Accueil > Archives > 1957 (nº 24 à 33) > ..24 (janv. 1957) > [La Compagne de Lecoin n’est plus [Marie Morand] ; Foncette Gaultier ; (...)]

Ceux qui s’en vont

La Compagne de Lecoin n’est plus [Marie Morand] ; Foncette Gaultier ; Albert Drémierre

janvier 1957.

 La Compagne de Lecoin n’est plus
Un deuil cruel autant qu’inattendu est venu frapper notre ami Louis Lecoin le 29 décembre dernier dans ce qu’il avait le plus cher au monde.

Marie Morand, sa vaillante compagne, celle des bons et des mauvais jours, lui était enlevée à l’âge de 61 ans, succombant soudainement, alors qu’elle paraissait en plaine santé, à une attaque d’angine de poitrine.

C’est pour notre cher Lecoin le coup le plus terrible qui ait pu l’atteindre au soir d’une existence déjà si éprouvée.

Retirés tous deux, depuis quelques années, sur la Côte-d’Azur, ils n’avaient pourtant pas capitulé et s’employaient, lui à la rédaction, elle l’aidant à l’administration, à assurer la parution mensuelle de la revue Défense de l’homme.

Cependant, on sait que notre ami avait du, voici dix-huit mois, abandonner la responsabilité de sa revue pour ménager sa santé devenue plus fragile.

À ce moment, rien ne pouvait laisser prévoir une disparition aussi brutale et Louis Lecoin pouvait espérer gouter un repos mérité en compagnie de celle qui - militante des PTT plusieurs fois sanctionnée pour son action - le soutint sans défaillance durant plus de trente-cinq années dans son apostolat au service des opprimés. Plus d’une fois les proscrits auquels le droit d’asile était refusé purent apprécier l’accueil de cette amie des déshérités, dont le rôle, pour effacé qu’il soit, n’en était que plus méritoire.

D’une part, qui dira jamais l’effort d’abnégation de sa compagne et le réconfort que constitua son affectueuse sollicitude au cours des longues années d’incarcération subies par celui d’entre nous qui paya le plus de sa personne.

Le sort, hélas ! n’a pas permis que leur souhait d’un repos commun, enfin réalisé, se poursuive plus avant.

Nous avons pu joindre notre ami au téléphone et nous rendre compte de l’affreuse douleur où l’a plongé cet arrachement.

Il nous a dit son désir de fuir le lieu qui lui rappelerait si cruellement le souvenir de sa chère disparue. Il va revenir près de sa fille et de son gendre, Jean Béringer, dans cette région parisienne où il reste attaché par mille liens, par les campagnes mémorables qu’il sut mener contre les iniquités sociales et où il se dépensa si souvent pour les victimes de la répression.

Pour résister à cette cruelle épreuve, celui qui a tant donné de lui-même pour sauver tant et tant de persécutés et dresser les peuples contre les fauteurs de guerre et de servitude est en droit de compter sur la chaude affection de tous ceux qui ont su l’apprécier.

Nous ne la lui ménagerons pas ; nous l’aiderons à surmonter son accablement et à combler le vide immense laissé par l’absence de celle qu’il chérissait.

En cette pénible circonstance, la grande famille libertaire saura, une fois de plus, resserrer ses liens autour du vieux militant dont l’infinie détresse morale réclame le réconfort fraternel de tous ses amis.

Ce sera notre façon de lui manifester, ainsi qu’aux siens, la part que nous prenons à leur peine
Nicolas Faucier

 Foncette Gaultier
Nous apprenons la mort, survenue le 18 novembre 1956 à l’asile de vieillards de Saint-Denis, à Châteauroux (Indre), d’une vieille militante bien connue dans nos milieux, Foncette Gaultier.

Jusqu’au dernier jour, elle s’était tenue en contact avec nos amis, qui se sont toujours intéressés à son sort et souciés de ne la voir manquer de rien.

 Albert Drémierre
Ce vendredi 21 décembre était incinéré au colombarium du Père-Lachaise, en présence de quelques amis venus lui rendre un dernier hommage, le corps d’Albert Drémierre, âgé de 70 ans, bien connu dans les milieux libertaires et syndicalistes pour son inlassable dévouement à la cause émancipatrice à laquelle il s’était voué.

Il fut de toutes les actions, à sa place de militant, négligeant ses propres besoins pour se porter au secours des déshérités.

Les campagnes en faveur des proscrits, la solidarité à l’Espagne révolutionnaire, puis la guerre et l’action clandestine sous l’occupation, autant d’occasions pour lui de donner la mesure de son apostolat.

Pour ceux des militants parisiens qui purent l’apprécier, il restera un exemple dont le souvenir réconfortant les soutiendra dans les luttes à venir.