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articles du ML1236

du 15 au 21 mars 2001
Le jeudi 15 mars 2001.

https://web.archive.org/web/20031025131205/http://www.federation-anarchiste.org/ml/numeros/1236/index.html

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La ville est à nous

Un logement pour tous

Pour le cortège de plus en plus long des « sans », sans papiers, sans domicile, sans emploi, parfois dépourvus de tout cela à la fois, la litanie électorale n’apporte pas de perspectives nouvelles. Comme à leur habitude jouant la carte du tout sécuritaire, les candidats de gauche et de droite préfèrent ne pas traiter des injustices que leur gestion du système économique n’a de toute façon pas vocation à réduire. Les 500 000 sans domicile fixe ou les sans-papiers contraints de squatter des églises au grand dam du clergé ne sont pas des électeurs potentiels. Certains ont pourtant eu à cœur de rappeler aux futurs maires la misère dans laquelle les laisse aujourd’hui la gestion capitaliste des logements.

La cité interdite aux pauvres

Soutenues par le DAL, 40 familles se sont installées dans un immeuble inoccupé du 15e arrondissement de Paris dans un secteur ou plus de 10 000 logements sont laissés vides par la spéculation immobilière. Ces familles en étaient soit réduites à squatter des immeubles insalubres dont elles ont été au préalablement chassées, soit forcées à camper au bois de Boulogne pour que les propriétaires puissent continuer à faire payer des loyers mirobolants en maintenant la pénurie. Le fait que le logement soit un droit ne change rien à l’affaire tant la volonté de maintenir des profits immobiliers et d’entretenir la ségrégation est forte pour les propriétaires et les dirigeants politiques.

Tout au plus acceptent-ils de parquer ceux qui sont dans le besoin dans des foyers ou règne la promiscuité, histoire de bien faire sentir à ceux qui paient un loyer le « privilège » dont ils jouissent. Et ils sont effectivement de moins en moins nombreux, ces « privilégiés » à pouvoir payer 100 FF le mètre carré en présentant les multiples garanties qui ouvrent les portes au logement. De fait, beaucoup doivent renoncer aux centres urbains, lesquels ne sont souvent pas pourvus en logements sociaux.

Des lois existent qui sont censées remédier à cette situation. La loi de réquisition de 1945 par exemple, celle de 1991, loi d’orientation pour la ville. Cette dernière prévoyait que les communes de plus de 200 000 habitants possèdent au minimum 20 % de logements sociaux.

La mixité sociale : un vœu pieux

Plus récemment la loi Gayssot votée en novembre 2000 reprend le même credo. Pourtant quelque 164 000 logements manquent toujours. Et pour cause, les élus de droite comme de gauche semblent plutôt réticents à mettre en place de telles mesures, sans doute parce qu’elles concernent des communes où les habitants ne veulent pas voir la pauvreté s’installer. Il faudra plus que la menace d’une amende brandie par l’État pour convaincre les habitants de Neuilly de voir leurs chères têtes blondes fréquenter les mêmes établissements scolaires que les enfants de prolétaires.

On sait par ailleurs que dans ces havres de tranquillité que se réserve l’élite, les logements HLM sont souvent occupés par leurs pareils. Que ce soit à Paris ou à Suresnes dans les Hauts-de-Seine, des proches de la municipalité ont pu racheter des logements HLM entièrement rénovés à moitié prix, suivant une loi de 1994 initialement prévue pour permettre aux revenus modestes d’accéder à la propriété. La rénovation de ces bâtiments aura coûté 1,9 million aux contribuables !

La ville à deux vitesses

La rareté locative est en réalité orchestrée par les capitalistes dans le but de maintenir des profits juteux dans l’immobilier. Les municipalités ont souvent intérêt à ne pas contrarier les riches habitants ou les entreprises dont dépendent les impôts locaux. Une réelle mixité sociale risquerait également de changer la donne électorale ce qui explique que beaucoup de maires sortants ne veulent pas en entendre parler. La destruction spectaculaire de quelques tours ou la rénovation au compte-gouttes des quartiers à risque ne fait que donner l’illusion de la fin des ghettos. Les politiques urbaines sont un cache misère alors qu’on continue à chasser des centres urbains les foyers modestes pour y installer des bureaux d’affaire ou des logements rénovés qui deviennent inaccessibles aux faibles revenus. Les révoltes dans les quartiers défavorisés sont devenues une réalité endémique ces dernières années et tous les contrats locaux éducatifs ou policiers n’enrayeront pas un phénomène qui prend sa source dans une ségrégation à tous les niveaux. Les dirigeants politiques, eux, veulent seulement neutraliser les zones où se concentre la misère par un quadrillage sans faille des quartiers.

Expropriation et autogestion

Face à ce tableau peu réjouissant, il nous appartient d’imposer aux élus et aux spéculateurs l’expropriation des logements vides, la construction d’un habitat confortable pour tous. Alors que la logique de mixité sociale ne fait qu’avaliser les inégalités économiques et sociales, par l’action directe des associations et des comités de quartiers nous pouvons peu à peu construire un rapport de force seul à même d’imposer nos choix. C’est d’autant plus nécessaire que les politiques de la ville se mènent essentiellement derrière notre dos dans le cadre des politiques inter-communales sur lesquelles nous n’avons aucun contrôle.

Loin d’une politique de quotas, il faut réaffirmer la liberté des individus de vivre où ils l’entendent avec un logement adapté à leur besoin en empêchant de nuire les huissiers et tous les vautours du libéralisme triomphant.

Jean. — groupe Kronstadt (Lyon)


Journée mondiale de mobilisation contre l’industrie pharmaceutique

À bas les brevets !

Le 5 mars 2001 était la date d’ouverture, à Pretoria, du procès intenté au gouvernement sud-africain par une coalition de 40 laboratoires pharmaceutiques. Ceux-ci lui reprochent d’avoir envisagé d’appliquer les dispositions légales des accords de l’OMC, mises sur pied pour améliorer l’accès aux traitements contre le sida pour les 4,2 millions de séropositifs du pays ! C’est pourquoi les activistes sud-africains de Treatment Action Campaign ont appelé à une journée mondiale de mobilisation contre l’industrie pharmaceutique.

C’est pourquoi Act-UP-Paris a répondu à cet appel à la mobilisation générale. Ils soutiennent par là les séropositifs vivant dans les pays du Sud (1). Mais les griefs envers les laboratoires sont innombrables, pour les malades vivant au Sud comme au Nord.

L’industrie pharmaceutique doit payer !

Face aux profits monstrueux, qui font de l’industrie pharmaceutique la plus rentable du monde (la situation de monopole que leur confèrent les brevets leur épargne toute concurrence pendant 20 ans). Nous sommes en droit d’attendre quelques contreparties :

Au Nord,
L’amélioration des traitements pour réduire leur toxicité. En effet, les traitements antirétroviraux sont d’une toxicité jamais égalée. Pourtant l’industrie pharmaceutique persiste à nier ces effets indésirables et refuse de travailler à l’amélioration de produits qu’elle met sur le marché.

La mise à disposition précoce de nouvelles molécules pour les malades en échappement (entre 5 et 10 % des malades du Nord ne répondent plus suffisamment aux traitements disponibles sur le marché).

Au Sud,
La baisse drastique des prix des médicaments de marque. Ces médicaments sont inaccessibles pour les pays du Sud. Les seules réductions tarifaires consenties (comme au Sénégal, en Ouganda et bientôt au Rwanda) sont des effets d’annonce pour une durée limitée de 5 ans. Par ces concessions mineures, les laboratoires occidentaux prennent en otage les gouvernements africains.

Le respect des rares garde-fous des accords de l’OMC qui améliorent l’accessibilité des médicaments. Le Brésil et l’Inde produisent déjà des versions génériques de 5 médicaments antirétroviraux à des coûts jusqu’à 30 fois inférieurs. Pour étouffer cette industrie prometteuse qui remet en cause le monopole des laboratoires occidentaux, les industries pharmaceutiques multiplient les pressions et n’hésitent pas à bafouer les lois. Les États-Unis ont intenté un procès au Brésil devant l’OMC. Le 5 mars dernier, une coalition de 40 industries pharmaceutiques intente un procès à l’Afrique du Sud pour avoir envisagé d’appliquer des dispositions des accords de l’OMC.

Arc-boutés sur leurs privilèges et leurs monopoles, les industries pharmaceutiques ne feront aucune concession. Il ne s’agit pas de s’entendre avec ces laboratoires qui ont fait du profit sur nos vies pendant 15 ans, il faut les contraindre : il faut qu’ils payent leur dette !

Boycottons leurs produits

C’est pourquoi, Act-Up Paris exige des institutions internationales qu’elles abolissent les brevets partout où ils tuent.

Act-Up exige que les industriels du sida vendent à prix coûtant les antirétroviraux aux pays du Sud, sans aucune contrepartie et sans aucune limitation de volume ni de durée et qu’ils répondent aux exigences des malades du Nord. Qu’ils cessent enfin leurs pressions sur les pays qui tentent d’avoir recours au médicaments génériques.

Patrick Schindler. — Claaaaaash

(1) NdR : Les anciens pays du tiers monde. On doit au bon goût libéral d’avoir changé le nom des pauvres ! Avant, on parlait aussi de pays sous-développés. Mais les économistes sont des gens sensibles… dans les intentions symboliques et dans les mots. Mais, quand il faut s’approprier les richesses, il font moins de manières !


Racisme et sexisme : Non !

Toutes ensemble, avec ou sans papiers !

21 mars, journée internationale contre le racisme, nous, femmes européennes ou résidentes en Europe, dénonçons le sort réservé aux femmes immigrées en Europe. Cette Europe-forteresse ferme ses frontières et reconnaît de moins en moins de droits aux femmes migrantes.

Nombreuses sont celles qui sont exposées à la surexploitation, aux violences, à des formes nouvelles d’esclavage, contraintes à vivre dans la précarité, et courant le risque d’être victimes de proxénètes.

Subissant des lois discriminatoires, des violences, des guerres, voire des menaces directes contre leur vie et leur intégrité dans leur pays d’origine, ces femmes sont confrontées en France et en Europe aux soupçons, à l’arbitraire administratif et à l’exclusion.

Au gré des alternances gouvernementales et des enjeux électoraux, les lois et la réglementation françaises sont devenues de plus en plus complexes et restrictives et leur application de plus en plus arbitraire. Des accords signés entre la France et d’autres états, comme l’Algérie, provoquent des injustices supplémentaires.

Les femmes qui ont quelques chances d’obtenir un titre de séjour sont celles qui sont parrainées par un père ou un mari, sans lequel elles n’ont aucune existence légale. Les lois françaises entérinent l’état de dépendance et de subordination des femmes. Certaines femmes vivant en France depuis de longues années n’obtiennent pas le droit au séjour, même celles qui ont des enfants nés en France. Les personnes étrangères en situation régulière demeurent privées des droits politiques, exclus d’un tiers des emplois dont ceux de la fonction publique, et subissent des discriminations dans le logement ou à l’embauche. Le racisme au quotidien, la ségrégation dans les quartiers frappent davantage les femmes qui sont en outre confrontées aux préjugés sexistes et se voient cantonnées dans des emplois précaires et exposées à différentes formes d’exploitation.

Ensemble, Françaises ou étrangères, immigrées, enfant d’immigrées ou non, nous voulons que vive l’égalité, et que soit reconnue la richesse de nos diversités.

Nous voulons :
• la libre circulation, la régularisation de toutes et tous les sans-papiers,
• la suppression des centres de rétention et des zones d’attente, véritables espaces de non droit,
• la reconnaissance du droit d’asile pour les femmes victimes de toutes les formes de persécutions sexistes et sexuelles,
• le droit de vivre, de travailler, d’étudier, l’égalité des droits, la citoyenneté, pour tous et toutes, sans discrimination.
Rassemblement mercredi 21 mars 2001 de 17 à 19 heures, Fontaine des Innocents Métro : les Halles

Collectif National pour les Droits des femmes.
Commission « Toutes Ensemble »

21 ter, rue de Voltaire. 750111 Paris. e-Mail : rajfire@wanadoo.fr


Portraits de femmes sans frontières

Au moment où la condition féminine soulève de nombreuses questions à travers le monde, diverses initiatives se développent afin de faciliter entre les femmes une concertation mondiale directe sans frontières et à tous les niveaux. L’une des principales barrières est celle des langues.

Au Japon, pour la Journée internationale de la Femme célébrée à Hiroshima, des messages de soutien et d’encouragement ont été reçus en espéranto de France, d’Espagne, d’Islande, d’Italie, du Costa-Rica, des Pays-Bas, de Slovaquie, de Yougoslavie et du Vietnam malgré un appel lancé trop tardivement, donc peu répercuté.

Il se trouve qu’au même moment paraît la cinquième édition en espéranto du roman Marta d’Eliza Orzeszkowa (1841-1910) aux éditions KLEKS, l’un des principaux éditeurs polonais d’ouvrages scolaires, et ceci en même temps que Le Tambour du prix Nobel Günter Grass, aussi en espéranto.

Marta est un témoignage émouvant sur la condition féminine de cette époque. Malgré l’évolution des mœurs, ce roman conserve, hélas, une grande part d’actualité. Il a été traduit en 15 langues. Par sa traduction en espéranto, utilisée comme langue-pont pour la traduction en d’autres langues, il suscita un grand intérêt, notamment en Suède où il favorisa une prise de conscience sur la condition féminine, mais aussi en Chine, où parurent deux traductions, et surtout au Japon où il inspira des arguments en faveur de l’émancipation féminine, une étape vers les droits de la femme. Il mérite d’être découvert ou redécouvert. La traduction est du Dr Zamenhof en personne qui avait ainsi voulu servir la cause des femmes. Le rôle des femmes dans la mise de l’espéranto au service des causes sociales est esquissé sur les pages web de SAT-Amikaro : <http://www.multimania.com/satespera...> . Ce document existe aussi sous forme de fiche thématique disponible chez SAT-Amikaro, 67, avenue Gambetta, 75020 Paris.

Service de presse de SAT-Amikaro


Fait d’hiver

De la dialectique du maître et de l’esclave

C’était en 1978. Juste à coté de la centrale nucléaire de Braud Saint-Louis. Il était venu à la manif. Il avait 45 ans. Il était ouvrier agricole. Il travaillait 7 jours sur 7 et 365 jours par an. Il avait juste le dimanche après-midi de libre. Il dormait dans l’écurie. Il gagnait cent francs de l’époque par mois. Mais, comme il disait « je suis en plus logé, nourri et blanchi ».

Il était content de son sort. Sa seule crainte c’était les communistes. Il avait peur pour sa mobylette bleue.
Elle a 2 ans. Elle est malgache. Elle travaillait chez un couple des Yvelines comme bonne à tout faire. 17 heures par jour. Pour 500 FF par mois. Elle dormait sur un matelas de mousse posé dans la salle de bain.
Elle a craqué au bout de deux ans et a porté le pet.

Mais ils et elles sont combien a ne pas se révolter et à se résigner voir a se satisfaire de leur situation ?
De là a en conclure que, il y a cependant un pas que franchissent par trop souvent certains radicaux qui se gaussent du dérisoire des droits de l’homme.
No comment !

Jean-Marc Raynaud


Montpellier

Une grève en février et mars à l’université Paul-Valéry

Depuis le mercredi 21 février, les Assemblées générales se sont succédées à l’Université Paul-Valéry. Une grève a même été votée par les étudiants en AG le lundi 26 ainsi que des piquets de grève le mardi 27. La première Assemblée générale était organisée par une intersyndicale du SEUL, de l’UNEF et l’UNEF-ID sur les questions de budget (avec un risque possible d’une fermeture d’une partie de la fac ou même de la fac en septembre prochain), de manque de profs, de locaux, de personnels IATOSS et la réforme de l’enseignement supérieur mais bien vite les revendications se sont élargies : la réévaluation du montant et des critères d’attribution des bourses, l’égalité des droits entre étudiants étrangers et français, le maintien du cadre national des diplômes, le maintien de la session de septembre, l’arrêt de casse du service public et l’arrêt de la privatisation de la fac…

Les Assemblées générales ont regroupé dès le départ plus de participants qu’en novembre-décembre 1998 (mouvement de grève contre le plan U3M) : 150 le 21, 300 le 22, 400 à 500 le 26, 400 le 27 et 2000 le 28. Le mouvement des étudiants en psychologie en décembre dernier, la fermeture de la fac pendant une journée au mois de décembre, le mouvement des Arts Plastiques en février et surtout l’annonce par la présidente de la fac de la fermeture de l’Université devant les journalistes avec deux motions votées au Conseil d’administration (refus de voter le budget donc tutelle du rectorat et fermeture des bâtiments anciens — c’est-à-dire la moitié — en septembre si il n’y a pas assez de budget pour les mettre aux normes de sécurité) expliquent le pourquoi de cette mobilisation plus importante.

Menaces policières

4 manifs ont déjà eu lieu et ont regroupées 100 personnes le 23, entre 500 et 1000 le 28, 1000 le 29 et 2500 le 7 mars où nous avons défilé avec les profs et le personnel IATOSS en grève de la fac de lettres, en passant devant le rectorat, jusque devant la Chambre de Commerce et d’Industrie où a été brûlé le cercueil représentant la mort de l’Université Paul-Valéry. À signaler que les manifs du 23 et du 28 ont été décidées spontanément en Assemblée générale sans prévenir la préfecture et que les policiers ont fait plusieurs fois pression sur le Service d’ordre de la manif pour dégager les voies de tramway en menaçant de nous charger, ce que le SO nous a fait faire le 28, mais aussi en donnant l’ordre au SO, ce que le SO nous a répété en nous donnant l’ordre de dégager le 29 février la deuxième entrée du rectorat alors qu’avait été votée le blocage du rectorat. Bien entendu aucune des menaces policières n’a été rendu compte aux manifestants et aux Assemblées générales et le Service d’ordre a servi sans cesse de courroie de transmission des ordres de la police et de négociation avec la police sans que ceci ne soit ensuite répété aux principaux intéressés : les étudiants mobilisés.

Deux opérations « péage gratuit » ont eu lieu à deux jours d’intervalles. La deuxième fois, la gendarmerie est intervenue en voulant arrêter un étudiant et ils ont verbalisé tous les conducteurs présents dans cette action pour mauvais stationnement (230 FF d’amende pour chaque conducteur). Un appel à la grève nationale et à une manifestation nationale lancée à toute les universités de France est prévue pour le mardi 13 mars. Seul Metz pour l’instant est aussi en grève et le mouvement risque de s’essouffler si il ne se développe pas dans d’autres villes. Le manque de mobilisation des étudiants dans l’organisation de la grève risque aussi de jouer son rôle, risquant par là une manipulation du mouvement et de fatiguer encore plus les étudiants présent sur tous les terrains de la mobilisation.

Yann. ­ étudiant en grève et
David. ­ groupe Un Autre Futur de la Fédération anarchiste (Montpellier)


Marseille

Droit au logement pour tous

Vendredi 2 mars 2001, après l’échec des négociations avec le représentant du préfet, le DAL, les familles, les célibataires, le comité de soutien et les personnes présentes devant la préfecture sont parties autoréquisitionner, les locaux vacants depuis 1994, de l’assistance publique de Marseille, 9, rue Lafon, à deux pas du lieu de rassemblement.

Cet ancien hôtel particulier de la fin du XIXe est suffisamment grand pour accueillir les familles et les célibataires en lutte depuis un an et demi avec le DAL et prouve ainsi qu’il y a à Marseille encore des logements vacants utilisables pour accueillir les sans-logis et les mal-logés.

Nous demandons l’application de la loi de réquisition par Monsieur le maire ou Monsieur le préfet pour régulariser leur situation d’occupants sans titre ou de les reloger dans des logements décents et correspondant à leur besoin.

Si ces familles en sont venues à camper dans des conditions particulièrement éprouvantes pendant onze jours devant HMP, c’était pour que ce logeur « social » tienne ses promesses de relogement. C’est aussi parce qu’elles refusaient d’habiter plus longtemps dans des taudis. C’est pourquoi elles occupent un très spacieux ancien hôtel particulier qui, après quelques travaux, sera très confortable et bien situé !

Elles en sont venues là parce qu’à Marseille, on démolit des logements sociaux et on en construit 3000/an et répartis en priorité dans les arrondissements qui n’en comportent que très peu. Quatre arrondissements concentrent 60 % du parc social !

Le DAL et le comité de soutien lancent un appel à tous les citoyens pour venir nous aider sur ce lieu symbolique « d’assistance publique ».

Nous demandons aux pouvoirs publics d’appliquer les lois qui reconnaissent le droit fondamental à un logement décent pour tous.

Comité de soutien de l’immeuble de la rue Lafon


35 heures dans le secteur de la santé et du social

L’heure du bilan

La CNT a, depuis le début, analysé les 35 heures comme une mesure visant à accroître la flexibilité. La CFDT, au contraire, a considéré cette RTT comme une avancée sociale. Cela rend encore plus intéressantes les conclusions de l’enquête menée par cette centrale syndicale sur l’application des 35 heures dans 300 établissements sanitaires et sociaux, relevant à 90 % de la convention collective de 1966. On y apprend ainsi que dans 65 % des établissements la durée journalière du travail dépasse 10 heures, et que dans 10,5 % d’entre eux cette durée dépasse même les 12 heures quotidiennes. De plus « l’amplitude de la journée de travail n’est pas (mieux) respectée pour les temps partiels ».

Par ailleurs, 19 % des établissements ne respectent pas le repos légal quotidien de 11 heures. Et pour ce qui est de ceux qui bénéficient d’une dérogation abaissant ce repos quotidien à 9 heures, 21,8 % n’offrent pas les deux heures de repos compensateurs prévues par l’accord de branche. Enfin, pour bien des salariés, ces 35 heures accroissent la flexibilité. En effet, 40 % des externats et internats de semaine utilisent désormais la modulation des horaires.

Quand aux internats, ils rythment majoritairement leur travail en cycles. Dans de nombreuses boîtes, cela se traduit par la virtualisation des congés trimestriels par exemple. Pour ce résultat fallait-il vraiment accepter un gel des salaires sur trois ans, la suppression du supplément familial et une baisse déguisée du salaire (pas d’augmentation du taux horaire mais une « indemnité RTT ») ?

CNT-AIT de Besançon

c/o CESL, BP 121, 25014 Besançon cedex.
Source ASH nº 2202


Dans la Toile

Les Festivals des Résistances et des Alternatives vont se dérouler dans plusieurs villes de France (http://resiste.net/accueil.html) au cours du mois de mars 2001 (Angers, Bayeux, Brest, Dijon, Gap, Grenoble, Lyon, Paris, Rennes, Saint-Etienne). À Grenoble, cette année, l’initiative du Festival des Résistances et des Alternatives au Kapitalisme (fraKa) se voit donc renouvelée pour sa troisième édition. Le festival fraKa 2001 se déroulera cette année du 19 au 24 mars 2001.

Après le succès de la 19e Anarchist Bookfair à Londres et celui de son pendant hollandais à Utrecht, un tel événement plus près de nous s’imposait (http://www.xs4all/~verdan/aboek). Les amateurs de la littérature sans dieu ni maître trouveront une belle sélection de livres à Gand le 17 mars lors de la première Foire Internationale du Livre Anarchiste. La foire, qui espère montrer la richesse de la pensée et de l’imaginaire libertaires, donnera à des éditeurs et des distributeurs anglais, français, hollandais, allemands et belges l’occasion de présenter au public des publications qui sont souvent difficiles à trouver en librairie. N’y cherchez donc pas le dernier cri de l’édition commerciale, mais plutôt des livres et des revues qui veulent induire le doute à l’encontre de l’ordre établi néo-libéral.

Une liste de diffusion, pour changer et, plus précisément, un journal électronique d’informations antiracistes. Vous pouvez prendre un abonnement (c’est gratuit) et le recevoir dans votre boîte aux lettres électroniques (il faut tout simplement envoyer un message à : caf-afc-subscribe@egroups.fr). De plus vous pourrez vous aussi envoyer vos infos. en direction d’un public antiraciste.
À bientôt dans la toile.

Blue Eyed Keyboard
alain@minitelorama.com


Corse : les limites du processus de décentralisation

Depuis plusieurs mois les médias se sont davantage passionnés pour la situation corse que pour les combats politiciens. Il s’agit là d’une véritable et belle cause politique, c’est-à-dire sociale : indépendance, autonomie, identité, géopolitique, liberté.

Voilà des thèmes qui par leur générosité et leur ambition rendent encore plus sordides les affaires de trafics d’armes, de cassettes vidéos ou de détournements des fonds publics.

Déconstruire le mythe corse

À dire vrai, la déconstruction du mythe corse, toutes choses égales par ailleurs, ressemble à la déconstruction du mythe tiers-mondiste. Car il s’agit de mythes, dans les multiples sens du terme. Reconstruction idéalisée d’un passé chez les opprimés comme chez les oppresseurs, destruction de la situation présente pour conquérir de nouveaux privilèges ou statu quo pour maintenir les anciens, idéal impossible d’une indépendance politique neutralisée par les décisions des grandes firmes transnationales et travestie par l’hypocrisie d’une démocratie bien peu décisionnelle.
Comme le tiers monde, la Corse est exemplaire de ces situations où non seulement l’oppression coloniale aurait été impossible sans la complicité active de multiples pouvoirs locaux qui y trouvèrent leur compte et qui s’appuyèrent sur de multiples archaïsmes, mais où, aussi, la libération politique devient potentiellement synonyme d’une nouvelle oppression encore plus redoutable car parée du sceau de la légitimité patrimoniale.

La complicité en Corse est incarnée par le système clanique qui, au prix de misérables avantages, a maintenu un sous-développement que les politiques souvent incohérentes ou tardives de l’État français ont favorisé. C’est bien tout un système de valeurs qui conduisit de nombreux Corses à maintenir cette situation, sinon à l’aggraver en fournissant flics, gendarmes, adjudants et matons aux contingents de la machinerie coloniale française de l’Afrique jusqu’en Indochine.

Dépasser cette misère ne consiste pas seulement à rechercher l’avantage matériel que l’actuelle loi de la jungle autorise mais à renier les valeurs féodales qui les pérennisent. Ces valeurs fondées sur le machisme, le patriarcat de façade et le matriarcat de fait (la mamma), le culte du secret (l’omerta), la vengeance (la vendetta), la violence et les combines ont conduit tant de sociétés méditerranéennes à sombrer dans l’archaïsme sanglant, que ce soient l’Algérie, la Sicile, l’Herzégovine, l’Albanie, Chypre ou le Liban.

Comment revendiquer une quelconque corsitude sans revendiquer cet héritage féodal ? Comment proposer un autre idéal social sans s’en débarrasser d’une façon ou d’une autre, sans promouvoir d’autres valeurs ? La revendication d’une identité corse et d’un peuple corse conduit à louer une culture globale, y compris ses éléments réactionnaires, et toute une ethnie, y compris ses exploiteurs.

L’histoire de l’humanité a pourtant montré que la non instauration de l’égalité économique de concert avec l’égalité politique a rendu creux l’idéal républicain.

Les impasses du nationalisme

La question algérienne, qui a divisé la société française jusqu’au sein du mouvement libertaire, est bien là pour nous le rappeler. Le slogan IFF de certains nationalistes corses — ­I Francesi Fuori (« Les Français dehors ») ­— nous promet-il autre chose ? Cet écho de la vindicte lepéniste ou mégrétiste scandant « les Arabes dehors » semble le miroir d’une faiblesse continuelle des scores électoraux du FN dans une île où le discours national-puriste et xénophobe est tenu par d’autres nationalistes.

En Corse, les belles heures autogestionnaires des frères Simeoni ou le syndicalisme combatif du STC ont finalement laissé la place aux cadres issus de forces politiques franchement réactionnaires, tel que J.-G. Talamoni, l’actuel leader nationaliste corse, qui a forgé son militantisme et ses convictions au sein de l’UNI, le très droitier syndicat étudiant.

La libération dite nationale doit en outre beaucoup à l’exploitation des rivalités entre colonialismes et impérialismes, sinon au soutien direct des puissances extérieures hostiles à telle ou telle métropole.

Les deux composantes actuelles de la petite bourgeoisie corse ­ les notables de robe et les petits commerçants enrichis par le tourisme, le commerce et le trafic ­ ont compris qu’ils pouvaient gagner sur les deux tableaux, la France et l’Europe.

L’apparente démocratie

Il faut bien voir que la dimension politique de la subsidiarité, qui s’incarne largement dans la décentralisation et le régionalisme. Elle s’accommode largement de tous les programmes néo-libéraux de dérégulation-privatisation, tant des services publics que des protections sociales. Elle recherche sa légitimité sur le plan culturel en déclinant les thèmes identitaires à tous les niveaux, quitte à frôler l’ethnicisme ou la xénophobie, voire en cultivant des coquetteries anti-mondialistes.

La démocratie montre bien ses limites dans ce rapport de forces. En Corse, elle ne cherche pas à compter les voix qui seraient, au final, majoritairement défavorables à l’indépendance. Ce résultat ruinerait l’espoir de la petite bourgeoisie corse, il déstabiliserait la légitimité du volet socio-culturel régionaliste-localiste de la subsidiarité et priverait l’État central de ses interlocuteurs, politiques. Il n’y aura donc pas de consultation électorale à ce sujet.

La bataille est bien politique : celle du pouvoir qui peut contrôler l’économique et le socio-culturel.

La remise en cause de la propriété privée de la terre en Corse, la clarification des droits fonciers sur le maquis et les forêts, extrêmement obscurs, la remise en cause de certaines pratiques agro-pastorales nuisibles à l’environnement et génératrices d’inégalités socio-économiques, la critique des incendiaires de forêt, la fin de l’hypocrisie vis-à-vis du tourisme, nouvelle vache à lait du monde moderne à condition de la traire soi-même, tout cela est singulièrement absent du débat corse.

Il y a, semble-t-il, bien peu de forces en Corse suffisamment capables de poursuivre la logique anticapitaliste de ces thèmes, qui demande aussi de s’attaquer à un système de valeurs féodales ou néo-féodales au profit d’autres valeurs, cosmopolites, égalitaires, libertaires. Le combat des femmes corses en est, probablement, l’un des rares éléments importants. Ce n’est pas un hasard, car il remet en cause la structure anthropologique traditionnelle, conservatrice, de la société corse et méditerranéenne. Mais il a aussi été violemment critiqué, et mis sous le boisseau.

En Corse comme ailleurs la femme sera-t-elle l’avenir de l’homme ?

Philippe Pelletier


Vite fait… Bien fait

* France. Plus de 50 000 animaux ont d’ores et déjà été abattus pour tenter de stopper l’épidémie de fièvre aphteuse.

* On soutient. 2 500 étudiants grévistes de l’université Paul-Valéry (Montpellier III) ont manifesté jeudi 7 mars pour dénoncer le manque de moyens financiers et la casse du service public d’éducation voulue et organisée par l’État.

* On soutient aussi. Les syndicats de cheminots organisent une semaine d’action du 26 au 31 mars, avec grève générale le 29. Une mobilisation pour des embauches, pour des augmentations de salaire et contre la réorganisation des services qu’envisage leur direction ; cette dernière préparant en fait l’éclatement de la SNCF en plusieurs sociétés, avec privatisation à la clé des secteurs les plus juteux.

* On soutient encore. Une centaine de salariés du fabricant de papier à cigarettes Job ont occupé le siège du MEDEF à Toulouse pour dénoncer le démantèlement de leur entreprise et le licenciement collectif de tous ses employés. Débat et concert de soutien prévu le 15 mars.

* Nouvelle (?) économie. Le groupe américain Intel (premier fabricant mondial de microprocesseur) va supprimer plus de 5 000 emplois, soit 6 % de son effectif.

* Intégrisme protestant. À peine installé à la maison blanche, Bush a fait supprimer toute subvention aux ONG qui pratiquent, financent, orientent ou simplement informent sur l’IVG.

* Après le bourrage d’urnes, le bourrage de listes. Six habitants de Feurs (Loire) ont été inscrits à leur insu sur la liste présentée par le Front national aux élections municipales. Elles ont évidemment porté plante.

* États-Unis = assassin. Le Texas, dont était précédemment gouverneur G. W. Bush, vient d’assassiner son 243e condamné depuis le rétablissement de la peine de mort.

* Depuis fin septembre, les affrontements entre l’armée israélienne et la population palestinienne ont fait plus de 430 morts, la plupart palestiniens évidemment.

* Seule la lutte paie. Après une grève massivement suivie (50 % des établissements totalement fermées), les salariés du Crédit Mutuel d’Alsace ont repris le travail après avoir obtenu une augmentation de salaire de 3,2 %.

* Vive l’Internet libre. Une enquête du FBI révèle qu’au moins un million de numéros de carte de crédit ont déjà été dérobés sur une quarantaine de sites commerciaux américains. Comme on dit…

Envoyez vos brèves à monsieur.pol@wanadoo.fr


Le comique de répétition

Chez les anarchistes, on parle souvent de farce électorale en évoquant les différentes élections du personnel politique. Ces gaziers ont, paraît-il vocation à nous représenter. Notre hostilité à la démocratie représentative nous vaut en retour l’opprobre générale. Du pète-sec MNR au mollasson DL, sans oublier les sociaux-démocrates en peau de boudin, on n’est pas en reste pour dénoncer l’anarchiste abstentionniste empêcheur d’élire en rond. Il ne faut pas s’en offusquer, chacun a son fond de commerce à défendre. Le cas de l’extrême gauche trotskiste est plus complexe, mais aussi beaucoup plus drôle.

Les organisations comme la LCR, le PT, ou LO font preuve à leur naissance d’une hostilité envers la démocratie bourgeoise et à sa manifestation la plus évidente les élections. Sur la durée, l’impossibilité à construire le grand parti ouvrier qui ferait la pige au parti ouvrier dégénéré (traduire PCF) amène à présenter des candidats aux présidentielles.

Rassurez-vous camarades, on n’y croit pas ! Mais il faut bien que les révolutionnaires se comptent à un moment ou à un autre. Faut bien aussi que l’on sache sur quelles forces compter quand le grand soir va arriver et où le vrai parti ouvrier révolutionnaire prendra le pouvoir. Une fois, bons garçons, on veut bien croire que l’argument mérite d’être pris en considération, mais quand la blague se répète à chaque élection, on peut en rigoler doucement. Les trotskistes, sont de bons élèves en dialectique mais obtiennent de piètres résultats en calcul mental. Il faut croire sans doute, que l’ivresse électorale venant, on ne les arrête plus.

Candidats malgré eux

Élections régionales, cantonales, municipales, j’en passe et des meilleures, chaque élection voit son candidat trotskiste s’afficher et pointer son nez. Le calcul au niveau national ne doit plus leur suffire, on traque l’électeur, au niveau de la région, du canton, de la commune. Si des élections par escaliers existaient, il y aurait sûrement un trotskiste pour s’y présenter. Le phénomène est en lui-même comique, il l’est encore plus lorsque la course électorale endiablée en conduit certains à appliquer des manœuvres dignes du pire arrondissement parisien.

À Dieppe, lors des précédentes municipales, des citoyens qui avaient signé une pétition avaient vu leur nom s’étaler dans le journal local comme candidats sur une liste PT. Plaintes des citoyens bernés, impossibilité pour la liste de se présenter. Anecdote comique, digne du cirque électoral. Point final. Mais, il faut croire que la tête de liste PT, est un amateur des films de Keaton ou Laurel et Hardy. Des films qui durent leur succès au comique de répétition.

Pour les municipales de ce mois, il remet le couvert et se reprend les pieds dans le tapis. Neuf personnes qui pensaient avoir signé une pétition contre les augmentations du prix l’eau (la ville PC-PS a privatisé son service des eaux. Devinez au profit de qui ?) se retrouvent sur la liste du PT pour les élections municipales.

Quatre personnes sur les neuf, candidates malgré elles ont porté plainte. Le tribunal administratif de Rouen a annulé la liste PT « Démocratie communale pour de la laïcité et la défense des services publics ». Sa tête de liste a décidé de saisir le Conseil d’État. Pour lui, il s’agit d’une manœuvre, car la liste PT gêne : « Les élections municipales sont pour nous l’occasion de poser ces problèmes (prix de l’eau, montage financier de la ligne transmanche, etc.) dans le cadre d’une action démocratique. » Rien de plus logique, camarade, on compte, puis après on pose les problèmes.

Quand une liste PT s’interrogera-t-elle sur l’équation élection = démission ?

Jacques Bonhomme


Mexique : interrogations autour de la marche zapatiste

Depuis leur apparition spectaculaire sur la scène politique internationale en janvier 1994, le mouvement zapatiste est suivi avec beaucoup d’intérêt par la plupart des courants révolutionnaires. Des libertaires se sont investi-e-s dans des comités de soutien. Soutien critique qui se justifie par la nature même de ce mouvement. Effectivement nous ne sommes pas en face d’une guérilla, contrôlée par une poignée de marxistes se finançant par le narcotrafic, qui impose son diktat à une population indigène souvent piégée entre une guérilla, les gros propriétaires et ses paramilitaires et l’armée.

L’EZLN, une guérilla peu commune

En 1997, le procureur du Chiapas estimait en trois ans que plus de 3 000 occupations (réappropriations) de terre avaient eu lieu. Ce fait atteste que nous n’avons pas à faire à une simple guérilla mais à un mouvement social à part entière. L’EZLN le prouve encore avec la marche qu’elle a entamée vers Mexico le 24 février dernier. Effectivement à San Cristobal, ce sont près de 10 000 zapatistes (après parfois plusieurs journées de marches) qui sont venus au meeting annonçant le départ de la marche. Mais à Oaxaca c’est près de 30 000 personnes qui attendent la caravane zapatiste composée de 3 000 personnes (malgré les menaces, intimidations)… L’EZLN a aussi étonné par ses revendications et son organisation, en partie autogestionnaires. À titre d’exemple les lois révolutionnaires de 1993 stipule le droit des exploités de se soulever et de créer leur propre organisation. Et que ce soit dans les communautés, les municipios, on constate des formes d’organisations très diverses.

En 1994 le CEOIC (une organisation zapatiste) définissait l’autogestion : « Le droit d’être libre, de choisir librement ceux qui nous gouvernent, à les contrôler, à les sanctionner s’ils ne mènent pas correctement leur labeur… ». Autogestion certainement imparfaite mais qui dénote à côté des réalités autoritaires des guérillas d’Amérique latine. Le mouvement zapatiste surprenait aussi par certaines positions allant contre un indigénisme strictement traditionnel. D’abord avec des femmes nombreuses dans l’EZLN (35 %) qui après quelques années de prises de consciences imposent un certain nombre de choses : le droit à la parole, égalités des salaires, droit à l’avortement, lutte contre les violences des hommes (avec dans certaines communautés interdiction de l’alcool)…

Bien évidemment ce tableau semble quelque peu idyllique et la réalité s’avère plus complexe. Les premiers optimismes face à ce mouvement révolutionnaire de la fin de XXe siècle, trop mystifié, sont à relativiser. Néanmoins ces rapides rappels expliquent pourquoi des libertaires se sont impliqué-e-s dans des comités de soutien.

De la guerre de basse intensité à la marche vers Mexico

Suite à des pressions internationales, mais surtout des milieux d’affaires (qui n’apprécient guère ne pouvoir commercer en toute tranquillité), le gouvernement mexicain met en place une guerre de basse intensité, installant la violence sous toutes ses formes afin de maintenir les populations dans la terreur, afin d’étouffer toute contestation : désinformation, occupation des terres par l’armée, kidnappings, assassinats, empoisonnements de rivières…

Parallèlement, suite à la crise de la dette (1982), à l’inefficacité totale de l’État lors du tremblement de terre de Mexico en 1985, les présidentielles de 1988 avec la mise en évidence de la corruption généralisée au sein du Parti d’État, le PRI au pouvoir depuis plus de soixante ans est à l’agonie. Le PRI perd les législatives en 1997 et surtout les présidentielles en juillet dernier. Ce résultat était logique mais beaucoup s’attendaient à la victoire annoncée de la gauche mexicaine (PRD). L’échec de la social-démocratie est certainement le résultat du discrédit de la classe politique dans sa globalité de part sa corruption, son inefficacité à prendre en compte les réels besoins des personnes.

Rappelons pour l’anecdote que le PRD est le résultat d’une scission de l’aile gauche (?) du Parti d’État (PRI) en 1988 !

L’EZLN a toujours voulu garder ses distances avec la gauche : « Nous avons vu avec préoccupation que le PRD tend à reproduire en son sein les mêmes vices qui ont empoisonné dès sa naissance le parti au pouvoir… » (Marcos, 1994 lors d’une rencontre avec Cardenas, candidat présidentiel du PRD). Néanmoins les zapatistes sont confrontés au problème suivant : ne pouvant gagner par les armes, le mouvement social n’étant pas suffisamment fort pour construire une alternative politique, une reconnaissance politique pourrait être une sortie possible. Mais aux dernières élections de juillet 2000, c’est le PAN (droite catholique) qui triomphe avec Fox.

Quels accords entre Marcos et Fox ?

Le Mexique connaît aujourd’hui une situation particulière : un mouvement social faible, le mouvement zapatiste connaissant dans l’ensemble du pays une certaine popularité, et la droite pro-américaine, réactionnaire qui donne des signes d’ouverture aux zapatistes réprimés depuis sept ans par le PRI. Pour Fox l’enjeu semble clair : quitte à irriter ses amis, un accord avec les zapatistes lui permettrait d’équilibrer son image et rassurerait les milieux financiers. Au forum économique mondial de Davos, Fox a rappelé qu’il était essentiel « de parvenir à un accord de paix afin de pouvoir impulser le développement économique de cette région. » Il faut rappeler que le Sud du Mexique (Chiapas) est la plus grande réserve naturelle (sols, métaux, pétrole…) du pays, ce d’autant que les ressources du Nord commencent à s’épuiser. Fox a donc rassuré les milieux financier en déclarant à Davos qu’il comptait « libérer les prisonniers politiques, retirés l’armée hors des communautés… »

Fox multiple les déclarations contradictoires alternant les signes d’ouverture et les réponses dilatoires. Mais il est évident que cet ancien patron de Coca-cola pour l’Amérique latine ne concédera strictement rien sur le domaine social et économique. Effectivement, accorder certains droits indigènes (langues, autonomies relatives de certaines communautés…) ne remet pas en cause la logique capitaliste et l’exploitation du sous-sol chiapanèque. Le capitalisme est né, entre autres, par la séparation des champs politique et économique. Depuis les gouvernements et bourgeoisies ont bien compris qu’ils pouvaient et devaient céder dans le domaine politique (reconnaissance d’une culture…) afin de maintenir les privilèges économiques.

L’EZLN, sept ans après le soulèvement zapatiste se trouve dans une relative impasse. Même si le mouvement est populaire dans l’ensemble du Mexique, le Front zapatiste de libération nationale aura été un relatif échec : le lien avec un mouvement social devant se généraliser à l’ensemble du Mexique n’a pas abouti. Certains syndicats ne veulent même pas rencontrer Marcos le 11 mars jour d’arrivée de la marche zapatiste sur Mexico. Pour sortir de cette impasse, les zapatistes rentrent aussi très certainement dans les projets de Fox. D’ailleurs les trois principales revendications de la marche sont : libérations des prisonniers politiques, démilitarisation du Chiapas, application des accords de San Andrès (sur les droits indigènes). Le soulèvement zapatiste avait eu lieu le 1er janvier 1994, jour de la mise en place des accords de l’Alena (accords de libre échange entre les États-Unis, le Canada et le Mexique) et exprimait ainsi ouvertement une opposition au libéralisme. Cette marche serait peut être le symbole (forcé ou voulu ?) d’un renoncement à cette priorité ?

Régis. — groupe FA Nantes


Espagne : pour un anarchisme dans le XXIe siècle

Le Monde libertaire avait relaté l’appel à l’unité des libertaires du secrétaire général de la CGT espagnole, José Maria Olaizola, lors du meeting du 1er mai organisé par la CNT-Vignoles l’an dernier à Paris. Depuis et même avant, divers événements sur la scène internationale montraient bien que les anarchistes et anarchosyndicalistes participaient, comme ils l’ont toujours fait, aux luttes contre le capitalisme. C’est ainsi qu’à Melbourne, Prague, Nice, et bientôt à Québec pour le sommet des Amériques ou à Barcelone pour le sommet du FMI fin juin, les anarchistes s’impliquent. Sous toutes les latitudes, ils s’activent, s’organisent, s’entraident et font émerger par leurs pratiques et leurs actions une force d’attraction réellement anticapitaliste et libertaire dans les luttes contre le néo-libéralisme. Même si il reste bien des relations à améliorer et des rapports à clarifier entre les acteurs du mouvement.

Le développement libertaire peut difficilement se cloisonner aujourd’hui aux frontières des États : nos initiatives, même les plus modestes, peuvent être suivies depuis tous les recoins de la planète et y avoir des répercussions. Car dans le même temps, il faut prendre en compte les facilités qui nous sont données pour échanger et coordonner grâce aux nouvelles technologies.

C’est donc dans ce contexte que la CGT espagnole organise une rencontre internationale les 31 mars et 1er avril à Madrid, sous le thème : « Pour un anarchisme dans le XXIe siècle ». Cette initiative, à en croire la déclaration officielle de l’organisation espagnole, prends acte que la globalisation capitaliste ne peut être enrayée par la seule action syndicale et qu’elle nécessite une union des libertaires de tous les horizons.

Œuvrer pour des campagnes internationales

Le monstre capitaliste qui génère toujours et encore plus de richesses d’un coté et de pauvreté de l’autre, soumet particulièrement l’hémisphère sud à un traitement inhumain : « Nous, libertaires, hommes et femmes, ne serons jamais libres tant qu’une seule personne mourra de faim ou vivra sans dignité et liberté. » (1) Face au monstre capitaliste, il reste nécessaire de lutter là où nous sommes, sans renier nos spécificités, nos méthodes. Il est temps de pratiquer le fédéralisme et l’action directe à travers une coordination internationale. Par le biais de campagnes internationales basées sur l’aide mutuelle et la solidarité, se mettrait en place une coordination de nos moyens et de nos efforts convergeants vers un objectif précis. Six mois plus tard, au cours d’une nouvelle rencontre, un bilan serait établi et une nouvelle campagne décidée. L’organisation de ces meetings au cours desquels les campagnes seraient décidées, resteraient tournantes.

Toujours selon la CGT, ces campagnes ne se substitueraient pas à celles entreprises par différentes organisations ; il ne s’agit pas non plus de jeter les bases d’une nouvelle internationale du type Association Internationale des Travailleurs (AIT). Cette « coordination bi-annuelle à travers un réseau d’organisations libertaires » devra rassembler les libertaires par delà leurs différences, unis par l’action directe au cours de campagnes communes. « Cette coordination bi-annuelle sera pour nous, libertaires du monde entier, une école dans laquelle nous pouvons apprendre à mieux travailler contre la Globalisation et dans laquelle, nous espérons, que de plus nombreuses et de meilleures formes d’organisations internationales se bâtiront.  » (1) Notre Fédération anarchiste a été invitée à participer à ce projet.

Relations internationales de la FA

(1) Déclaration proposée par la CGT aux futurs participants de la rencontre de Madrid.


Dans le fond des poches

Le printemps de la Commune

Briser le carcan des privilèges des coteries aristocrates fut le lot de la Grande Révolution… mais l’assiette au beurre demeura l’écuelle exclusive d’une bourgeoisie jalouse de ses nouvelles prérogatives… La nouvelle basse-cour se fit un devoir d’entretenir les écrans de fumée afin de parer de dorure les chaînes intactes d’un peuple avili… Le ventre creux, la conscience gonflée de bondieuseries, les humbles durent fermer leurs sales gueules, de quoi voudraient-ils se mêler, ces ignares ?

Il advient que le couvercle de la marmite sociale laisse échapper quelques espoirs bien vite étouffés dans le sang, l’exclusion, la terreur quotidienne d’une misère entretenue par les œuvres patronnesses… 1830, 1848…

Parmi ces éclairs de lucidité, il en est qui impressionne encore nos mémoires oublieuses… Un temps où le destin a fondu au courage de se prendre en main, loin des sornettes politiques et autres métaphysiques… organiser son présent en être fraternel, libre par la liberté de tous, refusant toutes les tyrannies, seraient-elles républicaines… et cassant toutes les castes, tout conglomérat de pouvoir, de bénéfice exclusif, de propriété…

Les leviers sont connus depuis peu, mutuellisme et fédération… Ainsi, à Lyon (la pionnière), Saint-Étienne (le préfet y laissera sa peau), Le Creusot (courte durée), Narbonne (où les insurgés furent acquittés), Toulouse (une dizaine de jours), Limoges (où les ouvriers tentent de fraterniser avec les soldats, la mise au pas viendra des cuirassiers), Marseille (la répression frappera les communards : près de cent cinquante assassinés et plus de cinq cent arrestations), et à Paris, s’ébaucha une nouvelle société à l’aurore de ce printemps 1871… De nombreux mouvements de soutien visant à empêcher l’envoi de troupes et de canons contre la Commune de Paris mettront en émoi Perpignan, Grenoble, Bordeaux, Périgueux…

La curée fut impitoyable, brisant les reins de ceux qui découvraient leur force… hors de tout État… Il importait aux exploiteurs de toutes obédiences d’imposer le silence dans les rangs… puis, ils pourront à nouveau mener le troupeau à l’abattoir électoral, vacciné contre toutes velléités d’insoumission aux désordres établis.

Découvrons ce bref printemps communard dans l’écho que nous renvoient Louise Michel, Maxime Vuillaume, Proper-Olivier Lissagaray et tant d’autres…

Auparavant, constatons l’absence de disponibilité d’ouvrages fondamentaux pour parfaire notre connaissance de la Commune : Gustave Lefrançais (Souvenirs d’un révolutionnaire, Étude sur le mouvement communaliste), Victorine Brocher (Souvenirs d’une morte vivante), Arthur Arnould (L’État et la Révolution, Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris), Eugène Varlin (Lettres et articles), les témoignages inédits publiés dans la Revue Blanche (Élisée Reclus, Jean Grave, Nadar…).

Sur un autre registre, sont aussi absents : Lucien Descaves (La Colonne), Bernard Noël (Dictionnaire de la Commune) un temps publié en poche (Champs/Flammarion-1978) dont les éditions Mémoire du Livre viennent de ressortir la version originale de 1971 et pour se limiter, un magnifique album de Pascal Jourde (Les Communards) qui ne connaîtra qu’un tome sur les deux projetés… (L’Année terrible).

L’amateur dégotera bien ses perles chez quelques bouquinistes ou en bibliothèques… Mais ne boudons pas notre plaisir, nous avons aujourd’hui sous la main une belle moisson de livres aptes à aiguiser notre curiosité :

* Louise Michel ­- La Commune, histoire et souvenirs ­- éditions La Découverte ­- collection La Découverte poche nº 65 — 378 p. ­- 75 FF.
Une myriade de croquis sur le vif, de documents épars qui débordent des chapitres : voici la genèse de la Commune prise en amont de cette vie de révolte dévalant l’histoire à toute littérature… jusqu’au pontons… Elle apostrophe le Conseil de Guerre versaillais : « j’appartiens toute entière à la révolution sociale et je déclare accepter la responsabilité de tous mes actes. […] Si vous me laissez vivre, je ne cesserai de crier vengeance, et je dénoncerai à la vengeance de mes frères les assassins de la Commission des Grâces. » Incarcérée en Centrale, puis déportée : « J’ai raconté bien des fois comment pendant le voyage de Calédonie je devins anarchiste. »

Au fil de cette courageuse aventure, de chaque page « soulevée comme la pierre d’une tombe s’échappe le souvenir des morts »…

* Proper-Olivier Lissagaray ­- Histoire de la Commune de 1871 ­- éditions La Découverte -­ collection La Découverte poche nº 12 — 532 p. ­- 85 FF.
C’est la somme devenue référence sur la Commune. Plongée au cœur de ces journées d’espoir, la fraternité en bandoulière… puis le drame se noue en un décompte macabre des jours avant la répression féroce qui balaye tout sur son passage… restera la mort et l’exil. Et ce pavé de plus de cinq cent pages à la gueule des amnésiques.

* La Commune, Paris 1871 ­- éditions Nathan ­- collection Photo poche histoire nº 2 — 144 p. ­- 60 FF
* Jacques Rougerie ­- Paris insurgé, la Commune de 1871 ­- éditions Gallimard ­ collection Découvertes histoire nº 263 ­- 160 p. ­- 84 FF.
Si le didactisme des ouvrages de la collection Découverte est encore une fois démontré, il importe d’examiner attentivement la publication « Photo poche ».
Elle nous propose une centaine de clichés, pour la plupart inédits, accompagnés d’une notice précise… Ainsi les reconstitutions, souvent présentées comme véridiques sont épinglées… Hommage est enfin rendu au photographe Braquehais qui trimballait sa lourde chambre à plaques et son trépied dans le dédale des barricades… ancêtre du photo-journalisme… au moment où d’autres profitent des quelques 40 000 arrestations pour tirer des portraits qui serviront au flicage et diverses bertillonades…

Ce Photo poche se termine par les rares photographies des enceintes fortifiées formant le bagne de Nouvelle-Calédonie où 3 859 communards furent déportés…

* Paul Lidsky ­- Les Écrivains contre la Commune ­- éditions La Découverte ­ collection La Découverte poche nº 79 — 180 p. ­- 42 FF
* Victor Hugo ­- L’Année terrible -­ éditions Gallimard ­- collection Poésie nº 194 — 320 p. ­- 47 FF.
Les littérateurs ne sont pas préservés de la bassesse, ainsi hurlant avec les loups ils apportèrent leur obole à l’ignominie… Parfois, dans un sursaut, ils se grandiront, tel Victor Hugo, qui osera préférer « le crime teint de boue au crime bordé d’or »…et publiera avant la fin de l’état de siège « L’année terrible ».

* Georges Darien ­- Bas les cœurs ! -­ éditions du Seuil ­- 360 p. -­ 50 FF.
* Georges Darien ­- Voleurs ! -­ éditions Omnibus ­- 1380 p. -­ 155 FF
Un temps chez 10/18 nº 506 dans la belle collection d’Hubert Juin, puis au Seuil, on retrouvera Bas les cœurs ! dans la pléiade des poches, Omnibus, qui a l’heureuse idée d’y adjoindre Le voleur, Biribi, La belle France, l’épaulette, les pharisiens et Gottlieb Krum…
Avec sa verve coutumière, Darien nous brosse le portrait de ce Versailles qui accueillera sans coup flétrir l’occupant prussien puis la racaille gouvernementale française venue mâter de près la Commune…
Puisant dans ses propres souvenirs familiaux, il retrouve la profonde hypocrisie qui sied à cette Belle France… la même qui quelques soixante dix ans plus tard se vautrera dans les même pitreries, attirant elle aussi l’exécrable qu’un autre vaillant État nous aura chié…

* Jules Vallès -­ L’Insurgé ­- éditions LGF ­ collection Le Livre de poche nº 1244 — 367 p. -­ 30 FF
C’est grâce aux interventions d’Arthur Arnould que Vallès fut libéré d’un asile où son père l’avait fait interné après la participation de Jules à la lutte contre le coup d’État du 2 décembre 1851…
Dès 1866, il publie Les Réfractaires, l’année suivante il fonde le journal La Rue qui lui vaut amendes et peines de prison… plus tard ce sera Le Cri du Peuple communard et l’exil à Londres où il travaille au Bachelier… il en écarte certaines pages qu’il destine à une œuvre qui touche de près ses colères sociales… « Je publierai cette œuvre, comme je fis tirer à Belleville le dernier coup de canon, à une barricade perdue ! »… ce sera L’Insurgé. Dédiés à « ceux qui victimes de l’injustice sociale, prirent les armes contre un monde mal fait et formèrent, sous le drapeau de la Commune, la grande fédération des douleurs… »

Il nous interpelle encore avec force : « Elle me fait horreur votre Marseillaise de maintenant. Elle est devenue un cantique d’État. Elle n’entraîne point des volontaires, elle mène des troupeaux. Ce n’est pas le tocsin sonné par un véritable enthousiasme, c’est le tintement de la cloche au cou des bestiaux. »

* La Chute de la colonne Vendôme, le 16 mai 1871 -­ éditions L’Insomniaque -­ 70 p -­ 30 FF.
Enfin vers cinq heures un quart… il n’y avait plus que l’Empereur de bronze qui pût, ébloui, voir du haut de la colonne le soleil se coucher par dessus les maisons de la place… il le vit effectivement pour la dernière fois… et, Élisée Reclus pouvait noter : « Il n’est pas, en ce siècle, de signe des temps qui ait une signification plus imposante que le renversement de la Colonne impériale sur sa couche de fumier »…

* Jules Andrieu -­ Notes pour servir à l’histoire de la Commune de Paris de 1871 -­ éditions Les Amis de Spartacus ­- collection Cahiers série B nº 130 -­ 268 p. -­ 50 FF.
Publié pour la première fois en 1971, voici le témoignage d’un employé à la préfecture de la Seine, qui dirigea de 1863 à 1870, un cours secondaire pour ouvriers, parmi lesquels Varlin… Au sein de la Commune, il participe à la Commission des Services Publics et sera à la tête des services administratifs…

Il s’exilera en Angleterre enseignant le latin. Après l’amnistie, il sera nommé en 1881 vice-consul de France à Jersey où il décédera le 25 février 1884. Il importe de méditer ses vues et d’enrichir notre expérience. Il écrit : « La Commune avait besoin d’administrateurs ; elle regorgeait de gouvernants. »

* Maxime Vuillaume -­ Mes cahiers rouges au temps de la Commune ­- éditions Actes Sud — collection Babel nº 312 -­ 63 FF.
Étudiant à l’École des Mines, il a vingt sept ans lorsqu’il publie dès le 6 mars 1871, avec l’aide de Vermersch et Humbert le fameux « Père Duchesne »… Condamné à mort par contumace, il réussit à gagner la Suisse où il subsistera en rédigeant des ouvrages de vulgarisation scientifique…
Ses mémoires paraîtront pour la première fois en dix livraisons successives dans les Cahiers de la Quinzaine de Péguy (1908-1914). Il meurt miséreux dans un hospice de Neuilly en 1920.
Il faut dévorer ce livre haletant truffé d’anecdotes et d’une douce fraternité : « Et je pense au jour où, à Lausanne, pauvre oiseau de passage, je rembourrais mes souliers, bâillant à la neige, avec des semelles taillées dans de vieux journaux ».

Signalons les salles spécifiques de deux musées qui offrent une approche de la Commune :
 Le Musée Carnavalet : 23 rue Sévigné 75003 Paris
 Le Musée d’Art et d’Histoire : 22bis rue Gabriel Péri 93200 Saint-Denis. Sans oublier une ballade vagabonde au hasard du Père-Lachaise… ou rue Ramponneau…

Jean-Denis. — Liaison Bas-Rhin


Pelloutier réédité

Les éditions du Centre d’histoire du travail vont publier en mai prochain la réédition en fac-similé de Histoire des bourses du travail de Fernand Pelloutier dont on fêtera bientôt le centenaire de la mort. Il s’agit d’un bouquin remarquable (incontournable sur la question) préfacé par Georges Sorel, avec une notice biographique de Victor Dave (qui a été rééditée il y a longtemps par « Volonté anarchiste »). Le CHT y a ajouté une introduction réalisée par l’historienne Rolande Trempé, bien connue pour ses travaux sur les mineurs de Carmaux. Ce bouquin, en souscription (jusqu’au 25 avril 2001), coûte 85 FF (ajoutez 15 FF par frais de port par exemplaire). À sa sortie, il coûtera 110 FF. Mais l’intérêt de cette souscription tient à autre chose que son prix « attractif ». Le bouquin est tiré à seulement 350 exemplaires. En clair : il n’y en aura pas forcément pour tout le monde !
Pour le commander, envoyez votre chèque à l’adresse suivante :
Centre d’histoire du travail, 2 bis, boulevard Léon-Bureau 44200 Nantes.
Téléphone : 02 40 08 22 04.


Grève de la faim de 7 sans-papiers à Lyon

Nous, grévistes de la faim, demandons notre régularisation. Nous avons déposé un dossier à la préfecture et nous nous heurtons à un refus de sa part de nous régulariser. Nous avons donc décidé de nous battre. Nous avons fait des rassemblements devant la préfecture, nous avons manifesté, des délégations de sans-papiers ont été reçues pour des discussions : sans résultats. Pis même, nous sommes aujourd’hui devant un refus systématique de la préfecture de recevoir des sans-papiers. Nous avons, suite à une proposition de monsieur Collomb (PS), mené des réunions avec différents élus de la gauche plurielle de Lyon ; sans résultat.

Nous avons manifesté, organisé des rassemblements sans que cela ne change quoi que ce soit à notre situation. Nous ne pouvons plus attendre. Notre vie est invivable. Nous n’en pouvons plus de la peur des contrôles de police et des arrestations, nous n’en pouvons plus du travail clandestin et de la sur-exploitation, nous n’en pouvons plus d’être traités comme des « matières dangereuses », comme a appelé monsieur Hollande (PS) les réfugiés politiques kurdes qui sont arrivés en France. Nous voulons vivre ici dans la dignité. C’est pourquoi nous avons pris la décision grave de nous mettre en grève de la faim pour notre régularisation avec des cartes de 10 ans mais aussi pour que la préfecture ouvre immédiatement des négociations de régularisation sur l’ensemble des dossiers.

Nous avions décidé de nous installer mercredi 7 mars à l’église Saint-Polycarpe pour donner toute visibilité à cette situation invivable. La réponse de l’archevêché tomba à 18 heures de nous faire évacuer par les forces de l’ordre à 19 heures si nous n’avions pas quitté les lieux. Nous avons trouvé refuge chez les Verts à 20 h 30. Nous appelons tout un chacun à venir nous rencontrer au 14 rue Aymée Collomb (3e). Nous appelons les sans-papiers à sortir de la clandestinité et à nous rejoindre dans la lutte pour leur régularisation et la régularisation de tous les sans-papiers.

Les grévistes de la faim

Assemblée générale tous les jours à 19 heures à la bourse du travail.


L’armée s’acharne sur un jeune appelé !

Juanito Mahouy a été visité ce premier mars par la gendarmerie pour être reconduit à la caserne de l’École des troupes aéroportées de Pau (ETAP), alors qu’un dossier de réforme sur pièce est en cours d’examen à la Direction du service national (DSN) à Compiègne.

Juanito Mahouy est un jeune normand qui n’a pas toujours eu la vie facile. Au prix de nombreux efforts et avec l’aide de son entourage, il est parvenu à monter un projet personnel pour lequel il était très motivé. Cependant, ce projet ne lui permet pas de voir son incorporation reportée. En effet, pour pouvoir appréhender sa formation professionnelle dans les meilleures conditions, Juanito effectue une remise à niveau scolaire, laquelle n’est pas une formation qualifiante, en 1999/2000. Il pouvait prétendre à une dispense du fait de la situation économique et sociale grave dans laquelle son incorporation l’a placé. Encore eut-il dû être mis au courant d’une telle possibilité.

Le 6 juin 2000, Juanito Mahouy a donc tourné le dos à cette formation qu’il devait entamer le mois précédent. C’est complètement démoralisé et dans un état d’esprit plutôt confus que Juanito s’est conformé à son ordre d’appel en effectuant 700 km pour rejoindre la caserne de l’ETAP, avenue des Martyrs du Pont Long à Pau.

L’encasernement, l’éloignement de ses proches et l’effondrement de son futur sont trop pour Juanito Mahouy qui en fait part à ses supérieurs et demande à consulter un psychiatre. Cela lui est refusé. Aussi, le lendemain 7 juin 2000, M. Mahouy décide de quitter la caserne sans autorisation. Ce qui était alors pour lui une réaction de légitime défense afin de protéger sa santé mentale ne lui est pas une seconde apparu comme une irrégularité.

Se défendre contre la Défense

Suite à sa désertion, les gendarmes lui apportent une convocation pour le tribunal de Pau pour être jugé au 19 mars 2001. Il se rend alors compte de son geste et retourne de son propre gré à la caserne de Pau espérant que l’armée serait cette fois plus encline à régler sa problématique. Juanito y a cru pendant dix minutes. Le temps pour l’armée, qui lui a signifié prendre un rendez-vous pour qu’il voient un psychiatre, de revenir sur sa décision. La douche écossaise a raison de ses nerfs et il s’enfuie à nouveau ce 20 novembre 2000. Le traumatisme n’est pourtant pas effacé et il sera placé en observation en hôpital spécialisé, déprimant et ne sachant que faire entre l’invivable situation de la désertion et l’effroi à l’idée de devoir à nouveau rejoindre la caserne.

Grâce à son amie, Juanito entre en contact début 2001 avec les Sans Nous qui tentent de lui apporter aussi rapidement que possible réconfort et conseil. Il s’agit de permettre à Juanito Mahouy de voir sa régularisation effectuée comme elle aurait pu l’être avant son incorporation au vu des conséquences de celles-ci mais surtout aurait du l’être si la caserne de l’ETAP ne lui avait pas refusé les soins appropriés, une consultation auprès du psychiatre militaire en l’occurrence. Il s’agit aussi d’éviter pour Juanito qu’il ne subisse les conséquences d’un geste nécessaire à sa survie.

Un dossier de réforme sur pièce est monté, appuyé par un courrier de son député et envoyé aux autorités compétentes en la matière. Maître Thebaut, avocat spécialisé dans les affaires militaires, prend en charge la défense de Juanito pour le procès du 19 mars 2001 à 9 heures, TGI de Pau.

Armel pour le Collectif Sans Nous

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