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Éditorial

La totale

Le jeudi 5 novembre 1992.

Après l’opération du riz pour la Somalie, hébergez un petit bosniaque pour les fêtes de fin d’année et offrez-lui l’ouvrage sur l’Indienne Rigoberta Menchu, nouveau prix Nobel de la paix. Pour peu que l’association « France-Libertés », présidée par Danièle Mitterrand, organise un spectacle en soutien au peuple kurde, et que vous lui offriez la soirée, vous aurez opéré la bonne action monstre de l’année. Et comme dans les meilleurs films, vous ne manquerez pas de verser quelques larmes quand votre protégé retournera au début du printemps à Sarajevo. C’est si beau de mourir au printemps, sous les arbres fruitiers qui bourgeonnent. De mourir, bien gras, d’une balle, après avoir échappé à la famine et au froid hivernaux, tenant serré contre son cœur le beau livre offert où il est écrit que l’horreur guatémaltèque subie par les Indiens est la même que celle des Balkans.

Hypocrisie révoltante que ces appels continuels à la grandeur d’âme populaire, alors que ceux qui s’en font l’écho, politiciens et médias, n’en n’ont pas cure.

La guerre n’est pas une fatalité. Les massacres ne se font pas à la fourchette. Pendant que l’on nous tire des larmes de crocodile, les marchands de canons des usines d’armement sillonnent le monde à la recherche de nouveaux marchés et de nouvelles victimes. Qu’on se le tienne pour dit en offrant un paquet de riz à la Somalie.