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Pepito Rosell nous a quitté

Le jeudi 14 octobre 1999.

Place de la République, à Paris, je cours vers la rue du Château d’Eau par un pluvieux après-midi automnal. Arrivé à l’angle avec Magenta, je m’engouffre dans les escaliers de la Bourse du Travail pour aller au premier étage, à la commission administrative.

« Salut grand ça va ? » me lance Pepito qui tenait la permanence pour les réservations de salles. L’objet de ma visite, une réunion impromptue un samedi matin, résolu, je serre des mains amies et prend une chaise. Chaleureuse atmosphère dans la vieille bâtisse du mouvement ouvrier parisien. Comme souvent le camarade Rosell avait la visite de militants du mouvement libertaire espagnol comme du français. Anciens de la CGT-SR, des cercles syndicalistes lutte de classe, de la CNTE conversaient, débattaient des problèmes d’actualité comme du temps passé. Le quidam syndicaliste venu pour réserver une salle pouvait entendre des discussions âpres sur la révolution espagnole, sur la scission de la CGT à la libération ou (déjà) sur la réduction du temps de travail et la revalorisation du smic…
Tout cela, c’était il y a un peu plus de vingt ans, et au début de ce mois, nous apprenions que Pepito Rosell nous avait quitté, non loin de l’île d’Oléron et de Bonaventure.

Né le 1er octobre 1918 dans le nord de la Catalogne, il militât tôt dans les jeunesses libertaires (FIJL) puis à la CNT. Après 39, il fut interné comme beaucoup de réfugiés espagnols dans le camp d’Argelès, comme d’autres, il s’impliqua dans la résistance française, particulièrement dans les réseaux de Bretagne. C’est d’ailleurs dans ces circonstances, à Saint-Malo, qu’il rencontra Suzy Chevet, dont il épousera, à la Libération, la fille, Claudette.

La suite est connue des militants de la région parisienne du groupe de l’Ouest au groupe Louise Michel pour le mouvement français, de la CNT en exil à Frente libertario et ensuite aux groupes d’affinité confédérale et libertaire pour le mouvement espagnol. Les années 50 le virent quitter la CGT pour renforcer la minorité anarchosyndicaliste de Force ouvrière. Ce qui l’amènera dans la fin des années 70 à être secrétaire adjoint de la Bourse du travail de la rue du Château d’Eau. Je rencontrais souvent Pepito dans des réunions libertaires mais ce qui restera dans mon cœur, ce sont ces contacts chaleureux où nous refaisions un monde nouveau à deux pas de lieux où les communards avaient affronté les Versaillais pour les mêmes idéaux. Voilà, salut Pepito ! Et salut fraternel et ému à ses enfants Thyde, Wally et Ninon, tout comme Claudette, sa compagne, militant aussi dans les mouvements libertaires et syndicalistes.

Thierry Porré

Post scriptum : Une incinération a eu lieu à l’île d’Oléron, le samedi 16 octobre, on se réunira à 11 heures au mur des fédérés du cimetière du Père-Lachaise