Depuis quelque temps déjà, Maurice Joyeux nous a quitté.
La presse en général, y compris les médias télévisuels, lui ont rendu un hommage mérité. Les signataires de ce texte souhaitent mettre en relief quelques-uns des traits de caractère de Maurice Joyeux qui les ont particulièrement frappés.
Tout d’abord son langage direct, dru, rapide, allant à l’essentiel. Pas de développements compliqués, pas de phrases alambiquées, pas d’enflure. Comme ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, son vocabulaire précis, sa parole agile étaient au service d’une pensée riche et bien ordonnée.
À l’heure où tant d’intellectuels de seconde zone se complaisent dans l’amphigouri et le galimatias, Maurice Joyeux étayait ses convictions sur quelques bases solides. Dédaignant à juste titre le pathos des économistes de salon dont les études, de Marx à Keynes, ne sont que prétextes à l’édition de thèses assurant la gloire de leurs auteurs, Maurice Joyeux mettait en valeur les prémisses du communisme libertaire, à savoir l’égalité économique et sociale. Refusant de croire à la fatalité du couple infernal, économie de marché/économie planifiée, il se tournait naturellement vers le mutuellisme proudhonien et les élégantes solutions kropotkiniennes.
Une partie importante de sa vie, comme chacun sait, fut consacrée à l’action syndicale. En fonction des circonstances, ses choix tactiques furent variés, mais, à chaque fois, il s’orienta avec une boussole primordiale : celle de l’intérêt de la classe ouvrière. Et à chaque instant, que ce soit en public ou en privé, les camarades de sa classe savaient pouvoir compter sur lui pour les devoirs élémentaires de la solidarité.
Des idées fondamentales
Le reflux de Mai 1968 le laissa, comme beaucoup d’hommes sur terre, amer et désenchanté ! Nous n’avons pas fini de décrypter les motivations profondes et les événements de cette révolution à peine commencée.
L’attraction, encore puissante, d’Octobre 1917 et l’accoutumance au ronron de la démocratie parlementaire étaient encore trop fortes pour qu’émerge puissamment le désir de bâtir « autre chose ».
Là encore, Maurice Joyeux fit preuve d’une remarquable lucidité politique.
On a vanté un peu partout ses qualités d’écriture. On a également rappelé qu’il était autodidacte. Sans insister outre mesure, cela en valait pourtant la peine. Vous connaissez beaucoup d’hommes qui furent à la fois bon ajusteur et bon écrivain ?
Sur la photo qui le représente en page huit du nº 850 du Monde libertaire, la position de ses mains donne l’illusion qu’il tient encore une lime… La lime et la plume. Cette plume qu’il ne tiendra plus et dont il s’est servi pendant tant d’années pour écrire « son » article en dernière page du ML. De même que, d’après Charles Malato, Louise Michel prononçait toujours la même conférence sous des titres différents, Maurice Joyeux écrivait (presque) toujours le même article.
S’appuyant sur quelques idées fondamentales, il discernait les lignes de force de la société contemporaine et traçait des perspectives d’avenir.
Nous connaissions par cœur et par avance le contenu de son article. Mais c’est par lui que nous commencions la lecture du Monde libertaire, ce journal qui comptait tant pour lui.
Roland Bosdeveix, Jacques Cugini, Paul Chenard, Gérard Caramaro, Nelly Derré, André Devriendt, Gérard Escoubet, Régis Faudot, François Garcia, Martine Graillot, Floréal Melgar, Yves Peyraut, Marc Prévôtel, Léo Tamames.