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« Paul Roussenq : le bagnard de Saint-Gilles » Daniel Vidal

juillet 1998.

C’est une heureuse et poignante surprise que les responsables des éditions du Monde libertaire et d’Alternative libertaire nous ont réservée avec le premier ouvrage de leur toute nouvelle collection de brochures, intitulée « Graine d’ananar » et consacrée à des personnages qui, par leur vie, leurs écrits ou leur participation aux événements révolutionnaires qui ont secoué l’Histoire, auront marqué le mouvement anarchiste français ou international.

Surprise heureuse, en effet, car le personnage évoqué ici demeurait jusque-là inconnu au bataillon des personnalités qui peuplent le panthéon libertaire, et c’est le premier grand mérite de Daniel Vidal, auteur du texte, de l’avoir tiré de cet oubli tragique où Paul Roussenq demeurait depuis trop longtemps. Mais poignante surprise aussi car, comme l’indique le sous-titre, « le bagnard de Saint-Gilles », la vie rebelle de l’homme qui nous est présenté là, avec surtout ce qu’il aura à payer pour son courage et sa fidélité à un engagement sans détours ni compromis, nous laisse une fois encore secoué, ému et révolté tout à la fois. Vous découvrirez les raisons pour lesquelles Paul Roussenq, fils d’ouvriers agricoles du Gard, passera plus de vingt années de son existence en prison et surtout au bagne, dont dix de cachot. Elles vous feront apprécier à sa juste valeur, souhaitons-le, la grande humanité de notre déjà grande et belle République des droits de l’homme, fière et généreuse, du temps des colonies pénitentières, du temps de Cayenne où l’on envoyait pourrir et crever les indésirables.

La période qui couvre le long séjour de Paul Roussenq à Cayenne n’est pas sans rappeler, bien sûr, cet autre grand bagnard du mouvement libertaire, Marius Jacob. La même détermination, la même subordination, les semblables condamnations et lourdeur de peine, son combat acharné auprès de l’administration pénitentiaire pour faire entendre sa voix et lutter contre les conditions de survie scandaleusement déplorables imposées aux déportés, aussi une correspondance avec sa mère, qui cependant ne vivra pas assez longtemps pour avoir la chance, comme celle de Jacob, de revoir son fils au retour du bagne.

Un militant presque oublié

De retour dans sa région après une campagne en sa faveur, Paul Roussenq continuera son combat contre une société inique et les pourrissoirs réservés à ceux qui n’en acceptent pas les règles. Cela amènera les communistes de sa région à tenter habilement de l’utiliser à leur profit, sans grand succès. Car après un voyage effectué au pays dit faussement « des soviets », Roussenq fera savoir, à travers un long article, dont un extrait nous est offert ici, la réalité de l’imposture bolchévique.

À 64 ans, Paul Roussenq se donnera la mort, comme Marius Jacob devait le faire lui aussi, après avoir passé les dernières années de sa vie à prendre la parole dans des conférences organisées par les groupes anarchistes, dans le sud de la France principalement.
C’est une vie bien remplie, droite et digne, qui nous est offerte ici en lecture. Il faut remercier chaudement Daniel Vidal, mis sur la voie de ce bagnard oublié de presque tous par de vieux militants libertaires gardois, et qui a su faire preuve d’une saine et fructueuse curiosité pour mener cette recherche et effectuer ce travail qu’aucun historien professionnel n’a jamais fait, et pour avoir su nous offrir ce texte émouvant, rédigé d’une plume chaleureuse et belle qui nous fera regretter que ce camarade n’écrive pas plus souvent.

Lisez, dans une nouvelle collection, cette première brochure, première réussite. C’est d’un intérêt constant et c’est surtout, de la part de son auteur, avoir fait œuvre de justice envers un homme debout que de nous permettre de faire enfin sa connaissance.

Floréal


éditions du Monde libertaire, collection Graine d’ananar.