Accueil > Archives > 1984 (nº 512 à 555) > .513 (12 janv. 1984) > [Le premier cabaret libertaire est né]

Le premier cabaret libertaire est né

Le jeudi 12 janvier 1984.

Même Bruant et Monthéhus n’auront pas connu ça. Pauvre Couté ! Envolé sans avoir fréquenté « Le Trou noir ». Qu’importe, il le hantera désormais. Le Trou noir ? C’est l’événement tant attendu ! L’ouverture d’un nouveau « lieu » parisien, certes, mais surtout le premier bistrot à chansons, café-cabaret ou concert. libertaire, qui s’ouvre à Paris, et sans doute en France. Pout tout vous dire, les investigateurs sont issus de ce journal, de Radio-Libertaire, de la Fédération anarchiste ou sa mouvance. Le sigle de l’association (loi de 1901) qui s’en occupe ? L’A.N.A.R.C.H.I.E. [ANARCHIE]. (D’ailleurs, plus personne ne se souvient de ce qu’il signifie.

Il n’est pas possible, ici, de comptabiliser tous les artistes, connus ou moins notoires qui parrainent également ce repaire d’anarchistes, à côté duquel l’ouverture du Centre Pompidou ne fut qu’une vaste rigolade. Sachez seulement que ce vendredi 13 (vive le rationalisme !), Louis Capart inaugurera le bistrot dès 21 heures. Les lendemain et surlendemain, Jacques Florence y viendra notamment redonner à Gaston Couté une place… légitime (mais non, Gaston, si on dit ça, c’est seulement pour te chahuter).

Il est important de préciser que les principes de tarification sont élaborés en totale concertation avec les artistes — il ne s’agit plus pour le cafetier d’opérer un racket sur les artistes et les consommateurs. Le prix demandé (36 F, consommation et spectacle inclus) en témoigne. Cela aussi est unique à Paris. Pour ce qui est de l’ambiance, comment vous la faire sentir… Pour toucher, de ses doigts toucher l’artiste, par exemple, il suffit de lui offrir un verre, au bar ou en salle ; on peut bien entendu apporter son manger, quoiqu’un plat unique soit en confection. Que dire ?… Imaginez la franche atmosphère d’un bouge de Macao associée au raffinement de la poésie discrètement soutenue par des arpèges et harmoniques ensorcelants, faut bien le dire. Ou encore le feu de camp qui fêta la rencontre de Robinson et de Crusoé, ce même vendredi 13, très au large de Pen Marc’h…

Un vide était à combler. Le Trou s’en charge [1].

Jacques Langue


[1Le Trou noir, 34, rue Nationale, Paris 13e. Métro Porte-d’Ivry. Tél. : 570.84.29. Ouverture les vendredis, samedis et dimanches à 19 h, spectacle à 21 h.