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Chronique de l’obscurantisme

Le djihad, la tolérance et nous…

Le jeudi 14 février 2013.

On parle beaucoup de l’islam radical en ce moment. Que ce soit en France ou ailleurs, au Mali en particulier. Ici et là, c’est bien différent. Cependant un peu partout, si l’islam est relativement peu organisé en tant que tel. Les radicaux, eux, sont organisés. Et on peut bien comprendre que s’ils progressent, s’ils convainquent, s’ils font de nouveaux disciples ici, s’ils gagnent des territoires là, c’est précisément parce qu’ils sont organisés. Et ils ont un projet politique : la soumission pour tous, en commençant par les femmes. Cela étant, évitons un point de vue trop schématique…

Pour ce qui est du schématisme, les médias nous ont montré une opération de communication édifiante : le ministre de l’Intérieur en visite au mémorial de la Shoah de Drancy, où se trouvaient alors « plusieurs dizaines d’imams »… Tout ça pour nous dire que tout le monde prône la tolérance et c’est seulement des méchants qui veulent détruire Tombouctou, et que les autres religieux sont tolérants, eux ! Il faut être bien naïf pour y croire. Comment faire confiance aux religions pour avoir la paix ? Des millénaires d’histoire religieuse prouvent le contraire.

Si la plupart des musulmans n’ont pas envie d’une charia archaïque telle que l’appliquent les groupes islamistes, les imams les plus écoutés au Mali se contentent de la langue de bois pour se distinguer des fous furieux qui terrorisent la population (pourtant musulmane) au nord du pays. Ils trouvent par exemple que la charia ne doit pas être exécutée comme elle l’est en place publique. Ne faut-il pas comprendre que si l’on tranche les mains à l’hôpital il n’y a plus de problème ? Et les couples non mariés, on les fouettera dans l’arrière-salle du poste de police ? Sans parler du caractère expéditif de la justice… On voit bien qu’il y a diverses interprétations du Coran, mais il y a aussi des rapports de forces qui font à un moment ou un autre pencher pour telle ou telle interprétation.

Bien sûr, il y a dans ce conflit des enjeux autres – démonstration pour des ventes d’armements, intérêts économiques locaux, etc. ; on peut aussi ne pas oublier que Ben Laden a d’abord été armé par les États-Unis, que les salafistes du Mali et d’ailleurs ont été armés par Khadafi bien avant sa fin pathétique ou encore par l’Arabie saoudite avec laquelle il faut bien sûr rester ami compte tenu de son influence sur le pris du pétrole, etc. — il n’empêche que le danger totalitaire gagnait du territoire depuis un an avec une facilité qui pose question, mais la situation concrète vécue quotidiennement par les Maliens pouvait-elle se régler pacifiquement ? Les anarchistes ont déjà eu affaire à des conflits par le passé. Face au franquisme soutenu par une Église qu’on dirait aujourd’hui « tradi », les libertaires, assez nombreux, ont jugé préférable de faire la révolution. Plus tard, face au nazisme, moins fringants, certains optèrent pour la résistance, d’autres, plus naïfs, pour le pacifisme. Les temps ont changé : les armées sont professionnelles, les armements sophistiqués et l’appel à la désertion d’autrefois ne serait certainement pas plus efficace aujourd’hui qu’hier. La distance et le nombre des libertaires organisés sur place nous imposent une certaine modestie dans une prise de position ici. Mais ne soyons jamais dupes !

Le Furet