Accueil > Archives > 1987 (nº 644 à 688) > .670 (2 juil. 1987) > [« L’Athénéo » vivra]

« L’Athénéo » vivra

Le jeudi 2 juillet 1987.

Des gens bien intentionnés ont attaqué le local anarchiste de Clermont-Ferrand, « L’Athénéo », dans la nuit du 18 au 19 juin 1987. Ces personnes devaient être bien renseignées, car elles ont pénétré à l’intérieur du local après avoir enfoncé une porte condamnée qui n’est pas visible de la rue. Alors il est difficile de croire que ce sont des gens de passage qui ont fait le coup, affirmation émise par la station FR3 régionale.

Le local de « L’Athénéo » n’a jamais connu depuis fort longtemps un aussi grand bouleversement. Les casseurs se sont acharnés sur les archives qu’ils ont éparpillées dans toute la salle. La bibliothèque fût renversée, les livres jonchaient un sol imbibé de colle et d’huile, car ils avaient amené avec eux un seau de colle et un bidon d’huile utilisé dans certaines entreprises. Ceci renforce l’hypothèse d’un acte prémédité.

Pourquoi ces papiers ont-ils été éparpillés de la sorte, pourquoi des éléments inflammables ont-ils été répandus dans la salle ? Voulaient-ils faire de « L’Athénéo » un immense autodafé, au risque de brûler les appartements du dessus ? FR3 régionale a déclaré qu’ils avaient été dérangés dans leur acte décisif. Bref, le local n’a pas brûlé, mais a subi de nombreux dégâts sur le plan historique. Des archives introuvables du mouvement anarchiste et auvergnat risquent de disparaître.

Il n’y a pas tellement de différence entre ce qui s’est passé cette nuit et une photo de 1920 représentant la destruction d’un café de la Maison des syndicats par les fascistes italiens, publiée dans Le Monde libertaire nº 667. Il faut se demander pourquoi ces vandales ont mis tant d’ardeur à saccager le local. Il est vrai que les anarchistes de Clermont-Ferrand sont de méchants provocateurs. Ils se sont permis de mettre au grand jour, dans une vitrine grillagée, la première page du Monde libertaire du 11 juin 1987. Cette première page a-t-elle provoqué le déclic chez les fascistes, qui d’habitude ne font même pas de mal à une mouche (bien entendu si elle est française) ?

Cette supposition personnelle, pas gratuite, doit montrer que le fossé n’est pas très grand entre ce qui a précédé 1922 et 1933 et les événements d’aujourd’hui. Cette destruction bruyante n’a provoqué aucune réaction des locataires du dessus. La police n’a été prévenue que le lendemain matin. Au lieu de trouver du papier sentant l’huile et la mauvaise colle, les policiers auraient bien pu découvrir des corps carbonisés.

Ces gestes de vandalisme, ressemblant aux procédés historiques du fascisme, prendront toujours plus d’importance si la majorité des citoyens continue à se vautrer dans sa lâcheté républicaine. Et dire qu’en 1988, ces mêmes iront voter pour demander plus de sécurité. Mais le cœur de « L’Athénéo », au 8 rue de l’Ange, même saccagé, même dépouillé de tout son héritage culturel et historique, criera toujours liberté.

Gr. Mikhalis-Kaltezas, G.A.E.L., C.N.T.-A.I.T., U.A.