Comme dans tout mouvement d’importance, la contestation de l’évolution globale des scops et de leur représentation existe. C’est après le congrès de Lyon de la Confédération Générale des Scops (CG Scops), en 2000, où des clivages forts se sont manifestés sur la question de l’évolution des statuts de la CG et des scops, que l’association « Economies Solidaires et Coopératives » est née. Depuis, l’association publie une « Lettre d’Escoop » afin de porter la réflexion et les interrogations parmi les coopératives et leurs membres. L’un de ses objectifs est d’être un lieu d’expression, et d’élargir le cercle coopératif au delà du mouvement, qui tendrait à se scléroser, par manque d’ouverture. « C’est l’une des critiques que nous formulons au mouvement aujourd’hui », souligne le secrétaire d’Escoop, Pierre Guiard Schmid, interrogé par téléphone. « Lorsque le développement des coopératives se fait sans réflexion et sans distance vis à vis du développement de l’économie libérale, allant même jusqu’à adopter la mise en concurrence avec les entreprises classiques, on renonce à contester le capitalisme et ses valeurs, et on cherche même à faire mieux ».
Dans le numéro de l’hiver 2005 de la « Lettre », le secrétaire de l’Association faisait part d’autres inquiétudes : « Se développer, tel est l’enjeu majeur des organisations coopératives qui représentent et regroupent les SCOPs. On peut s’interroger sur ce mot d’ordre qui n’est pas nouveau et qui revient de façon récurrente. […] Le développement sans fin est-il durable et souhaitable ? […] Il serait temps que les scops apportent leur réponse, plutôt que de vouloir rivaliser sur le libre marché qui, nous le constatons, creuse sans cesse le fossé entre les riches et les pauvres et nous conduit à des affrontements toujours plus violents, sans que nous le dénoncions avec force ».
Les institutions du « mouvement » sont aussi pointées du doigt à cause de leurs prises de position. Ainsi, l’Alliance Coopérative Internationale, sorte de « Vatican des coopératives », forte de ses 800 millions d’adhérent-es, et de son rôle de référence auprès des États et de consultante de l’ONU, déclarait à l’occasion de ses 82èmes Journées internationales, le 3 juillet 2004, qu’elle était en faveur d’une « mondialisation juste ». Dans une déclaration, elle expliquait notamment : « […] En soi, la mondialisation n’est pas forcément négative. Le défi consiste à la rendre plus juste et à en distribuer les bénéfices plus largement. Le mouvement coopératif est prêt à tenir son rôle. […] À titre d’exemple, les coopératives mondialisent leurs activités au travers de coopératives transnationales qui respectent les communautés locales tout en étant concurrentielles face aux multinationales… » Pierre Guiard Schmid relève que le mouvement français est assez aligné sur ce genre de développement ambigu et qu’il prend le risque de s’y perdre en s’éloignant des valeurs fondatrices de la coopération, au motif d’une modernité qui n’est plus porteuse de sens.
Un point de vue qu’André Fanelli, le président d’Escoop partage, en écrivant dans la Lettre de l’hiver 2005 : « Ceux qui ont fait émerger ces nouvelles formes d’économie, il y a plus d’un siècle, avaient sans doutes des objectifs plus élevés que de créer seulement un nouvel actionnariat, ils étaient résolument anticapitalistes et peu attirés par les bureaucraties ».
Pour l’instant, les adhérents d’Escoop estiment qu’il n’est pas l’heure de créer une Confédération des Scops alternative. Mais si Escoop regroupe des personnes et des structures critiques, tous restent adhérents à la Confédération. « Nous voulons apporter de l’information et des réflexions, prémisses à la refondation du mouvement ». De fait, la CG Scop parait monolithique par le peu de diversité des opinions s’y manifestant, par son existence surtout centrée sur le seul terrain économique. Pour initier cette refondation, les adhérents d’Escoop travaillent de façon décloisonnée avec des associations qui ne sont pas forcément coopératives, et ont mis en place une entraide concrète avec l’Union des coopératives du Burkina Faso (UCIAB), pour que la règle de l’entraide entre coopérateurs ne restent pas un message relégué aux oubliettes.
Daniel Vidal
Du groupe Gard-Vaucluse de la Fédération anarchiste