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Hommage à Fernando Gomez Pelaez

Le jeudi 16 novembre 1995.

Le 26 juillet dernier, au cimetière parisien de Bagneux, un ultime hommage était rendu à Fernando Gomez Pelaez, militant anarcho-syndicaliste espagnol.
La première fois que je l’ai vu, c’était à la tribune d’une assemblée du Syndicat des correcteurs. C’était pendant la grève de l’imprimerie Larousse où il était délégué. Après, c’était dans les réunions des libertaires espagnols exilés de la CNT.

Fernando Gomez Pelaez était né en 1915 à Torrelavega (province de Santander). Dans les années 30, il avait été secrétaire de l’Athénée libertaire de Torrelavega et membre de l’Avant-Garde fédérale, puis rédacteur à La Region, quotidien de gauche de Santander. En 1935, il adhérait à l’UGT (Union générale des travailleurs, de tendance socialiste) et présidait la Bourse du travail de Torrelavega. Le mouvement ouvrier, dans ces régions du nord de l’Espagne (Cantabrie, Asturies), avait une particularité : il était unitaire. On entrait au syndicat qui existait, on ne divisait pas la classe ouvrière. Ainsi, des militants libertaires pouvaient se retrouver secrétaires de sections de l’UGT, ou le contraire. Il fallut attendre le début de la guerre civile pour que ce phénomène, unique en Espagne, changeât. Fernando Gomez Pelaez adhéra en 1936 à la CNT (Confédération nationale du travail, anarcho-syndicaliste). Comme membre des Milices confédérales sur le front de Burgos et dans les Asturies, d’abord, comme soldat de l’armée républicaine sur le front de l’Ebre et en Catalogne, après la militarisation des milices, ensuite, il combattit les « croisés » du sabre et du goupillon, les tenants de l’ordre noir. 1936-1939, trois ans pour tout perdre.
Hors d’Espagne, il y avait les camps des Pyrénées-Orientales, les compagnies de travail, le sort qu’on réserve aux vaincus, les désillusions. Hors d’Espagne, il y avait l’Espagne, la moitié d’Espagne, comme disait le poète Machado. Il y avait le combat, tenace, incessant, permanent, pour un impossible retour. Franco ne fut pas chassé par les Alliés. Les exilés pouvaient attendre. Ils attendirent longtemps.

À la Libération, Fernando Gomez Pelaez fut nommé, par la CNT en exil, à la direction de Solidaridad Obrera, hebdomadaire au respectable tirage de 20 000 exemplaires. De 1946 à 1954, il exerça cette fonction. À la fin des années cinquante, il participa à l’équipe de rédaction du mensuel Atalya, publication interne au mouvement libertaire espagnol. De 1970 à 1977, il assuma la direction de Frente libertario. De 1977 à 1982, il s’occupa de la rédaction de Confrontacion, bulletin interne de discussion. Parallèlement, il s’était lancé, dans les années cinquante, dans un vaste projet bibliographique sur la guerre d’Espagne, en collaboration avec l’Institut international d’histoire sociale d’Am-sterdam, projet non abouti ; il avait fondé un Fonds photographique sur la guerre d’Espagne ; il avait collaboré à diverses publications, parmi lesquelles la revue Interrogations.

Après, ce fut le printemps de 1976 et le retour en Espagne. Le renouveau de la CNT, les nouvelles conditions socio-politiques… « Il restait le vieux rêve de l’émancipation. Il demeura. »

La terrible maladie d’Alzheimer l’empêcha dans les dernières années de sa vie à se consacrer à un travail d’histoire locale sur ses années de jeunesse. Pour nous, il reste présent dans nos cœurs. Salut, camarade.

Thierry Porré (avec l’aide de l’article écrit par Freddy Gomez en hommage à son père dans Entre nous, bulletin de liaison des correcteurs retraités et pré-retraités)