Accueil > Archives > 1992 (nº 852 à 895) > .893 (17-23 déc. 1992) > [Black-out sur Vincennes]

Mal-logés

Black-out sur Vincennes

Le jeudi 17 décembre 1992.

Depuis l’expulsion « humanitaire » (mais sans riz) des sans-logis de Vincennes, silence radio et télé sur les 237 familles dispersées en plusieurs endroits de l’agglomération parisienne. Il semble donc qu’ils n’intéressent plus personne, ces sans-logis révoltés, puisqu’on n’a plus un dénuement de bon aloi et digne de susciter la pitié à montrer aux bons Français compatissants… Il faut dire qu’après une bavure aussi énorme que l’expulsion, le gouvernement avait intérêt à enterrer l’affaire.

Pourtant, ils existent encore. 237 familles éclatées, dont les membres sont placés dans des hôtels, des foyers… Certains ont de ce fait perdu leur emploi. Beaucoup d’enfants ont vu leur scolarisation refusée par les municipalités d’accueil. Et encore et toujours le scandale de l’hôpital de Limeil-Brévannes, géré par l’Armée du Salut, devant lequel campent encore 22 familles !

Mais qu’importe ! Tout cela compte si peu que Jean Tibéri (RPR, de la municipalité de Paris) a pu s’indigner, lors d’une visite du foyer de la rue de Crimée, qui héberge des femmes de Vincennes, du laxisme du gouvernement quant aux Maliens de Vincennes, notamment et surtout à propos de « problèmes de polygamie » !

Malgré tout, les sans-logis continuent leurs actions : manifestations, occupations de mairies et lieux publics, avec aussitôt expulsions par les flics. Ils ont réussi pour la première fois, le 10 décembre dernier, à obtenir une entrevue avec Marie-Noëlle Lienemann, le ministre du Logement. Celle-ci leur a annoncé les quelques mesures qu’elle daignait accorder pour résoudre le problème du logement :
— l’achat pour un montant de 50 millions de francs d’ALGECO, ces baraquements modernes (de l’art de jeter l’argent par les fenêtres…) !
— la réquisition de quelque 300 logements vides, dont une petite partie seulement est destinée à ceux de Vincennes, le reste servant pour les 70 000 mal-logés de Paris !

Mesures d’envergure, à n’en pas douter, d’autant plus qu’elle prévient ne pas être sûre d’arriver à les mettre en œuvre d’ici mars 1993… et les législatives. C’est à se demander de qui on se moque. Face à cela, les familles continuent de maintenir la pression, notamment pour obtenir le règlement de la première urgence à leurs yeux : les familles de Limeil-Brévannes. Elles vous invitent à les rejoindre lors de la manifestation parisienne du samedi 19 décembre, dont le rendez-vous est fixé à 15 heures au métro Ménilmontant.

Bertrand Dekoninck