mère était originaire et dont il avait commencé par défendre la langue), puis il adhère au Parti communiste italien. en 1946. Mais la discipline révolutionnaire et la moralité prolétarienne semblent s’accommoder bien mal de l’anticonformisme et des étrangetés sexuelles d’un militant pourtant fort actif. En 1949, en même temps qu’il est radié de l’enseignement, il est exclu du PCI. La presse et la police s’intéressant de trop près à ses fréquentations homosexuelles, il décide en 1950 de partir pour Rome.

À Rome commence une autre vie. Il fait la connaissance des écrivains Elsa Morante et Alberto Moravia, commence à écrire des scenarii et se mêle à la plèbe dangereuse des ragazzi (mauvais garçons) et des garçons prostitués de la gare de Termini. Au tournant de la quarantaine se situent deux rencontres capitales : celle de Laura Betti, en 1958, et celle de Ninetto Davoli, en 1963 ; il fera de la première son égérie et du second son acteur-fétiche et son ami.

Érivain reconnu. il était devenu entre-temps l’une des personnalités les plus en vue du cinéma italien : sa carrière cinématographique avait commencé en 1961 avec Accattone, suivi en 1962 de Mamma Roma, où Anna Magnani donnait une image bouleversante des souffrances d’une mère dévorée par l’amour qu’elle porte à son fils. dans une sordide banlieue romaine. Ce goût pour les humbles et les marginaux, cet attrait pour la fantaisie et la douleur, on les retrouvera dans presque tous ses films : L’Évangile selon Saint-Mathieu (1964), Théorème (1968), Porcherie (1969), Les Contes de Canterbury (1972), Les Mille et une nuits (1974), Salo ou les 120 journées de Sodome (1975). Salo et ses corps suppliciés peuvent apparaître, avec le recul, comme une étrange prémonition : celle du martyr de Pasolini, lui-même. Son cadavre, mutilé, fut découvert sur une plage d’Ostie, le 2 novembre 1975. Sur cette mort tragique rien n’a pu être établi : immolation de Pasolini ? Crime crapuleux ? Crime politique ? On rappellera simplement que Pier Paolo Pasolini, par l’audience qu’il donnait aux thèses de l’extrême gauche italienne, s’était attiré la haine de la Démocratie-chrétienne (DC) et de son auxiliaire la mafia…

Olivier Denhez