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éditorial du nº 1813

janvier 2020.

Résister, comment ?

Permettez au Comité de Rédaction du Monde Libertaire de vous souhaiter une belle nouvelle révolution solaire, en attendant la très belle révolution sociale et libertaire. Comment se fera-t-elle ? Dans la violence, avec ce capitalisme que l’on arrachera comme une dent pourrie qui aura fini de nous faire souffrir ? Sera-t-elle le fruit d’une nuée d’actions non-violentes qui feront trembler, vaciller États, religions, financiers, patrons, chiens de garde jusqu’à leur chute ?

Quand on parle de non-violence, on songe immanquablement à Gandhi comme s’il en était le mahatma étalon que l’on conserverait dans un virtuel « Pavillon de Breteuil ». Pourtant c’est à Gandhi que l’on doit, en 1920, la réflexion suivante : « Je crois vraiment que là où il n’y a que le choix entre la lâcheté et la violence, je conseillerais la violence […] C’est pourquoi je préconise à ceux qui croient à la violence d’apprendre le maniement des armes. Je préférerais que l’Inde eût recours aux armes pour défendre son honneur plutôt que de la voir, par lâcheté, devenir ou rester l’impuissant témoin de son propre déshonneur. » Position très éloignée de celle prises par des pacifistes à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. Avant de chanter The partisan, Leonard Cohen avait l’habitude de dire : « Je ne crois pas que le monde puisse se permettre le pacifisme. Le pacifisme ravit le cœur des meurtriers. »

Pour nous faire plier, l’État a choisi de réprimer de plus en plus violemment. Pour ne parler que des personnes ayant perdu un œil suite à un tir de flashball, de LBD 40 ou de grenades de désencerclement, ce sont 65 victimes depuis 1999 dont plus de la moitié ces deux dernières années. Ne pas oublier toutes les autres victimes aux blessures plus ou moins grave.

Et surtout, ne pas oublier Zineb Redouane, morte suite à un tir de grenade lacrymogène de la police, alors qu’elle fermait ses volets, au 4e étage, lors des manifestations du samedi 1er décembre 2018 à Marseille.

Ne pas oublier Steve Maia Caniço, mort noyé à Nantes suite à une charge policière contre de dangereux teufeurs indisciplinés un soir de Fête de la musique…

Ces lignes étant écrites alors qu’une fronde anti « réforme des retraites » bouscule l’ordre établi, combien de nouvelles victimes avant la parution de cet éditorial ?

Le contexte social actuel est là pour offrir aux individus qui résistent une palette de modes d’action multiples. À la violence de cette société qui paupérise, de l’État qui lâche ses sbires pour contraindre, certains opposent une violence de légitime défense. Combat truqué, déséquilibré contre les tenants d’un pouvoir que nous voulons détruire. D’autres choisissent la désobéissance non-violente malgré les coups, les provocations, les inculpations Voler le portrait de l’ami des riches qui volent et des flics qui cognent, un crime… Ce serait faire preuve de malhonnêteté de ne pas donner la fin de la citation de Gandhi alors : « Mais je crois que la non-violence est infiniment supérieure à la violence […] Le véritable courage de l’homme fort, c’est de résister au mal et de combattre l’injustice en prenant le risque de mourir pour ne pas tuer, plutôt que celui de tuer pour ne pas mourir. Le plus grand courage, c’est de résister au mal en refusant d’imiter le méchant. »

Nous ne sommes pas là pour donner des leçons. Ni pour louer ou pour blâmer tel ou tel choix. Le camp d’en face, pour imposer son monde use et usera de la violence. Use et usera de la peur des « braves gens » par médias complaisants interposés : « Casseurs, usagers pris en otages, pénurie, risque de chômage technique… ». Violence des mots, terrorisme du Pouvoir.

Face à cette violence officielle omniprésente, quel que soit le choix de chaque « résistant.e », nous nous devons de lui être solidaire.

Bernard pour le CRML


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