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Les dix ans de Radio-Libertaire

« Chroniques syndicales »

des dossiers et des luttes
Le jeudi 10 octobre 1991.

Dix ans de Chroniques syndicales » sur Radio-Libertaire ça se fête… par un débat !
Rendez-vous avec l’équipe samedi 12 octobre, de 14 h à 18 h à l’AGECA 177, rue de Charonne, 75011 Paris.



Un beau jour de l’année 1981, dans un local de la rue Jean-Pierre-Timbaud, quelques « compères » et « commères ». militants et militantes anarcho-syndicalistes conversaient de l’organisation d’émissions sociales et syndicales sur une radio à créer dans le mouvement libertaire, émissions à diffuser vers 6 heures du matin, à l’aube des journées des « travailleurs ».

Le projet à mener n’était pas aisé : informer des luttes sociales, de une à plusieurs fois par semaine aux heures de grande écoute des radios gouvernementales et privées périphériques, exige une disponibilité sans faille de la part de militants largement engagés fans les multiples activités syndicales et au sein du mouvement anarchiste. Cependant, l’idée se peaufinait dans un « restau » de Belleville, si bien qu’à la création de Radio-Libertaire, quelques mois plus tard, une émission hebdomadaire prenait forme : « Chroniques syndicales ».

Vouloir appliquer le principe de la 1re Internationale. « L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes » suppose de donner la parole surtout aux acteurs des mouvements sociaux : qu’ils fassent l’information sur leur lutte ; qu’ils analysent et livrent leurs réflexions. Les animateurs prirent ce pari-là, que la parole ne soit pas interprétée (confisquée).

Ils firent en sorte d’aborder les questions d’un point de vue anarcho-syndicaliste : ne s’arrêtant pas seulement au fait syndical et aux frontières de l’entreprise, abordant les luttes des femmes, des étudiants et lycéens, des précaires, des chômeurs, des paysans, tenant des propos sur les conditions de travail, mais aussi de vie, notamment au sujet des foyers de travailleurs, des questions de logement, d’écologie, d’éducation ou d’antimilitarisme (ainsi, au moment de la guerre du Golfe, furent rappelées les positions historiques anti-guerre du mouvement ouvrier révolutionnaire).

Des luttes, donc, en priorité présentées en direct sous forme de « dossiers » ou de « brèves » : victoires ou défaites, mais
aussi manière de s’organiser, de gérer le combat. Car au-delà des revendications exposées, expliquées, n’y a-t-il pas à chercher dans les pratiques d’assemblées générales, de collectifs de mobilisation, de coordinations, les éléments d’action directe, de mandatement contrôlé, d’auto-organisation, si chers aux formes révolutionnaires. Faut-il rappeler que l’émission a servi, ici ou là, à favoriser l’unité d’action, après quelques propos acerbes contre les sectaires. Ailleurs, elle permit les « rencards » de grévistes. L’émission fut, ainsi, utilisée à bon escient comme outil d’information.

Tous les sujets sont abordés

L’actualité syndicale, c’est encore les congrès syndicaux, avec leurs longues listes d’exclusions. Évidemment, la parole fut donnée aux « oppositionnels » et aux « moutons noirs ». Si des représentants des confédérations CGT, CFDT, FO et de la FEN furent invités, le micro s’ouvrit, par ailleurs, aux militants de la CNT, de la Confédération paysanne, du CRC-Santé-Sociaux, du Syndicat démocratique des banques (SDB), de l’ex-Syndicat de lutte des travailleurs d’Usinor Dunkerque (SLT), du SNPIT (Air Inter), du SNUI (Impôts), du SUD-PTT… rares ont été les secteurs oubliés. Nombreux ont été les dossiers abordés : impôts, sidérurgie, automobile (Peugeot, Talbot), transports, aéronautique, PTT, santé (CPAM 91, secteur social), agriculture, enseignement, modèles des Beaux-Arts, hôtellerie, restauration, banques, assurances… et encore mouvements lycéen et estudiantin. Bien des luttes, des grèves dures et prolongées ont été mises en lumière. À cela, il faut encore ajouter les dossiers juridiques de droit social (de type DP, Prud’hommes…) avec la participation de militants CGT de La Vie ouvrière Impôts. Aux informations hexagonales sont venues s’ajouter les informations internationales, avec la rubrique hebdomadaire où sont venus des militants des pays de l’Est, des États-Unis, du Maghreb, d’Afrique, d’Amérique du Sud, de Chine, du Kurdistan, de Kanaky…

À la suite d’amicales sollicitations, mais surtout pour reprendre la parole de Pelloutier « Instruire pour révolter », s’est mise en place une collaboration régulière avec les Éditions Ouvrières, les éditions Spartacus et les Cahiers d’Article 31, proposant une chronique très diversifiée relative à des ouvrages sur Gracchus Babeuf, les frères Boneff, le travail des enfants au XIXe siècle ou encore sur le Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier (le Maitron). En cette rentrée 1991, cette chronique régulière, avec d’autres dossiers sociaux et syndicaux, constitue les « Chroniques rebelles », une nouvelle émission, émanation des « Chroniques syndicales » du samedi.

À l’origine, les animateurs des « Chroniques syndicales » militants des groupes anarcho-syndicalistes Bertho-Lepetit et Pierre-Besnard de la Fédération anarchiste, étaient organisés surtout à la CGT et à la CFDT. Sous la tempête des exclusions et sous les bourrasques de la recomposition syndicale à la sauce social-démocrate, certains ont rejoint la CNT, d’autres furent à l’origine de la création du CRC-Santé-Sociaux, du SUD-PTT et quelques uns persistèrent. néanmoins, à militer à la CGT ou à la CFDT. Alors que d’autres ont abandonné toute étiquette syndicale. Mais tous ont la même volonté de développer un mouvement syndical révolutionnaire.

Parmi les animateurs, celles et ceux qui assurent la technique opèrent aussi le choix des pauses musicales en relation astucieuse avec les propos tenus ! Certains invités apportent leurs illustrations musicales. Le blues du syndicalisme de François Béranger ouvre et clôt l’émission depuis, maintenant, dix ans, malgré des velléités de modifier l’indicatif musical (pour le rajeunir ?). Mais l’équipe n’a pas trouvé mieux, à ce jour…

Si l’on en croit les sondages. « Chroniques syndicales » est l’une des émissions les plus écoutées sur Radio-Libertaire, non seulement parce que c’est un discours syndicaliste-révolutionnaire mais aussi parce que, sur la bande FM, c’est le seul espace où les salariés et les citoyens peuvent parler eux-mêmes à tout moment et sans intermédiaire de leurs luttes engagées contre les injustices et les inégalités politiques et économiques. Un espace ouvert, que l’équipe entend bien maintenir encore de longues années…

Hélène pour l’équipe de « Chroniques syndicales »