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La police pète les plombs à Lille

Le jeudi 1er février 2001.

Deux bavures en deux jours. Difficile de faire mieux. Des arrestations arbitraires de sans papiers d’abord. 10 pompiers blessés et une main arrachée ensuite. L’impunité dont bénéficient les forces de l’ordre depuis quelques mois sur Lille, en liaison directe avec l’augmentation palpable de policiers affectés aux BAC et de CRS, devait finir par avoir des conséquences tragiques.

Mercredi 24 janvier vers 21 h, des policiers de la BAC opèrent un contrôle d’identité à quelques pas du local où les sans papiers sont en assemblée générale. Ce contrôle vise deux personnes visiblement d’origine étrangères qui se dirigent vers le local des sans papiers. La provocation policière est évidente.

Les personnes interpellées font partie du CSP-59. Quelques personnes se dirigent vers les policiers et protestent contre une arrestation arbitraire en criant « Solidarité avec les sans papiers ! » Aussitôt, plusieurs voitures de polices les entourent. Ils sont violemment collés au mur, et menacés de procès pour outrage. Pendant ce temps, les sans papiers du CSP-59 quittent leur AG pour se porter au secours de leurs camarades. Les agents de police sont très énervés. Pour éviter que cela ne dégénère, Roland Diagne, membre du bureau du CSP-59 accepte de suivre les policiers au commissariat, tandis que les sans papiers le suivent en manifestant. À noter que la commissaire qui est chargée du maintien de l’ordre sur la voie publique et qui suit toutes les manifestations de sans papiers est présente lors de cette « opération de routine » ce soir-là. Bizarre, bizarre…

On apprendra par la presse que Roland Diagne avait été entendu pour incitation à l’émeute ! On ignore encore si des poursuites à son encontre sont envisagées, même s’il semble à peu près évident que c’était là l’objet de cette grossière manipulation policière.

La seconde affaire est cependant nettement plus tragique. Le jeudi 25, au matin de la grande manifestation pour la défense des retraites, 400 pompiers manifestent à Lille. Face à face avec les gardes mobiles, devant la préfecture. Les pompiers arrosent copieusement les gendarmes avec de la mousse du haut de leur grande échelle avec une lance à incendie. Pas très méchant ni violent. Par contre la riposte policière fera 10 blessés parmi les pompiers, dont un qui a perdu la main, déchiquettée par l’explosion d’une Grenade Lacrymogène d’Intervention (GLI, au fort pouvoir détonnant, nous dit la presse locale). « Les sapeurs pompiers ont noyé le premier rang de CRS sous la mousse, ce qui les a neutralisé. Les gendarmes sont venus en renfort et deux GLI ont été envoyées. Malheureusement un des pompiers en a ramassée une et elle a explosé. C’est tristement simple [1] », s’est borné à constater le préfet de Police, Jacques Franquet, précisant qu’une enquête était en court.

Reste que ces grenades sont censées être envoyées en l’air pour y exploser avec une détonation assourdissante. Reste aussi que l’intersyndicale a dépêché un huissier sur place pour prendre des photos témoignant de « la présence au sol d’éléments attestant que les forces de l’ordre ont utilisé des projectiles explosifs », en l’occurrence, selon un témoignage que nous n’avons pas pu confirmer, des petits plombs. Les pompiers ont entamé une grève illimitée.

Bertrand Dekoninck. — groupe de la métropole lilloise


[1Nord-Eclair, 26 janvier 2001