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Au revoir, Anthony !

Le jeudi 23 janvier 2014.

La nouvelle abrupte de la mort d’Anthony Lorry, le 5 janvier 2014, a frappé de stupeur le petit monde de l’histoire sociale, et plus particulièrement sa sensibilité libertaire.

Anthony était, depuis 1998, bibliothécaires au Cedias-Musée social, à Paris (VIIe). Il aimait en faire partager les trésors, et bon nombre d’étudiants et de chercheurs de tout acabit se souviendront de sa disponibilité, de sa jovialité et de son professionnalisme décontracté.

Pour les rédacteurs du Maitron des anarchistes, un projet auquel Anthony participait activement, se rendre au Cedias, c’était aussi la perspective de se glisser dans son étroit bureau. Là, coincé entre les piles de vieux bouquins et les montagnes de dossiers, sous les yeux pochés du vieux Bakounine, on s’autorisait volontiers une demi-heure de discussions passionnées, sourire en coin. On passait en revue les débats du moment ; on discutait sur le syndicalisme révolutionnaire de jadis et d’aujourd’hui ; on ressuscitait Émile Pouget, Pierre Monatte, Georges Yvetot et, bien sûr, Fernand Pelloutier, auquel il avait consacré un Web très documenté (www.pelloutier.net).

Anthony était né le 4 décembre 1972 à Clichy-la-Garenne. Libertaire, il était toutefois toujours resté à la lisière du militantisme organisé. Après avoir demandé son adhésion à Alternative libertaire au milieu des années 1990, sans concrétiser, il avait rejoint la CNT et plus précisément sa revue, Les Temps maudits, jusqu’en 2004.

C’est dans le cadre professionnel, en tant qu’historien, qu’Anthony s’était montré le plus actif, voire suractif, se démultipliant pour participer à de nombreux projets.

En 1995, sous la direction de Jacques Girault, il avait rédigé un mémoire sur les anarchistes et les syndicats en banlieue nord de Paris, entre 1880 et 1912. Refusant de faire son service militaire, il avait ensuite travaillé pendant dix-huit mois comme objecteur de conscience au Cedias, à l’invitation d’une grande dame de l’histoire sociale, Colette Chambelland. Embauché par la suite, c’est là qu’il œuvrait depuis, en binôme avec Michel Prat. Il avait notamment beaucoup travaillé à l’informatisation du Cedias, puis au programme de numérisation de certaines collections, au sein du Collectif des centres de documentation en histoire ouvrière et sociale (www.codhos.org). Il avait également aidé la Société d’études jaurésiennes, la Société d’économie et de sciences sociales et la revue Mil neuf cent (ex-Cahiers Georges Sorel) à se doter d’un site Web.

Outre le syndicalisme révolutionnaire, auquel il avait consacré plusieurs études, Anthony s’intéressait beaucoup à l’économie sociale. Le Cedias a accueilli, en 2005, les archives de la Fédération nationale des coopératives de consommation, et Anthony s’était beaucoup impliqué dans la valorisation de ce fonds, estimant qu’il y avait là des aspects méconnus du mouvement ouvrier à explorer.

Le 10 janvier, plus d’une centaine de personnes étaient présentes à ses obsèques, à Herblay (Val-d’Oise), où il vivait. Il reposera à Fontenay-sur-Conie (Eure-et-Loir), le village de sa famille, auquel il était très attaché. L’équipe du Maitron des anarchistes tient à témoigner toute sa solidarité et sa tristesse à ses amis, sa famille, sa compagne et ses enfants. Le Cedias-Musée social envisage d’organiser une journée hommage et le Maitron des anarchistes, qui paraîtra le 1er mai, lui sera dédié.

L’équipe du Maitron des anarchistes