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éditorial du nº 578

Le jeudi 6 juin 1985.

Le gouvernement socialiste bat décidément tous les records d’hypocrisie en matière d’« antiracisme ». Le double langage est à l’ordre du jour. D’un côté l’État-PS met tout en œuvre pour s’afficher auprès de l’association SOS-Racisme, chapeautant ostensiblement la grand-messe des « Touche pas à mon pote » à la Concorde. Par ailleurs, Mitterrand avance l’idée du droit de vote pour les immigrés, posant ainsi quelques jalons de plus en vue de l’échéance électorale de 1986.

De l’autre, il décide la construction ou la réouverture de treize centres de rétention pour les immigrés jugés en « situation irrégulière ». Ces centres, véritables camps de déportation pour les « irréguliers » en attente d’expulsion, avaient connu leur heure de sinistre gloire il y a dix ans, notamment celui de Marseille (Arenc). L’existence de ces centres de détention placés sous l’autorité des ministères de la Justice, de l’intérieur et de la Défense nationale, s’appuie uniquement sur l’article 19 de l’ordonnance de 1945, qui visait à l’époque les étrangers en situation irrégulière coupables de délits de droit commun. Aujourd’hui, ce sont des travailleurs immigrés, leurs familles qui, n’ayant commis aucun délit, y sont séquestrés plusieurs jours, voire plusieurs semaines dans l’attente de l’expulsion décidée en vertu du décret de décembre 1984 et de la circulaire du 4 janvier 1985.

Cette nouvelle mesure de discrimination envers une partie de la population laborieuse de ce pays s’inscrit dans la stratégie gouvernementale, multiforme, qui vise à circonscrire le combat antiraciste à ses manifestations les moins subversives, celles qui n’amènent pas à considérer le fond du problème. Focaliser l’antiracisme sur l’effet Le Pen, le limiter comme le fait SOS-Racisme à un humanisme de bonne conscience, tout ceci participe à une même volonté : diviser pour mieux régner. Et qui, mieux que les immigrés, peut servir de bouc émissaire. L’exploitation économique est une, immigrés comme Français la subissent. Les efforts du fusible gouvernemental qu’est SOS-Racisme ne suffiront certainement pas à garder l’antiracisme sur une voie restreinte. Nous devons tout faire pour élargir la lutte antiraciste. Le racisme, ce n’est pas uniquement la ségrégation raciale.