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éditorial du nº 1176 et autres articles du ML1176

du 14 au 20 octobre 1999
Le jeudi 14 octobre 1999.

https://web.archive.org/web/20021227223230/http://www.federation-anarchiste.org/ml/numeros/1176/index.html



Éditorial

Il y a de ces scandales que la classe politique se sent obligée de dénoncer si elle ne veut pas que le mythe de l’égalité républicaine s’ébranle encore un peu plus. Ainsi après l’affaire Michelin, c’est Philippe Jaffré, l’ex-PDG d’Elf parti avec un pactole de plus de 250 millions de francs qui suscite actuellement les commentaires indignés de ses petits copains. Ceux-ci s’empressent alors de nous faire remarquer que la solution passe par une meilleure répartition du capital. D’où les slogans gouvernementaux du type « des stock-options pour tous » ou « pour une France de salariés actionnaires ». En fait, sous couvert de renforcement du pouvoir salarié, de « réduire les inégalités entre revenus du travail et revenus du capital » (dixit François Hollande), et de nationalisme (maintenir les centres de décisions en France) le développement de l’actionnariat salarié n’est qu’une manœuvre de plus pour nous faire croire que les intérêts des salariés et des actionnaires sont les mêmes.

Or, les gains de productivité exigés par l’actionnaire se font systématiquement sur le dos du travailleur. Dans ces conditions, rien d’étonnant donc à ce que les inégalités de revenus et du patrimoine ne cessent de se creuser alors que dans le même temps la société française produit toujours plus de richesses. Rien d’étonnant non plus à ce que l’Europe envisage de réviser sa politique d’immigration et reviennent sur « le pari de l’immigration zéro » lors du sommet européen de Tamperé en Finlande les 16 et 17 octobre. Derrière ce geste d’apparente bonté, les patrons savent que la situation des étrangers est toujours plus défavorable que celle de la population locale : précarité et chômage plus important, salaire au rabais… Se servir de l’immigré pour rogner sur les conditions de travail de tous, tel semble être leur éternel refrain.

Aussi, face aux attaques constantes de la gauche et du patronat, il ne s’agit pas de trouver un quelconque salut dans la taxation des transactions spéculatives, à l’instar d’ATTAC. Plutôt que d’humaniser la barbarie capitaliste, il convient de s’en prendre directement aux fondements de ce système. C’est bien l’ensemble des richesses qui nous a été confisqué qu’il faut se réapproprier. Ce travail de longue haleine ne peut passer que par la lutte.


Contre le chômage

Des luttes, pas des gesticulations !

Aujourd’hui comme hier, il est en proie à des affrontements internes. Le « Tous ensemble pour l’emploi » devenu manifestation nationale pour l’emploi, contre les licenciements qui va se dérouler le 16 octobre est une initiative politicienne dans toute sa splendeur. Le PC a lancé ce mot d’ordre sans concertation préalable avec les autres forces de gauche afin d’occuper « seul » le terrain. S’agissant de préoccupations touchant à l’emploi, l’absence des centrales syndicales a pu apparaître, un temps, comme une manœuvre tendant à favoriser la récupération par les dirigeants de la place du Colonel Fabien, des retombées de l’appel.

La déclaration de la CGT fait état de sa non participation à la manifestation. C’est en soi une première ! Jamais la centrale n’avait si clairement indiqué qu’elle « refuse le mélange des genres » et qu’elle « … revendique l’autonomie du syndicalisme ». Ce retour soudain aux sources du syndicalisme révolutionnaire, celui qui refuse l’ingérence des partis politiques devrait favoriser la reprise des luttes sociales et de l’action directe, à la base et dans l’autonomie… Le PC, je l’ai dit auparavant, est en proie à de fortes tensions internes. Les piètres résultats des dernières « Européennes » et le manque de rigueur politique de la ligne molle prônée par R. Hue ont permis aux représentants de la vieille garde de se refaire une santé.

La volonté à peine masquée de cette fraction est d’en découdre avec le PS gouvernemental et à terme de conduire au retrait des ministres du gouvernement, par la force des choses. Les organisations qui ont rejoint le PC ont pu le faire dès lors qu’elles ont opéré un alignement politique incontestable autour de l’appel lancé par le Parti. Malgré les dénégations de Sami Naïr (du MDC), cette manifestation est en réalité un rassemblement de mécontents de la politique sociale suivie par le gouvernement de la gauche plurielle.

L’opportunisme de l’extrême gauche et des Verts

Les ralliés de la première heure ­ LO et LCR ­ fidèles à la sempiternelle tactique trotskiste de débordement, vont s’employer à faire de la manifestation un « moment fort » du rassemblement à la gauche… de la gauche… de la gauche… C’est encore une bouffée d’oxygène que ces organisations offrent au régime parlementaire, gauche et droite confondues. Elles qui se réclament du camp de la « Révolution » délaissent ce faisant le champ de l’affrontement social pour investir la scène plus juteuse de la contestation politicienne.

Cohn-Bendit ne s’y est pas trompé, lui qui a qualifié le ralliement des Verts de « …particulièrement inintelligent… […] La culture d’extrême gauche » de certains Verts gêne Cohn-Bendit, certes, mais se pose-t-il la question de savoir si sa culture de la politique spectacle gêne ou pas de nombreux militants de base de son organisation ? Et que pense Dany des rencontres médiatisées avec R. Hue et de l’impact qu’elles pouvaient avoir, peu de temps avant les Européennes ?

Ce que nous devons retenir, c’est que les Verts semblent rencontrer au sein même de leur appareil les mêmes problèmes que ceux que rencontrent les membres de la direction du PC. Chez les Verts aussi une lutte de pouvoir est engagée et, la participation à la manifestation du 16 apparaît plus comme une prise de position qui tend à mettre Voynet en mauvaise posture. La solidarité gouvernementale qu’elle prône en la circonstance ne sied pas à une majorité de militants qui ne se veulent pas des godillots écolos…

Pour l’autonomie du mouvement social

AC ! ne participera pas à cette manifestation et a même précisé qu’elle « refuse tout amalgame et confusion entre une manifestation qui pourrait apparaître comme un appel des appareils politiques au détriment du mouvement social ». Dans le cas d’AC ! comme dans celui de la CGT, ce qui est remarquable c’est que ce refus stigmatise toute remise en cause de l’indépendance et de l’Autonomie du mouvement social et du mouvement syndical.

Le vieux débat Révolution sociale ou Réforme politique est relancé aujourd’hui. Il est éclairé par plusieurs décennies de renoncements et de trahisons des formations parlementaires. Les anarchistes considèrent que les luttes actuelles autour des 35 heures, contre les licenciements, dans les lycées… ont un écho favorable dans le pays car elles traduisent le mécontentement de la base confrontée à un système totalement injuste et aliénant. Un système avec lequel ceux qui luttent ne veulent pas composer !

Il ne s’agit donc pas de changer l’équipe qui perd ­ celle qui occupe les postes du gouvernement, de gauche ou de droite ­ mais bien plutôt de changer radicalement la donne revendicative et sociale. S’attaquer aux causes profondes du malaise social c’est à coup sur vouloir révolutionner les rapports entre les individus afin de bâtir une société égalitaire. Le 16 octobre le PC et les autres stigmatiseront les dérives gouvernementales, rejoignant ­ bien malgré eux ­ le MEDEF et E.A.Seillière qui étaient dans la rue le 4 octobre…

Pour ce qui nous concerne nous veillerons à tout mettre en œuvre afin que l’unité des exploités se réalise contre tous les gouvernements et contre tous les systèmes d’exploitation. Nous ne mêlerons pas nos voix à ceux qui demandent aux gouvernants de tenir leurs promesses.

Nous savons pertinemment que les promesses politiciennes sont faites pour ne pas être tenues ! Alors luttons au quotidien et laissons les grandes messes aux vedettes de la politique spectacle !

Edward, ­ groupe Puig Antich (Perpignan)

À cet effet Sami Naïr commet une lourde erreur lorsqu’il déclare que certains en Europe « luttent pour un modèle social plus égalitaire ». Le modèle social actuel étant totalement inégalitaire, les amis de S. Naïr et ceux dont il se réclame luttent tout au plus pour un modèle social moins inégalitaire. Question de mot.


Éducation nationale

L’arnaque des emplois-jeunes

Lors de la mise en place de la loi du 16 octobre 1997, la création de 350 000 emplois-jeunes était prévue d’ici à l’an 2000. Au delà des effets d’annonce et au regard des chiffres, à peine deux tiers des espoirs ministériels étaient comblés en mars 1999. Ces emplois étaient principalement absorbés par les associations (97 765) et par deux ministères : celui de l’Intérieur avec les emplois-jeunes de la police (16 500), et de l’Éducation nationale (65 000).

Le principe de l’emploi-jeune est celui d’un emploi subventionné par l’État à 80 % du SMIC pour les aides éducateurs et auxiliaires de vie universitaire, et à hauteur du SMIC pour les emplois-jeunes en poste dans les IUFM (ceux-ci touchent 1,5 x le SMIC). L’État subventionne des emplois à durée déterminée en son sein accentuant en cela le principe d’autonomie budgétaire des établissements publics. Le recrutement de ces personnels dans l’Éducation Nationale coûte un SMIC par an soit environ 92000 francs.

Ce niveau de rémunération ne correspond ni à une homogénéité de niveau scolaire ni à une homogénéité de formation. On trouve par exemple des aides éducateurs recrutés à Bac + 2 maximum (mais on sait que beaucoup de candidats ont masqué leurs diplômes), des auxiliaires de vie universitaire recrutés au niveau Bac et des « docteurs agents de développement des nouvelles technologies à » Bac + 5. En pratique, le gros du bataillon que constituent les aides éducateurs est à plus de 30 % détenteur d’un niveau Bac + 3, et 80 % sont des femmes.

En ce qui concerne les affectations, les postes aides éducateurs sont créés dans les collèges et ceux-ci les redistribuent aux écoles primaires. Les auxiliaires de vie universitaire sont eux directement dépendants des établissements de l’enseignement supérieur. Les docteurs en nouvelles technologies eux, dépendent des IUFM.

Le plan emploi-jeunes prévoyait des processus de compensation, d’utilité sociale et notamment la formation de jeunes. Il s’agit de montrer que la motivation des emplois-jeunes ne pourra que baisser car ces contrats qui présentent toutes les caractéristiques de contrats précaires n’offrent que très peu de possibilités de valorisation de leur travail et d’évolution dans leur carrière.

Il s’agit ici de montrer que d’une part les emplois-jeunes sont une manière pour les employeurs d’attaquer les conventions collectives en accentuant la flexibilité des salariés de la fonction publique et ensuite de disposer d’une main d’œuvre jeune, sans unité de statut, qui se divisera donc facilement en cas de conflit ouvert.

Les attaques de statuts

Les témoignages confirment les pires craintes que l’on pourrait avoir à l’annonce de la création de contrats de droit privé dans l’administration. Dans les écoles et les collèges les exemples de chevauchement entre les fonctions des professeurs titulaires et des emplois-jeunes sont nombreux, on peut citer : le remplacement des professeurs en grève, l’accomplissement de tâches administratives (permanences d’accueil, contrôle des absences etc..), le soutien scolaire (aide aux devoirs).

Dans les collèges, les catégories les plus menacées de personnel sont les surveillants d’externat. Du reste, leur nouveau statut proposé par Allègre confirme ces craintes : recrutement des pions dans les IUFM à Bac + 3 (donc capables financièrement d’arriver à la licence) et abandon du système de financement (sur critère social) d‘études par un travail dans l’enseignement.

En ce qui concerne les auxiliaires de vie universitaire, les fonctions de ces derniers telles qu’elles sont définies par la circulaire du 16 juillet 1998. Ces fonctions rentrent pour la plupart dans les compétences des IATOS. Le plus souvent le poste IATOS n’existe plus ou n’a pas été créé car cela fait des années que CES et objecteurs de conscience les ont remplacés. La source venant à se tarir financièrement et humainement, les emplois-jeunes sont arrivés à point nommé pour les remplacer.

Les docteurs agents de développement sont considérés comme formateurs aux nouvelles technologies (et même électeurs dans les conseils administratifs au même titre que le personnel enseignant et formateur), mais ils sont là en CDD de soixante mois de droit privé. Un peu comme des enseignants chercheurs des universités sans être en contrat de droit public. Là, l’Éducation Nationale a clairement choisi un sous-statut pour des formateurs IUFM ayant les mêmes qualifications que les autres.

Ces exemples montrent à l’évidence un des problèmes que pose la création des emplois-jeunes dans une administration : cela permet à l’État de passer au dessus des conventions collectives en les rendant responsables de l’aggravation du chômage. C’est le principe de la flexibilité qui va permettre l’embauche : autorisez le licenciement collectif, cela favorisera l’emploi, « la liberté, c’est l’esclavage », 2 + 2 = 5.

Cette mesure phare du gouvernement socialiste est une attaque directe contre le salariat des administrations. En effet les aides éducateurs ont par exemple un niveau de formation qui correspond à des catégories B, soit 6 500 FF en début de carrière contre 5 600 FF sans possibilité d’évolution pour les emplois-jeunes. Pour les emplois-jeunes IUFM, ils sont recrutés à 1,5 SMIC avec un doctorat !

La forme de contrat, le CDD de 60 mois, pose aussi un problème redoutable. D’une part les possibilités de mobilité interne sont très défavorables, de plus l’arrivée d’un nouveau personnel précaire démotive fortement les fonctionnaires qui ne voient, avec l’absence de création de postes de titulaires, aucune perspective d’évolution dans leur carrière (l’arrivée de nouveaux personnels inciterait à créer des cadres). D’autre part la création de contrats de droit privé dans la fonction publique amène à penser que certains établissements glissent dangereusement vers la contractualisation, l’autonomie budgétaire, l’éclatement des statuts des personnels et donc vers la privatisation (style EDF ou France Telecom), les facultés étant, comme les grandes écoles, à la pointe de ce processus, idem pour les PUF, l’ONISEP, les CRDP ou les CROUS.

Un contrat de droit privé sans vraies contreparties dans une administration

Les contreparties et garanties qui permettraient de donner aux emplois-jeunes de la sécurité dans leur travail ou d’évoluer vers un travail sécurisé n’existent pratiquement pas. Tout d’abord l’élément modérateur de licenciement que sont les fameux 6 % fin de contrat sur les CDD est détourné par le fait que ces derniers ne sont pas payables sur plus de 18 mois. Si un employeur décide de ne pas renouveler un emploi-jeune au bout de la quatrième année, l’indemnité licenciement de celui-ci ne sera que 6 %x18x5600 = 6048 FF au lieu de 6 %x48x5600 = 16128 FF (calcul sur 18 mois au lieu de 48).

Les emplois-jeunes n’ont pas non plus droit aux concours en interne dans la fonction publique. Approchant au plus près cette dernière l’État ne prend pas la peine de vouloir recruter des fonctionnaires dans des catégories déjà formées par l’administration.

En ce qui concerne la formation, les mieux lotis sont les aides éducateurs, mais pour tous la formation est un droit. Dans la pratique le ministère a beaucoup de mal à former les aides éducateurs à quoi que ce soit, la dotation pour les formations étant faible (850 FF/an), le ministère comptant surtout sur ceux qui ne s’inscrivent pas pour payer les formations des autres. Pour ce qui est des auxiliaires de vie universitaire, il n’y a pas de dispositif aussi précis que pour les aides éducateurs. Tout est soumis au bon vouloir des nécessités du service et aux sautes d’humeurs des chefs.

Pour les emplois-jeunes en IUFM (circulaire 98-136 du 23 juin 1998), l’hypocrisie est énorme car l’Éducation nationale a ici à former des docteurs ! Leur formation (20 % du temps de travail) leur permet de participer à des opérations de partenariat enseignement supérieur/entreprises privées, d’exécuter un contrat de travail à temps partiel, d’exercer une activité de consultation, de construire un projet de création d’entreprise. Par défaut, la formation de ces emplois-jeunes peut être remplacée par celle des aides éducateurs. Quant aux quelques emplois-jeunes recrutés via la DDTE et placés dans des établissements de l’Éducation nationale, à eux de négocier leur formation avec leur direction…

Au niveau des cotisations patronales il faut savoir que les emplois-jeunes ont un statut bien particulier et que les employeurs bénéficient de larges exonérations dont celle de cotiser aux ASSEDIC, l’État s’engageant à verser L’APE (l’allocation de perte d’emploi) en fin de contrat puisque les emplois-jeunes ne seront pas pérennisés. Cette allocation publique pour contrat de droit privé est de sinistre mémoire puisqu’elle a déjà servi lors du licenciement massif des maîtres auxiliaires et ne correspond pas aux types de contrats qui nous sont soumis.

Avec l’introduction des emplois-jeunes dans une administration énorme comme l’Éducation nationale, l’État se permet de fragiliser un service public au nom de la lutte contre les chiffres du chômage. Mais ces « nouveaux emplois, nouveaux services » correspondant à des « besoins émergents » ne couvrent ni le besoin de reconnaissance, ni le besoin de formation, ni le besoin d’un vrai travail pour les jeunes. Cette servitude des « services » n’assure qu’un besoin : celui de fournir des salaires subventionnés aux établissements et aux grosses associations. Si la victoire des chiffres est désormais assurée pour le gouvernement, celle de la flexibilité dans l’administration est en passe de le devenir aussi. Et, au-delà des déclarations tonitruantes du ministre, il faut voir dans cette mesure une manière d’avancer, et dans les statuts et dans les pratiques, vers un éclatement des missions de l’enseignement en France, ce qui ressemble fort à une privatisation. La conséquence en sera une accentuation de l’inégalité dans la scolarité des populations. C’est la menace qui pèse sur l’éducation, la lutte ne peut s’engager que sur le terrain de la solidarité et de l’autonomie. Le cloisonnement syndical de cette administration fait jouer la montre contre nous, et cela les ministres le savent bien. Ce n’est donc pas l’acquis de la gestion paritaire qui est l’enjeu ici mais les conditions de vie des salariés du futur.

Sam, ­ groupe Jules Vallès (Grenoble)


Bové, Beurrier, communaux d’Alès, Myris…

Répression syndicale : l’injustice s’acharne

Alors que nous avions encore tous en tête l’incarcération du syndicaliste paysan, José Bové, à la fin du mois d’août dernier (cf Monde libertaire nº 1171 et 1172), s’ouvrait le 15 septembre à Clermont-Ferrand le procès en appel de Michel Beurrier. Ce syndicaliste, secrétaire de l’UD CGT du Puy de Dôme, s’était vu infligé en mars une condamnation à deux mois de prison avec sursis et 3000 F d’amende pour violences à agent et aide au séjour irrégulier d’un étranger. Malgré la descente dans la rue de 15 000 manifestants réclamant sa relaxe, la « justice » bourgeoise envoyait un signe fort vers tout ceux et toutes celles qui auraient l’idée d’être solidaire avec les sans-papiers. Du même coup, elle tentait de baliser le champ de l’action syndicale.

Lourdes amendes et sursis pour les 10 d’Alès

Depuis, deux autres affaires beaucoup moins connues ont éclaté en région Languedoc-Roussillon. En avril, le tribunal correctionnel d’Alès condamnait très lourdement 10 syndicalistes CGT à 160 000 F d’amendes cumulées et le secrétaire du syndicat écopait d’un an de prison avec sursis. Les faits remontent au 30 janvier 1996.

À la suite de la grève de novembre-décembre, les communaux de la ville avaient obtenu un protocole d’accord concernant la titularisation des précaires et un régime indemnitaire égalitaire. Quelques jours après la reprise, le député-maire d’alors, Jean Roustan, refusait d’appliquer l’accord et c’était de nouveau la grève avec occupation du hall de la mairie. Lorsqu’une délégation demanda à être reçu, ce fut par les coups des flics municipaux et du propre frère du maire. Bilan : trois syndicalistes blessés et plainte classée. De son côté le maire attaquait pour séquestration et le jugement donna le résultat que l’on sait. Bien sûr la CGT a répliqué par des manifestations et fait appel.

Coupables mais non condamnables

Plus récemment, le 29 septembre, ce sont les cinq de Myris qui sont passés devant la cour d’appel de Montpellier suite à un premier jugement où ils avaient été reconnus coupables mais non condamnables. À l’appel de la CGT, plus de 500 personnes venues de l’Aude, de l’Hérault, des Pyrénées orientales et du Gard auxquels s’étaient jointes des petites délégations de la confédération paysanne et du collectif de chômeurs ont manifesté leur solidarité. En 1997, alors que le fabricant de chaussures annonçait 178 licenciements sur les 480 salariés, des employées de l’usine et des personnes solidaires avaient retenu le directeur dans son bureau. Cinq d’entre-elles sont aujourd’hui accusées de séquestration alors que les dégraissages se poursuivent. 120 emplois sont à nouveau supprimés. Les délinquants ne sont manifestement pas ceux qui sont sur le banc des accusés…

L’organisation contre la répression

Au-delà de ces affaires, c’est chaque jour que la répression s’abat sur des syndicalistes, des militants associatifs ou des salariés inorganisés. L’état et le patronat multiplient l’engagement de procédures pénales à l’encontre des acteurs du mouvement social. De plus en plus de conflits sociaux se terminent devant un tribunal. La multiplication de ces procédures n’est que la manifestation du rapport de force entre employeurs et salariés.

Le recul de la combativité ouvrière libère du terrain au patronat qui ne craignant plus les réactions d’envergure n’a plus aucune raison de ne pas saisir sa justice pour faire régner son ordre. Les classes dominantes balisent ainsi les luttes sociales en dissuadant un peu plus les travailleurs d’agir pour eux-mêmes ou par solidarité.

Face à des attaques qui ne manqueront pas de se multiplier et de se durcir, les salariés n’ont d’autres solutions que de s’organiser et de répondre systématiquement par des mobilisations de masse et la grève partout où c’est possible. Les anarchistes quant à eux ne peuvent qu’être solidaires de chaque travailleur attaqué et dénoncer publiquement la collusion entre le patronat et la justice d’État. Conscients que la lutte des classes ne se gagnera pas par un don du ciel, leur travail au sein des organisations syndicales les plus combatives ne peut que redoubler. A l’heure des interrogations et des recompositions, le renouveau d’un syndicalisme de base, de classe et de masse est plus que jamais d’actualité.

H.F. ­ groupe « la Sociale » (Montpellier)


Morts suspectes dans le nucléaire

Dans les centrales nucléaires, les employés n’ont pas vraiment le moral. On apprenait ainsi qu’un salarié était décédé « suite à un accident non nucléaire » (quel réconfort !) dans la nuit de samedi à dimanche dans un bâtiment réacteur de la centrale nucléaire de Flamanville. Retrouvé mort, au pied de son échafaudage, « dans la tenue respiratoire réglementaire ». La gendarmerie et les services d’EDF ont naturellement ouvert une enquête. Il semblerait, selon les premières constatations, que cet « accident non nucléaire », intervenu alors que la centrale était à l’arrêt pour travaux de maintenance, « aurait pour origine (sic) un problème respiratoire ». EDF avance même, candide, qu’en « toute hypothèse, à la fin de son intervention, alors qu’il s’apprêtait à quitter son chantier, il semblerait que le flexible d’alimentation en air se soit débranché ». C’est bien normal. Jean-Yves Brémont, 34 ans, salarié de la société Wanner au Havre, est donc décédé, tout bonnement, « des suites de problèmes respiratoires ». Ça va bientôt être de sa faute.

Le 24 septembre, cette fois au centre de retraitement de La Hague, deux salariés de la COGEMA, deux privilégiés à qui un entrepreneur altruiste avait pris le risque d’offrir un emploi, avaient déjà été victimes d’un accident du travail dans l’atelier de maintenance des emballages de transport « pour un problème respiratoire ». Cet accident « non nucléaire » avait coûté la vie à l’un d’eux alors que l’autre est toujours dans le coma à l’hôpital de Cherbourg. C’est fou le nombre de salariés qui ont des problèmes respiratoires ces temps-ci, dans les centrales.

Pierre Lazuly
http://menteur.com


Faits d’hiver

Entraide

Joël, Micheline et leurs cinq mômes se sont fait construire une baraque. Oh, pas un château ! Un truc à la con, du genre maison Phénix. Mais enfin bon, ça suffisait à leur bonheur. Pendant dix-neuf ans, ils ont donc remboursé, rubis sur l’ongle, les traites de leur bicoque. Et puis ­ c’est aujourd’hui monnaie courante ­ Joël a perdu son emploi ! Chômage égalant problème de sous, Joël et Micheline n’ont plus pu honorer le remboursement de leur emprunt. Il leur restait 50 000 F à payer. Trois fois rien ! Une solution du style renégociation de leur dette ou tout bêtement un délai de « grâce », le temps qu’ils puissent se retourner, aurait pu aisément voir le jour ! Le Crédit foncier ne l’a pas entendu de cette oreille. Tu payes plus, alors on te saisit.

La maison valait cinquante plaques (ça éponge largement cinquante mille balles), mais elle fut mise aux enchères à cinquante mille francs (le montant de la dette). Elle fut acquise pour 51 000 F par, mais c’est bien sûr, une filiale du Crédit foncier qui, en la remettant en vente à hauteur de sa valeurs réelle, n’envisageait rien de moins que de se rembourser et de faire un bénéf monstrueux. Les habitants de Kermevel et du Trévoux et leurs conseils municipaux se sont révoltés contre cette injustice mâtinée d’escroquerie. Ils se sont mobilisés, ont récupéré des sous, sous forme de prêts et de dons, et ont surenchéri sur l’offre du Crédit foncier.

Devant une telle levée de boucliers (pas bon pour l’image de marque), cette banque de merde a préférer ne pas insister. Joël et Micheline vont pouvoir rentrer chez eux. À l’heure de la loi de la jungle capitaliste, il est des mouvements de solidarité et d’entraide qui font chaud au cœur et qui dénoncent, s’il en était besoin, que tous ces vautours, face à l’union des gueux, ne sont que des cadavres en sursis.

Jean-Marc Raynaud


Premier bilan du mouvement lycéen

Mais où sont passées les coordinations ?

La mobilisation s’essouffle et semble aller droit au mur. Pourtant, deux rentrées de grèves ont laissé quelques traces intéressantes. Les médias avaient parlé l’an dernier d’un mouvement « cyclique » : tous les quatre ans les lycéens devaient manifester et gueuler un coup, histoire de passer leur crise d’acné. Seulement voilà : rebelotte cette année. Moins nombreux, c’est sûr, mais à la manière d’un iceberg : beaucoup restent en cours mais n’en pensent pas moins.

Moins de moutons, plus de barrières…

Entre 100 000 et 200 000 personnes à chacune des deux journées nationales, les chiffres sont plus faibles que l’an dernier mais ne sont pas ridicules. Ils traduisent un réel malaise de fond, pas encore exprimé de manière claire, mais qui va plus loin que les revendications de postes, d’effectifs, de moyens… Un système scolaire sans perspectives, infantilisant, autoritaire et sans espace de liberté d’expression : ce sont les fondations qui sont branlantes ! On peut être sûr que même en cas d’arrêt des grèves, on n’aura pas à attendre quatre ans pour que ça recommence. Mais dans l’état actuel des choses, l’essoufflement semble gagner jusqu’aux irréductibles. À cela plusieurs raisons importantes, et qui maintiendront le peu d’entrain si elles persistent.

Pas trace cette année des « coordinations indépendantes » qui, en 1998, avaient remis en cause la légitimité des syndicats FIDL et UNL affiliés au PS. Même si ces coordinations entraient dans le bal du « je fais pas de politique », elle étaient des structures intéressantes à plus d’un titre, et gênaient considérablement la FIDL qui ne put se poser en unique représentante et interlocutrice. Leçon tirée pour cette dernière : bousculée l’en dernier, elle a su participer au dégoût de nombreux lycéens actifs, qui aujourd’hui restent cloîtrés en cours, et a compris qu’il lui fallait donner un cadre à la grogne pour mieux la contrôler. Tout en continuant à fournir l’essentiel des bataillons de grandes gueules « anti-politique ». Chose faite le 30 septembre lors de la première manif nationale, qui a posé la FIDL (et dans une moindre mesure l’UNL) comme seule capable d’organiser une initiative d’ampleur nationale. Hors de question évidemment de remettre ça tous les jours : des assemblées générales devaient être organisées le mardi suivant, histoire de se donner une « caution démocratique », rien de plus, puisque le jour, l’heure et les mots d’ordre de la prochaine manif étaient déjà fixés pour le 7 octobre. Le tour est joué, tonton Allègre va distribuer les images : « Loubna et Ebtissem, deux des portes-paroles de l’an dernier, participent au mouvement : l’une est devenue permanente de SOS-racisme, l’autre secrétaire générale de la FIDL. » (1)

Les piquets sont posés, reste à fixer le grillage : la stratégie de tension adoptée par l’État l’année dernière rentre dans ce cadre. Stigmatisés, mais surtout instrumentalisés et laissés libres de leurs mouvements le temps qu’il fallait, les « vilains casseurs » ont servi à justifier le déploiement et la violence des forces de l’ordre. Impressionnant, surtout pour des jeunes participant à leurs premières manifs. Même topo cette année, comme l’atteste le déchaînement des CRS, flics du métro et vigiles de la RATP à Paris jeudi dernier (2). Bilan : une vingtaine de jeunes tabassés et des centaines, même des milliers depuis l’an dernier qui ne reviendront plus. La peur au ventre, on gueule moins fort…

Enfin, on électrise les clôtures : le harcèlement répressif de l’administration et des proviseurs est monté d’un cran cette année à coup de lettres aux parents, de sanctions scolaires et de menaces (3). On la comprend finalement mieux, cette morosité…

Des possibilités peuvent émerger plus vite qu’on ne le croit !

Une chose est donc claire : cette année encore les lycéens vont droit au mur et à l’écœurement s’ils suivent les sirènes « apolitiques » de la FIDL et de l’UNL. La mobilisation reste en suspens, pourtant une participation massive pourrait permettre l’émergence de nouvelles « coordinations indépendantes », même si l’affaire semble mal engagée. Cela doit cependant être un de nos objectifs, car l’expérience nous prouve que souvent l’auto-organisation naît d’une succession de luttes et de tentatives. C’est d’autant plus donc intérêt à poursuivre les appels à la grève, tout en soulignant la nécessaire politisation des revendications. Politisation qui ne pourrait pas s’avérer impossible car nombreux sont ceux et celles qui restent en cours mais ne sont pas dupes quant aux vrais profiteurs de l’apolitisme. On appelle ça tirer les leçons du passé, comme doit être tirée la leçon du corporatisme suicidaire. Mais ne nous leurrons pas, le boulot ne manque pas ! (4)

Nous devons donc pousser à la création de « comités », « coordinations » indépendantes et autogérées, durant les grèves, mais aussi après, afin qu’en devenant des structures permanentes elles puissent constituer de réels lieux de contre-pouvoir et d’action directe. En somme, un embryon de syndicalisme « de base » dans les lycées.

Xavier. ­ groupe Proudhon (Besançon)

(1) Le Monde du 8 octobre.
(2) Libération du 8 octobre.
(3) A Besançon par exemple, les proviseurs des lycées en grève ont adressé une lettre aux parents d’élèves dénonçant « vos enfants qui à la faveur d’une grève s’adonnent à des pratiques et des consommations illicites… », « Nous saurons réprimer comme il se doit les actes visant à pousser la population des établissements scolaires à la grève… »
(4) À Marseille, jeudi 8, les lycéens sont allés jusqu’à protester auprès des CRS de la présence d’une manif de chômeurs d’AC ! voulant leur apporter leur soutien !


la privatisation et les 35 heures à la Poste

Interview d’un militant de SUD-PTT

Hervé, postier à Paris (syndiqué à SUD-PTT), a été interviewé sur Radio libertaire par le groupe Louise Michel

Tu es rentré aux PTT en 1982, qu’est-ce qui a le plus « changé » depuis la privatisation officieuse ?
Au guichet, c’est clair. La pression commerciale que les guichetiers sont obligés à la fois de subir de la part de l’encadrement et de faire subir aux usagers. Leur « carrière » (promotion, augmentation…) dépend maintenant, quasi entièrement des objectifs qui sont donnés par la hiérarchie. Il s’agit pour eux de « placer » un maximum de produits courriers ou financiers non pas en fonction des besoins des usagers, mais des intérêts de la Poste. Le service public est détourné et se sont à la fois les consommateurs et les agents qui en subissent les conséquences. Les agents eux subissent une double pression : « commerciale » et aussi depuis le milieu des années quatre-vingts la réduction constante des effectifs (environ 3 000 à 4000 emplois par an). Par exemple, sur Paris tous les bureaux sont systématiquement restructurer environ tous les deux trois ans et à chaque fois cela se traduit par des suppressions de poste (jusqu’à 40 par bureau) et souvent par du travail supplémentaire et/ou de nouvelles contraintes. Il y a des endroits où quelques fois le service « minimum » n’est plus assuré, d’où un nombre certains de conflits locaux. Au début, la Direction s’est appuyée sur des pseudo enquêtes faîtes auprès des « clients » : commerçants, entreprises et/ou usagers. À chaque fois, les résultats allaient dans notre sens : plus de services public ! Depuis la direction ne s’embarrasse même plus de prétexte pour passer ses projets. Contrairement aux discours officiels et malgré une automatisation plus grande ; la qualité de service baisse de plus en plus.

La mise en place des 35 heures va-t-elle améliorer la situation ?
En fait il existe une double situation, actuellement, en province les postiers sont à 39 heures et sur Paris à 37 heures. Donc, notre revendication ce n’est pas 35 heures mais, moins 4 heures pour tous. L’objectif de la direction est que tout le monde passe à 35 heures d’ici la fin 2000. Un accord national a été signé par la CFDT, FO, CFTC et la CGC, la CGT et SUD (majoritaires) ont refusé cet accord entièrement bâti sur des effets d’annonces du gouvernement « gauche plurielle » : recrutement de 20 000 postiers ­ en deux ans ­ contre les 35 heures. Ce chiffre correspond, en gros, aux départs naturels (retraites…) durant la même période, les 35 heures ne généreront donc, aucune création d’emplois nouveaux. Dans certains cas : Paris, la grande banlieue et les zones rurales la situation, déjà critique, va devenir intolérable. Des conflits assez durs sont en cours. À Paris, porte de Clignancourt (une zone dite sensible), le bureau est en grève depuis 15 jours afin d’obtenir au moins deux guichets supplémentaires. Cette semaine nous avons envahi les bureaux de la direction régionale qui cherche à pourrir ce mouvement.

D’une manière générale, la Direction Parisienne trouve que le rapport entre le volume de courrier et les effectifs est trop favorable, en fait, ils veulent par exemple supprimer la distribution du soir, ou envoyer par moment (pour combler les trous) les postiers parisiens en grande banlieue. Pour Paris, la mise en place de cet objectif se traduira (si nous ne faisons rien) par 500 suppressions d’emplois, flexibilité maximum et les 35 heures. Inutile de dire que la situation parisienne est explosive. Un préavis de grève reconductible à été déposé à partir du 4 octobre. Dans les zones rurales les mêmes effets produisent les mêmes dégâts : fermeture de bureaux de Poste. En Bretagne par exemple, la grande mode c’est la délocalisation : Ils regroupent sur un seul bureau, la totalité de la distribution d’un ou plusieurs cantons. Grâce à la mobilisation des usagers, du personnel et des élus, cette fois-ci, ils ont échoué, mais ils recommenceront ailleurs.

Le 4 octobre, il y a eut une manifestation, mais le 16 octobre aussi à l’appel du PCF, qu’en penses-tu ?
C’est la gauche et notamment Quilès qui s’est attaqué au service public et qui a démantelé les PTT. Jospin avait promis qu’il ne privatiserait pas France Télécom. Évidemment une fois élus, ils ont fait le contraire : Jospin a accepter la fermeture de Vilvorde, Jean-Claude Gayssot a privatisé Air France ; etc.

De plus, cette manif a empêché une vraie mobilisation sur le thème des 35 heures et notre manif du 4 octobre. Il est hors de question de défiler avec les principaux soutiens d’un gouvernement qui œuvre pour le capitalisme. L’État est le seul actionnaire de la Poste et d’autres services publics « privatisés », il a donc les moyens d’intervenir. Toute sa politique est tournée vers plus de productivité, de flexibilité et réduction des effectifs donc plus de chômage.

propos recueillis par Wally


Air plombé et démocratie blindée

À la suite de pollutions au plomb par l’usine Metaleurop dans l’agglomération de Villefranche-sur-Saône (Rhône), services d’État et potentats locaux font tout pour taire les dangers alors que des habitants s’organisent pour les dénoncer. Depuis juin— 1999, les résultats des plombémies faites dans l’agglomération de Villefranche ont révélé des taux inquiétants. Alors que l’organisme humain ne devrait pas accueillir la moindre quantité de plomb, plusieurs enfants ont eu des taux supérieurs à 70 g par litre de sang, soit deux fois plus que la moyenne nationale. Comme l’a montré une enquête de la DDASS, ces résultats sont bien dus à une pollution environnementale et non à des peintures au plomb dans les logements des contaminés comme on l’avait laissé croire. Ceci confirme les responsabilités de l’usine de retraitement de batteries Metaleurop située à Arnas au Nord de Villefranche.

Les contaminations au plomb peuvent entraîner une diminution des capacités intellectuelles particulièrement chez les enfants, des risques de problèmes rénaux, des cancers… En outre, Metaleurop ne se contente probablement pas de rejeter du plomb. Il faudrait aussi ajouter des émissions de cadmium, de mercure, d’arsenic ou de Dioxine, substances peu recommandées pour le bien-être de l’organisme. Si les responsables du site nient, il n’en demeure pas moins qu’ils ont les autorisations de rejet pour de tels produits.

Mais Metaleurop n’innove pas. En 1973, répondant alors au nom de Penarroya, l’usine se trouvait à Lyon dans le quartier de Gerland. A la suite d’un mouvement de grève contre des phénomènes de saturnisme professionnel et d’une action des riverains, elle a été fermée et s’est alors implantée à Arnas où avait couru le bruit qu’elle ne resterait que 5 ans. 25 ans plus tard, l’usine est toujours là. Le plomb n’étant pas éliminé par l’environnement, il continue de s’accumuler, augmentant d’autant les risques pour les populations. Pourtant des méthodes de retraitement moins polluantes existent quoi qu’en disent les industriels. Ceci n’empêche pas le groupe Metaleurop dans son rapport annuel 1997-1998 de mettre la défense de l’environnement parmi ses priorités. Rappelons à ce propos que ce même groupe est responsable notamment d’une autre usine à Noyelles-Godault dans le Pas-de-Calais où des cas alarmants de pollution au plomb ont été recensés.

Des organes étatiques au service des pollueurs
Si les responsabilités de l’usine Metaleurop ne font aucun doute, il faut bien voir qu’elle a le plus souvent respecté les normes fixées en matière de rejets. Ces normes favorables dans l’ensemble aux pollueurs indiquent bien le degré de compromission des organes étatiques. En février 98, la DDASS avait émis un avis défavorable à la demande d’agrément d’extension du site. Qu’importe, la DRIRE (direction régionale de l’industrie de la recherche et de l’environnement) était passée outre. Quand un rapport de la DDASS daté du 24 avril annonçait des taux de plomb atmosphérique au moins trois fois supérieurs à la moyenne nationale, c’est seulement le 21 juillet que le sous-préfet reconnaissait que les méthodes de contrôle des rejets étaient insuffisantes et les modifiait (les responsables de ces contrôles étaient les industriels eux-mêmes, la DRIRE et un organisme hautement indépendant, la COPARLY regroupant administration et industriels). Enfin, pour ne pas envenimer la situation dans l’agglomération de Villefranche, la DDASS avait établi un périmètre de contamination de 1 km autour de l’usine, alors que cette dernière dispose d’une cheminée de plus de 60 m de haut pour recracher ses fumées polluées.

Cet établissement d’un périmètre aussi étroit était tellement stupide que dès juin plusieurs enfants habitant au-delà révélaient des plombémies supérieures à 160 g, ce que les autorités ont le plus grand mal à accepter, malgré une contamination avérée des poussières des logements et des jardins, donc une pollution environnementale. Il faut aussi préciser que certains lieux de Villefranche révèlent des taux 95 fois supérieurs au seuil de toxicité. En plus de toutes ces carences, alors que le flou était savamment organisé sur les risques réels, des propos formidables ont été tenus par quelques responsables et médecins. Ainsi plutôt que de parler des dangers liés au plomb devant des parents affolés, on les rassurait en les engageant toutefois à ne pas trop laisser leurs enfants jouer dehors ou à passer un chiffon humide plutôt que l’aspirateur (bonjour le progrès !).

Réactions locales et chape de plomb : face à cette incurie, des habitants se sont mobilisés, créant en juin 1999 la DEBVS (association de Défense Environnementale du Beaujolais et du Val de Saône). Ils ont organisé plusieurs manifestations et réunions. Une autre association plus ancienne le GEB (groupe écologique beaujolais) plus lié aux Verts suit également le dossier. Plusieurs plaintes ont été déposées contre Metaleurop et une enquête vient d’être ouverte par le parquet.

Face à l’agitation et aux révélations de la presse locale qui pour une fois fit sérieusement son travail, les maires du coin s’empressèrent de critiquer les « plumitifs » et les agités qualifiés de « prophètes de malheur » qui dénigraient leur bon air. Ils gênèrent autant que possible les personnes mobilisées en jetant le discrédit sur leurs révélations, n’hésitant pas au passage à recourir à des contre-vérités scientifiques ou à avoir une lecture des plus personnelles des rapports alarmants de la DDASS.

Enfin, il convient de voir que les employés de Metaleurop, pourtant les plus exposés et les plus touchés, ont été dressés contre les opposants à la pollution. Pour une grande partie maintenue dans l’ignorance (plus ou moins volontaire il est vrai), ils défendent finalement leurs patrons au nom de la défense de l’emploi alors que les personnes mobilisées enjoignent d’avoir une industrie propre (ce qui ne peut que leur être favorable) et en aucun cas de fermer le site et de jeter les salariés à la rue (ce que n’hésiteront pas à faire leurs patrons). Ils rejoignent aussi au passage l’un des credos des potentats locaux qui laissent ainsi pourrir la situation. Si pour Villefranche la situation est perdue, le plomb étant définitivement installé, il nous semble d’autant plus nécessaire de lutter, avant d’être atteint de crétinisme aigu, contre le capitalisme et son pittbul étatique qui génèrent plus de misères sociales et qui polluent notre existence.

Romain. ­ groupe Durruti (Lyon)


Élections législatives autrichiennes

Le relookage de l’extrême droite

Depuis 30 ans, le centre de gravité de l’extrême droite a glissé des pays du Sud à ceux du Nord et de l’Est de l’Europe, hormis l’Italie. Les pays du Sud qui ont subi un régime autoritaire après-guerre sont aujourd’hui les moins touchés. Mais pratiquement aucun pays n’est épargné.
Après l’Italie et la France, c’est l’Autriche qui nous enfante un nouveau monstre populo-démocratique qui pèse 28 % à sa naissance. Il s’appelle Jörg Haider. Fils d’un membre actif du parti nazi autrichien, il débarque en politique en 1986, dans le sillage de K. Waldheim qui accède à la Présidence de la République autrichienne, malgré son passé dans la Wehrmart. Il incarne la version autrichienne du « populisme alpin » qui a ses équivalents en Suisse, en Italie et récemment en Savoie française. Il se dit « sans complexes, vis-à-vis du passé nazi de son pays ». Il déclare : « Au temps d’Hitler, on ne voyait pas autant d’étrangers à Vienne ». Avant de remodeler son discours pour les prochaines élections, il fait l’éloge public « des bienfaits de la politique de l’emploi sous le IIIe Reich ». Son parti, le FPÖ, a toujours été le refuge des nostalgiques autrichiens du nazisme qui « regrettent le temps de la grandeur de Vienne quand elle était la deuxième ville du Reich Grand-allemand. »

Dans années 80, une majorité d’Autrichiens refusait toujours viscéralement toute polémique autour du passé nazi de leur pays. Ce « refus de mémoire » contribua au succès de Haider en Carinthie et à Salzbourg. Avec la même démagogie qu’un Le Pen, Mégret ou Berlusconi, Haider affirme : « Si le travail manque en Autriche, c’est qu’il y a trop d’étrangers. Venus de partout, ils ont envahis le pays, en plus de la déferlante des étrangers venus des pays de l’Est, après la chute du mur de Berlin ». Il dénonce « les chômeurs, qui sont des feignants refusant le jeu social ». Et si le pays va mal, c’est « à cause des allocations versées aux femmes étrangères, installées dans le pays et dangereusement fertiles ».

Au delà du discours fasciste primaire qui a fait 47 % des voix ouvrières dans deux provinces, Haider s’adresse à la droite modérée autrichienne sur un ton plus nuancé pour une alliance avec le ÖVP et pour que les syndicats se retrouvent dans l’opposition. La bande « libérale » de Haider promet en effet « un dégraissage de l’état, la suppression de la bureaucratie et l’abaissement des coûts salariaux ». D’où l’engouement des chefs d’entreprises autrichiens. L’un d’eux, interviewé par « Format » après les résultats législatifs se « réjouit d’une collaboration éventuelle avec le FPÖ ». Il ajoute : « On pourra enfin mettre en œuvre la dérégularisation et la flexibilité du travail et des salaires. On a déjà attendu trop longtemps pour le faire en Autriche ».

En France, Libération s’est étonné de « l’ampleur du phénomène dans un pays heureux et entouré de pays amis, intégré à l’UE depuis 1995, profitant d’une croissance économique de 2,2 % et d’un taux de chômage de 4,4 % ». Le Figaro a titré sur « l’exception du cas autrichien et le surplace de l’extrême droite européenne ».

Si les médias français se sont étonnés du phénomène fasciste autrichien « dans un pays heureux profitant d’une croissance économique de 2,2 % », la réalité est quelques peu plus inquiétante en Europe au regard de pays comme le Danemark, la Hongrie, l’Italie, la Norvège ou la Suisse pour ne citer que ceux-là, où l’implantation des partis fascistes pèsent lourdement dans la vie politique institutionnnelle avec des scores électoraux avoisinant les 15 %. À n’en pas douter, la nécessaire lutte antifasciste se doit d’en finir avec toutes les frontières.

Patrick Schindler, Christophe Tzotzis, ­ Claaaaaash-FA Paris Bastille


Les tziganes déboutés du droit d’asile

Le temps des rafles est revenu en Belgique

Mardi 5 octobre à 17 h 50, un Tupolev slovaque s’envolait de l’aéroport militaire de Melsbroeck (Bruxelles) à destination de Kovice, en Slovaquie. Il transportait à son bord 74 réfugiés tziganes, déboutés du droit d’asile. C’était le premier « lot » des 450 Tziganes d’origine slovaque que le gouvernement belge a décidé d’expulser du pays.

Volontaires pour se faire expulser

Après avoir été rassemblés par la police de Gand et de Tirlemont, les familles tziganes ont été mises en détention dans le centre d’enfermement 127 bis de Steenokkerzeel, véritable prison de haute sécurité pour sans-papiers déboutés du droit d’asile.

Dans la journée du 1er octobre, le ministère de l’Intérieur a prétendu que les Tziganes s’étaient rendus de leur plein gré aux autorités et que tous acceptaient volontairement de retourner en Slovaquie.

Pourquoi, dans ce cas, les avoir enfermé derrière les grilles d’un centre fermé ? Si l’on devait croire Antoine Duquesne, le ministre de l’intérieur (libéral), le gouvernement n’arriverait plus à contenir le flot de candidats « volontaires » qui se pressent joyeusement aux portes des centres fermés pour se faire expulser. En réalité, les Tziganes furent victimes d’une machination, perfidement préparée par les autorités, pour procéder à leur expulsion forcée. La convocation qu’ils ont reçue était pour le moins fallacieuse : « Afin de compléter le dossier concernant votre demande d’asile, vous êtes invités, vous et votre famille, à vous rendre au bureau de police de Gand le 1er octobre. Dans l’espoir de pouvoir vous recevoir au jour dit, je vous remercie d’avance. Signé : le commissaire de police ».

Lorsque les tziganes se sont présentés à cette « invitation », convaincus que l’administration allait enfin faire avancer leurs dossiers en vue de régulariser leur situation, le piège s’est refermé sur eux : ils furent arrêtés et maintenus en captivité jusqu’au moment de leur déportation. Une lettre identique fût également envoyée par la police de Tirlemont (Flandre) et le même procédé avait déjà été utilisé par les autorités communales de la ville de Verviers (près de Liège) pour tenter d’expulser deux sans-papiers au mois de janvier de cette année (voir Alternative Libertaire Belgique nº 215, p. 11).

Face à de tels agissements, il n’est pas extravagant de faire remarquer que cette méthode avait également été utilisée par les nazis pour déporter des Tziganes et des Juifs dans les années 30 et 40.

Le bruit des bottes

Dans la soirée du vendredi 1er octobre où les Tziganes furent amenés au centre 127 bis, de nombreux manifestants se sont rassemblés pour protester devant les grillages du centre de détention. Parmi eux, se trouvaient plusieurs parlementaires, qui furent violemment refoulés par des pandores casqués, boucliers et matraques aux poings, alors que, selon la loi belge, les parlementaires sont censés bénéficier d’un droit de visite à tout moment dans tous les bâtiments appartenant à des institutions publiques.

Aux fenêtres des cellules, les prisonniers avaient accroché des draps blancs afin d’attirer l’attention. On pouvait entendre des cris d’enfants, provenant du centre, qui déchiraient les alentours. La colère des manifestants fut calmée par la gendarmerie, à grands jets d’eau d’autopompes. Les parlementaires ont fini par obtenir l’autorisation de pénétrer dans le centre où ils ont pu prendre quelques contacts avec les réfugiés et constater qu’ils avaient bel et bien été emmenés contre leur volonté.

Les Droits de l’Homme ? Le gouvernement belge s’en moque !

Le lundi qui suivit la rafle des Tziganes, la Cour Européenne de Strasbourg fût saisie en « extrême urgence » par une famille tzigane ainsi que par la Ligue des Droits de l’Homme, au nom des 450 autres Tziganes visés par ces mesures. Suite à ces requêtes, la Cour Européenne des Droits de l’Homme indiqua alors au gouvernement belge qu’il n’était pas souhaitable d’expulser les requérants vers la Slovaquie et invita les autorités à fournir les informations suivantes :
« 1.- Avant de décider de l’expulsion des requérants, les autorités ont-elles examiné l’allégation des intéressés selon laquelle ils seraient exposés au risque de traitements inhumains et dégradants en Slovaquie.
« 2.- Comment s’explique-t-il qu’il soit procédé à l’expulsion des requérants vers la Slovaquie, avant que le conseil d’État ait statué sur les recours qu’ils ont introduits le 3 août 1999 et qui tendent à l’annulation et au sursis à exécution de la décision par laquelle, le 18 juin 1999, le Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides leur a refusé le statut de réfugiés ? ».

Malgré la demande de la Cour Européenne, le charter de la honte est parti, comme prévu, à 17 h 50. Le ministère de l’Intérieur affirme n’avoir reçu la demande officielle qu’à 18 h 15, soit vingt cinq minutes après le décollage de l’avion de rapatriement.
Or, la RTBF (Radio Télévision Belge Francophone) diffusait l’information sur les ondes dès 17 heures. Le document avait été envoyé par fax vers 16 h au ministère de la Justice, qui a donc mis 2 h 15 avant de le transmettre à l’Intérieur.

Sans doute pour ne pas laisser son ministre de l’Intérieur s’empêtrer seul dans la confusion et pour éviter de donner une image désorganisée du gouvernement, le Premier Ministre Guy Verhofstad (libéral, lui aussi) a alors repris les choses en main en déclarant du haut de tout son mépris : « la demande de la Cour Européenne des Droits de l’homme ne présente aucun caractère contraignant ». Bref, en Belgique, les Droits de l’Homme, on s’en tamponne… royalement.

Écolo : du compromis à la compromission

Chez les Verts, on est légèrement embêté aux entournures. On peut, en effet, difficilement s’opposer à la politique d’expulsion des sans-papiers qui est actuellement pratiquée, tout en étant présent… au gouvernement. Il faut savoir que depuis les dernières élections du 13 juin, le gouvernement belge est constitué d’une curieuse coalition, dite arc-en-ciel, regroupant des libéraux (bleus), des socialistes (roses) et des écolos (verts). Or, lorsqu’on mélange ces trois couleurs, tout ce qu’on obtient, c’est une jolie couleur… caca d’oie.

Le secrétaire fédéral écolo, Jacky Morael, dans un courrier adressé samedi 2 octobre au Premier Ministre, se contente de critiquer uniquement « la précipitation avec laquelle le rapatriement est organisé ». Isabelle Durant, vice-première ministre écolo, ne parle, quant à elle, que de « dérapage ». Si Magda Aelvœt, Ministre Écolo de la santé, réclame une enquête, elle précise cependant qu’il convient "avant tout de respecter l’accord gouvernemental".

Cet accord gouvernemental prévoit l’expulsion de plusieurs milliers de réfugiés dans l’année à venir. Pour beaucoup de militants de base et de sympathisants Écolos, c’est l’écœurement. Certains parlementaires tentent malgré tout de poursuivre le combat, comme s’ils étaient toujours dans l’opposition. Autant dire que l’ambiance au sein du parti est des plus tendue avec les écolos gouvernementaux, partisans du « réalisme politique »"…

De son côté, le mouvement social continue à mobiliser l’opinion, notamment en manifestant ce dimanche 9 octobre devant le Centre fermé de Vottem (près de Liège) avec toujours les mêmes revendications : arrêt des expulsions, fermeture des centres fermés, régularisation des sans-papiers, liberté de circulation et d’installation. Visiblement, un an après l’assassinat de Sémira Adamu par des gendarmes qui tentaient de l’expulser manu militari, la situation des sans-papiers ne fait qu’empirer en Belgique avec cette première vague de déportation ethnique.

Gun et Babar
Alternative Libertaire Belgique


Dans la toile

Une aventure en forme de gâteau

Hotmail (homail.com), le fournisseur d’adresses électroniques anonymes, est tombé depuis un moment déjà dans la besace déjà bien ample de l’industriel William Gates. Or, on me signale que depuis quelque temps, celui-ci distribuait des petits gâteaux au goût amer, connus des initiés sous le nom de cookies. Aussitôt, je bondis sur mon navigateur et allais vérifier l’information et… me trouvais en mesure de la confirmer. Plus grave, sur une page (en anglais) nous expliquant comment aider notre ordinateur à digérer ces pâtisseries, on nous propose un liens nous permettant, si notre navigateur était trop obsolète, de le remplacer par un plus récent qui les acceptât — ces fameux cookies. Et ce navigateur, je vous le donne en mille, n’est autre que l’explorateur d’Internet commercialisé par… Microsoft (la société du Bill sus désigné) !!! Curieux, je me tournais vers Caramail (caramail.com) et découvrais que, lui aussi, distribuais des cookies ou vous refusait d’accéder à ses services. L’usage des cookies n’est pas répréhensible en soi mais devient inadmissible si elle est imposé, le fait méritait d’être signalé. Je vous conseille donc de vous tourner vers des fournisseurs moins avides, en particulier celui du toujours sympathique Valentin Lacambre (altern.org).

Quelques sites pour voir où en est la représentation anarchiste dans la toile. Domaine anglophone.
Le Mouvement pour l’anarchie (members.tripod.com/mfanarchy/) est surtout intéressant par ses portraits d’anarchistes du passé ou contemporains ; The Pierre-J. Proudhon Memorial Computer (flag.blackened.net/), quand à lui, est riche de liens vers des textes sérieux quoique de facture un peu trop classique à mon goût ; le site de Yanez (yanez.xnot.com/), un groupe musical croate se clamant anti-nazi, anti-étatique, etc. mérite aussi le détour par la fraîcheur de son ton ; et, pour finir, quelques bons liens au centre autonome d’Edimbourg (burn.ucsd.edu/ lothian/). Domaine francophone. Le plus simple semble de partir des liens d’Alternative libertaire (users.skynet.be/AL/liens/index.htm), le journal, et de surfer, surfer, surfer…

À bientôt dans la toile.

Blue Eyed Keyboard
samal95@aol.com


Rosetta

Au début, le bruit furieux de pas accélérés, des portes qui claquent, une personne vêtue d’un bonnet hideux et d’une blouse de travail marchant comme une forcenée. Quelqu’un qui aimerait semer ses poursuivants ne s’y prendrait pas autrement ! C’est tout le contraire qui se passe. C’est elle qui poursuit quelqu’un. Quelqu’un qui aura du mal à se soustraire à sa colère, à se sortir sain et sauf de ses griffes désespérées. Rosetta est ainsi.

C’est elle qui s’accroche, c’est elle qui ne lâchera pas. Dès les premiers plans, tout est donné. Sa course éperdue à travers bois, ses ruses pour survivre, les pièges dressés et inspectés quotidiennement pour attraper peut-être un poisson. Aucun autre bruit ne parasitera ses déplacements incessants. Son souffle est sa carte de visite, sera le pouls du film.

L’apaisement viendra de l’unique moment où elle peut baisser la garde. Elle est sous les ordres de quelqu’un qui sait et lui dit ce qu’il faut faire. Tant de kilos de farine et tant de litres de lait… le bonheur est une idée neuve en Europe… et puis la chute, la déception, la haine, la trahison. Le réel tranche dans le vif, documente sa lente descente en enfer. Être sans travail, c’est être sans, complètement sans secours, c’est être dépouillé, sans dignité et sans parole. Accrochée à une bouteille d’eau, avec une tétine pour grandes personnes, Rosetta ne peut que réagir ? en enfant ? à des situations qu’on lui impose. Elle veut trouver sa place, c’est ce qu’elle veut, rien d’autre. Trouver quelqu’un à qui parler, c’est un luxe dont elle se méfie. Ce film, sans paroles ou presque donne la parole à sa détresse.

Le succès de Rosetta reposera essentiellement sur trois facteurs : l’interprète Émilie Dequenne, un visage neuf, des yeux, un regard intense, le rythme que les frères Dardenne lui imposent, le traitement « révolutionnaire » du son et de la parole. Le cinéma documentaire basé sur une observation précise des gestes humains et le respect de la personne entre ainsi dans notre imaginaire, réincarnant le réel. Rosetta n’a beau être qu’une petite vendeuse de gaufres avec une mère alcoolique, son authenticité nous bouleverse. Ainsi l’éthique documentaire a gagné le cinéma.

Heike Hurst (« Fondu au Noir »)


Le rock latino entre deux eaux

Si vous aimez la musique latino-américaine, vous avez le choix entre la salsa, le tango, la flûte des Andes et quelques groupes et chanteurs engagés. La culture latino-américaine souffre des clichés dans lesquels les sociétés européennes et nord-américaines ont voulu (dans une vision ethno-centrée) l’enfermer : exotisme torride, roucoulades, néo-folklore calibré pour des oreilles occidentales, langueur et nostalgie du tango.

Pourtant, l’Amérique latine révèle bien des trésors musicaux introuvables dans les bacs, notamment du rock, du blues, du jazz ou du rap !

Et si les groupes de rock latino font finalement la « même » musique que ceux du Nord, il n’en demeure pas moins que celle-ci est empreinte de leur réalité culturelle métisse, politique et sociale. « Pourquoi chanterait-on en anglais, en Colombie, tout le monde parle espagnol ! » claironne Andrea d’Aterciopelados, ex-punkette de Bogota, reconvertie à la pop-rock, dont les textes prônent l’égalité des sexes, l’émancipation de la femme et racontent la soif de paix des habitants de ce pays miné par les affrontements entre l’armée, les paramilitaires et les guérillas....

La revendication identitaire passe aussi par des reprises du folklore local (Los Tres du Chili, et leurs hommages à Roberto Lalo Parra et à la cueca, côtoyant le jazz et le rockabilly), de la chanson traditionnelle (Los Divididos et leur superbe reprise de « El arriero » d’Atahualpa Yupanqui) ou encore dans l’intégration de rythmes et d’instruments « traditionnels » (violons mariachis pour le Rap-mariachi de El Gran Silencio), samples de Salsa pour le trash de Victimas del Doctor Cerebro....

Au-delà de la « défense » d’une « identité latino-américaine », le contenu social et politique est de plus en plus grinçant, comme en témoignent les paroles de « Señor Cobranza », interprété par Bersuit Vergarabat (Argentine), qui fustige la corruption et la déliquescence du régime Menem, ou les raps de Panteras Negras qui vomissent sur la culture chilienne actuelle, « culture des militaires de merde » ; on pourrait également citer Tijuana No ! (Mexique) qui, dans Contra Revolution Avenue, rend hommage aux guérilleros du Tupac Amaru assassinés par l’armée péruvienne dans l’ambassade du Japon de Lima, ainsi qu’au Mouvement des Sans Terre du Brésil ; ou encore los Rabanes All Stars qui chantent « Colonia americana no ! » ; pour des Panaméens et alors que les États-Unis quittent la zone du canal, cela prend tout son sens ! Les Argentines d’Actitud Maria Marta, filles de disparus de la dictature, rappellent vertement que « ce sont les mêmes fils de pute qui, quand ils l’ont pu, se sont tus. Modérés au dos rond et aux couilles molles ».

La revanche des latin lovers ?

Les concerts de certains de ces groupes drainent plusieurs milliers de personnes régulièrement. Et même si le temps de l’auto-production semble révolu pour eux, certains s’accrochent encore à ce mode de fonctionnement comme Los redonditos ou Todos Tus Muertos et Lumumba… les autres ayant choisi de signer sur des majors (BMG et SONY) sans, pour l’instant, perdre leur âme.

Au moment où la culture chicana et plus largement hispanic explose aux USA et que les groupes rock latinos (Fabulosos Cadillacs, Bersuit, Café Tacuba, Control Machete, Molotov) y connaissent un réel succès, MTV Latino redresse la barre ! Paradoxalement, la chaîne américaine avait favorisé l’émergence et la diffusion des nouvelles tendances musicales latino-américaines et permis la tenue d’excellents concerts acoustiques (suivis d’albums non moins excellents), peut-être pour accompagner les mutations des dictatures en social-démocratie (blindées et corrompues) ? Illustration parfaite de l’adage libertaire : « la dictature c’est ferme ta gueule, la démocratie c’est cause toujours ». MTV Latino vient donc de changer sa programmation. Exit les trublions du Sud, vive les latin lovers à la Ricky Martin ! Corps bronzés à souhait, chemise ouverte, tête de gentil garçon, susurrant des bleuettes ineptes pour adolescentes. C’est le retour et la diffusion à grande échelle de ce que la musique latino fait de pire : la « canción romantica » (la chanson d’amour) avec tout ce que cela suppose de stéréotypes tant il est vrai que dans tout macho sommeille un indécrottable romantique ! La dynastie Iglesias et ses clônes a-t-elle de longs jours devant elle ? Pas si sûr. Gageons que, même sans l’appui de MTV, le rock latino-américain continuera d’innover musicalement et de s’ouvrir aux autres cultures sans cesser de dénoncer les situations souvent iniques que vit la population. En cela, il a un rôle à jouer !

Ima Llumpay

Un site pour les internautes curieux : http://www.rockeros.com/regular.htm


Tournée de concerts de soutien au Navajos

Contre la loi du profit…

En 1888, le gouvernement américain créait un système de réserves avec un ton très paternaliste cachant un impérialisme culturel et politique que certain(e)s nommeront assimilation. Au fil des années, avec une forme de résignation qui se répandaient, le gouvernement créa les conseils tribaux qui ont un rôle de cogestion d’une exploitation bien réelle. Et dans la région de l’Arizona, c’est ces mêmes conseils tribaux qui signèrent des contrats d’exploitation de mines avec Peabody Coal (2e entreprise en production de charbon au monde). Et comme en Afrique du Sud cette entreprise, soucieuse de développer des marges de bénéfices toujours plus importantes, exploite des mines de charbon à ciel ouvert avec les conséquences écologiques que l’on peut imaginer : en 30 ans un des plus grand réservoir d’eau potable des États-Unis est passé de 15 mètres de profondeur à 100 mètres. Mais afin de permettre plus de liberté d’actions aux multinationales, c’est par tous les moyens (clôtures de barbelées, loi interdisant toutes nouvelles constructions ou rénovation, menaces d’expulsions, nouvel impôt…) que le gouvernement tente d’expulser ces groupe indiens. En 15 ans 14 000 personnes se sont résignées à partir. Malgré les différentes pressions, la pollution provoquée par l’exploitation minière (eau, végétation détruite…) des habitants refusent le pouvoir des trusts… Une tournée de solidarité du groupe Navajo (hardcore-punk) et de la famille Jones Benally (danse traditionnelle) est organisé Ivry le 8 octobre, Paris le 10 et 11, le 13 Angers (l’Étincelle), le 14 Nantes, le 15 Bordeaux, le 19 Saint-Étienne, le 29 Strasbourg.... Le 14 à Nantes un lieu sera ouvert pour cette occasion (pour toute information téléphonez le 14 au 06 11 87 38 33).

Théo Simon, ­ groupe FA Nantes


Limoges

Succès de la fête des résistances sociales

Pour sa deuxième édition, cette journée organisée, comme l’année dernière par toutes les composantes importantes du mouvement social de Limoges a connu un relatif succès. Succès par le nombre de participants aux débats, spectacles et repas, relatif car à la différence de l’année dernière il n’y a pas eu de manif précédant la fête. Néanmoins beaucoup d’organisateurs et de participant de cette journée avaient accompagné la marche des Sans papiers deux semaines auparavant, lors de sa traversé du Limousin, et auraient aimé être à leur coté lors de leurs arrivé à Paris ce même samedi 2 octobre.

Ce genre de journée à la qualité de ses défauts, elle rassemble l’ensemble des révolutionnaires impliqués dans les mouvements sociaux, mais aussi nombre de réformistes impliqués dans ces mêmes mouvements sociaux. Les organisateurs depuis deux ans préfèrent à plusieurs tables de presse tenues par chaque organisation, une seule et immense qui met en valeurs le contenu des ouvrages quelle que soit la maison d’édition.

Les débats successifs, le premier avec Pierre Rousset sur l’internationalisme et le second avec Claire Villier et un membre du Réseau « No Pasaran » sur le chômage, ont été intéressants par leur critique de l’état actuel des choses. Mais là encore, si la nécessité d’un nouveau projet politique est entendue, sa nature est tût : révolutionnaire ou néo-réformiste ? C’est pourquoi les libertaires et les révolutionnaires en général très présents dans l’organisation, devraient aussi affirmer un peu plus dans les débats l’objectif d’une alternative sociale.

La Fédération anarchiste est désormais présente sur Limoges, pour le grand plaisir des copains de la Creuse et de la Corrèze. Variante des journées anticapitalistes, qui ont eu lieues à Poitiers et à Angers, la fête des résistances sociales est le reflet du contexte politique de Limoges et doit se poursuivre.

Cyrille