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Salut Mystag

Le jeudi 8 septembre 1988.

Un grand artiste est mort, qui nous a enchanté par ses spectacles. Robert François, dit Mystag, est décédé dans un accident de voiture, brûlé vif — une mort affreuse —, son véhicule ayant pris feu. Né à la Rochelle, il y a soixante neuf ans, il y fonda un groupe libertaire qui fit du bruit dans cette ville bien bourgeoise. Ensuite, il vint à Paris et, à force de travail, il devint prestigiditateur. Il en connaissait des trucs…

Libertaire, libre penseur, il devint illusionniste d’un genre particulier : il luttait contre le surnaturel. Il disait qu’il y avait toujours un truc. Il prétendait autrefois, et avec juste raison, qu’il était capable de faire pleurer les vierges en plâtre. Il était résolument rationaliste.

Il démystifiait le surnaturel en compagnie de Marcel Boll, un professeur de mathématiques, qui fit paraître un livre remarquable intitulé L’Éducation du jugement, livre qui fut exhumé par Charlie Hebdo. Ils firent des tournées très intéressantes et divertissantes, mi-conférences, mi-spectacles, en faveur du rationalisme.

Vers les années 1953, sombre époque pour le mouvement libertaire, lorsque le vénérable Libertaire devint un vulgaire tract électoral à l’instigation de l’aventurier Fontenis, Mystag organisa les conférences de Défense de l’homme. C’était le nom d’une revue que faisait paraître Louis Lecoin. Ces conférences avaient lieu à la salle des « Sociétés savantes », place Saint-Michel. Ce fut le point de départ de la reconstitution de la Fédération anarchiste. Aux « Sociétés savantes », tout le Paris anarchiste défila. Tous les grands orateurs du mouvement libertaire tinrent des conférences. Et Mystag, pas sectaire pour deux ronds, invita aussi les orateurs du mouvement pacifiste. Les conférences de Défense de l’homme se poursuivent aujourd’hui dans la salle de la Libre pensée, rue des Fossés Saint-Jacques. Espérons qu’elles continueront. Mystag était aussi l’animateur des banquets des vieux libertaires et libre penseurs contestataires.

Quand on repense à Mystag, une chose vient à l’esprit : lui au moins n’était pas sectaire et il dégageait de lui une grande fraternité. À sa famille, à sa compagne, nous envoyons nos condoléances. Et devant les illusionnistes religieux et politiques, avec toi Robert, on pensera qu’il y a des trucs à démystifier.

Paulo Chenard