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Coupe du monde de football

combattre le système prostitutionnel !
Le jeudi 1er juin 2006.

Grâce à la diffusion ’une pétition initiée par la CATW [1], une certaine médiatisation a montré le phénomène de développement de l’offre prostitutionnelle (ou de la demande, selon que l’on se place du point de vue des personnes prostituées ou des clients de la prostitution) au moment de la Coupe du monde de football en Allemagne en juin 2006.

Rappelons que lors des Jeux olympiques d’Athènes en 2004, la ville avait failli autoriser l’ouverture de trente maisons closes mais que le mobilisation avait mis un terme, au moins dans son aspect public, à ce projet.

La prise de position du sélectionneur de l’équipe française [2] est assez laconique et prête à discussion : quand il dit « s’élever contre la traite des blanches », il oublie que des femmes du monde entier, et notamment d’Afrique, vont subir cette violence. Quand il se désole que l’on « ramène le foot à une dimension écharpe, bière et nanas », il nie l’existence de la violence, de l’alcool et du machisme inhérents aux clubs de supporters. Il se dit « presque choqué qu’on puisse parler de femmes comme ça, comme des esclaves ou du bétail » : pourquoi ce « presque » ? Il ne serait donc pas totalement choqué ?

Quelques arguments de Didier Bariani, vice-président de l’UDF, publiés par Le Monde le 20 avril 2006, sont également discutables.

« Incapables d’endiguer une violence qui les dépasse et de contrôler un racisme qu’elles déplorent, les fédérations se constituent en souteneurs de surcroît. »

Ces propos font sans doute allusion au racisme que les supporteurs expriment envers certains joueurs. Or le racisme devrait, non pas « être contrôlé », mais être puni, comme le prévoit la législation française.

« Si le sport se fonde sur le respect de l’autre et de sa dignité, cela passe forcément par le respect de la moitié de l’humanité. »

Quand on voit les pratiques concurrentielles exacerbées entre les sportifs, le dopage, le sexisme (avec, par exemple, l’oubli quasi systématique des sportives), on peut s’interroger sur le respect et la dignité ! Cette phrase entretient le leurre d’un sport fair-play, éducatif, situé hors de la société et indépendant des financiers. Le prix des places au stade de France montre bien l’inverse : 2 000 euros au noir pour un match récent, occasionnant une agression et une tentative de vol.

Entre mafia qui organise la prostitution et foot qui propose son spectacle toujours payant, ce sont deux facettes du business mondialisé qui sont en complémentarité pour assurer le plus de profits possibles.

Cependant, la pétition initiée par la CATW est sujette à réflexion : par exemple, « dire non à la prostitution des femmes » reviendrait-il à dire oui à la prostitution des hommes ? Ou encore se prononcer contre la prostitution « pendant la Coupe du monde de football » aura-t-il pour conséquence de dire oui à la prostitution avant et après l’événement ? Comme le fait remarquer Marie-Victoire Louis, utiliser des termes comme « acheter du sexe » ou « des femmes importées » banalise l’acte en lui donnant un vernis commercial, de même quand il est question d’« acheteurs », et de « touristes sportifs/sexuels ». Aucun de ces termes ne s’inscrit dans une logique de condamnation, bien au contraire.

Le Conseil de l’Europe a demandé au président de la FIFA de condamner la « prostitution forcée ». Une campagne intitulée Ab Pfiff (coup de sifflet) exige que les prostitueurs (ceux qui paient pour ça) s’informent auprès des personnes prostituées pour savoir si elles sont là volontairement ou non. Belle hypocrisie !

Rappelons que la prostitution est légale en Allemagne et qu’elle connaît une croissance qu’envieraient bien des entreprises ! Les autorités estimaient le nombre de personnes prostituées à 200 000 en 1998 et à 400 000 en 2006. Environ 75 % d’entre elles seraient d’origine étrangère, victimes du proxénétisme international.

La seule dénonciation de la prostitution forcée légitime la prostitution légale en la faisant passer par une prostitution librement choisie. Or toutes les associations venant en aide aux personnes prostituées le savent bien : personne ne rentre jamais librement dans le système prostitutionnel ; il arrive seulement qu’on y reste par manque de choix de solution et d’aides réelles pour son abandon. En France, plusieurs associations ont lancé une campagne dont l’objectif est la sortie de la prostitution et la revendication « Pour sortir de la prostitution, un titre de séjour ! » [3].

La mobilisation s’organise à l’initiative d’associations féministes. De ce fait, et par ses fermes positions abolitionnistes, il semble que la Suède ait retiré la participation de son équipe nationale à cette Coupe du monde.

Le véritable scandale n’est donc peut-être pas tant dans le développement de la prostitution en juin dans douze villes allemandes que dans l’existence même de ce type de relations entre des êtres humains :
— Nous refusons cette marchandisation des corps et cette commercialisation de la sexualité humaine ;
— Nous dénonçons les profits des proxénètes et les revenus des taxes et impôts qui font de l’État allemand un des principaux souteneurs d’Europe ;
— Nous revendiquons la libre disposition de nos corps et des relations amoureuses librement consenties et gratuites !

Rose Paradis


[1Coalition Against Trafficking in Women, http://catwepetition.ouvaton.org.

[2http://www.football365.fr/bleus. Page consultée le 24 avril 2006.

[3ATMF, FASTI, GASProm, ASTI Nantes, LDH, Mouvement du Nid, RAJFIRE (liste en cours).
Contact : FASTI, 58, rue des Amandiers, 75020 Paris.