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articles du ML1195

du 2 au 8 mars 2000
Le jeudi 2 mars 2000.

https://web.archive.org/web/20040506180744/http://www.federation-anarchiste.org/ml/numeros/1195/index.html

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Pour un service public autogéré

Depuis plusieurs semaines des tensions persistantes secouent plusieurs secteurs d’activités dépendant de la fonction publique ou y étant assimilés. Si chaque branche lutte pour des revendications qui lui sont spécifiques, l’application des 35 heures dans les PTT, les insuffisances de la nouvelle carte scolaire dans l’enseignement, la restructuration hospitalière dans la santé, la redéfinition des fonctions des employés au ministère des finances, etc., il n’empêche que les salariés revendiquent tous la nécessité qu’il y a à accroître le nombre de travailleurs pour que nous puissions disposer d’un service public de qualité. Cette revendication mobilisatrice et unitaire exigeant la création d’emplois révèle un enjeu essentiel pour l’avenir de notre société, à savoir la question du service public. C’est sans aucun doute la définition de service public qui est à l’origine d’un antagonisme majeur entre l’État et le capitalisme d’une part et la société civile d’autre part.

Le service est l’avenir du capitalisme

S’il est vrai que l’objectif de la guerre économique en cours est clair et peut se résumer à un seul mot : profit, la bataille idéologique qui l’accompagne est tout aussi importante pour l’adhésion du plus grand nombre aux mécanismes assurant la domination de la bourgeoisie mondialisée. Il s’agit de faire intégrer à nos cervelles rebelles l’idée que les sociétés de services privés peuvent et doivent remplacer avantageusement les tâches et fonctions assumées jusqu’à maintenant par les entreprises de services publics.

Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que les capitalistes emploient ce mot service. Cette appropriation du vocabulaire permet d’emblée de jeter la confusion dans les esprits en laissant sous-entendre qu’eux aussi ont le souci du bien-être collectif. La seule différence serait, selon eux, que les entreprises privées sont capables de faire la même chose à un moindre coût pour la société et avec en prime plus d’efficacité.

Il s’agit d’une stratégie très élaborée construite sur une vision à long terme de la société. L’idée est que dans un futur peut-être pas si lointain, chaque individu disposera d’une panoplie complète de sociétés de service, auxquelles il pourra faire appel pour répondre à tous ses besoins, sans exclusive. Mais c’est aussi un concept qui s’applique à l’ensemble de l’organisation économique. C’est pourquoi nous voyons tous les groupes industriels extérioriser leurs activités dites secondaires. Ainsi voit-on la gestion du personnel des banques assurée par des sociétés de service intérimaires, sous prétexte que le métier de banquier ne consiste qu’à s’occuper d’argent et non à se soucier du recrutement et de l’avancement de carrière des employés.

Beaucoup plus raffinée encore est la stratégie de groupes qui comme Nike aujourd’hui et Renault ou Bouygues demain vendrons seulement leur sigle sans rien fabriquer eux-mêmes. Pour Nike, c’est déjà le cas et son seul souci est de nous faire adhérer à un concept référant à partir duquel on peut nous vendre n’importe quoi, des chaussures comme des blousons, des casquettes comme des slips.

Public ou privé… il va falloir choisir

Les publicistes travaillent déjà sur des concepts qui permettraient de commercialiser sous le même label tous les objets nécessaires à notre vie quotidienne, de la fourchette à l’organisation de nos funérailles, en passant par notre bouffe et nos loisirs. Big Brother va s’occuper de tout ! Le service ! Voilà l’avenir du capitalisme !

C’est, qu’on le veuille ou non, à peine une anticipation déjà au cœur des luttes actuelles. Les initiatives étatiques et patronales comme la résistance des travailleurs s’articulent autour de ce combat : va-t-on basculer vers la privatisation de services auxquels pourront faire appel les individus selon leurs moyens financiers ou saurons-nous proposer des perspectives reposant sur la socialisation des moyens individuels et collectifs répondant aux besoins de chacun. Selon le choix que nous développerons ou que nous subirons, se mettra en place la société de demain. C’est bien à un choix révolutionnaire que nous sommes confrontés.

Soit le capitalisme réussit à compartimenter chacun de nos désirs et besoins pour en faire des produits rentables pour les sociétés de services, et plus que jamais les rapports sociaux seront violents, atomisés et irrationnels. Soit, et c’est l’autre terme du choix, la société civile saura privilégier des rapports sociaux construits sur l’entraide, la solidarité et l’échange gratuit des capacités propres à chacun. Dans cette lutte, qui n’est pas récente mais qui se pose dans des conditions renouvelées, nous avons une responsabilité non négligeable, aussi bien individuellement qu’en tant que force collective composante particulière de la société.

Les anarchistes n’ont que peu d’intérêts à simplement rappeler que leurs critiques et conceptions politiques ont très largement été validées par l’histoire, car c’est encore nous positionner par rapport au passé. Nous devons être encore plus impliqués dans les luttes et débats en cours, car c’est là que se prépare le projet social qui manque tant à tous.

Définir un projet social dans les luttes

Ce n’est plus seulement nous qui initions la critique de l’État, car les faits révèlent d’eux-mêmes que les besoins et intérêts des populations divergent de plus en plus de ceux des structures de domination étatiques. Ce n’est plus seulement nous qui affirmons la réalité de la lutte de classes mais celles et ceux qui sont confrontés aux nouvelles exigences du capitalisme, ici comme à Seattle ou ailleurs. Il nous faut savoir répondre à des situations précises et pragmatiques. Par exemple, au début d’un conflit social, il y a presque toujours remise en cause des modes de relations entre des individus sans passé militant et, qui plus est, se méfiant comme de la peste de la récupération syndicale ou politique. C’est pourtant à travers cette série de micro-événements, la plupart du temps peu médiatisés, qu’est en train de mûrir une conception de l’organisation sociale, un projet sociétaire et des pratiques en adéquation avec cette prise de conscience du fait que ce que font les grands de ce monde est de moins en moins vivable et acceptable.

Dans cette perspective, la définition de service public prend une place particulière parce qu’elle sous-tend la volonté du vouloir et du comment vivre ensemble. Cela implique une démarche à caractère autogestionnaire. Et nous ne voulons rien d’autre, n’est-il pas ?

Bernard. — groupe Déjacque (Lyon)


Après la guerre du feu, celle de l’eau

On a beaucoup parlé du XXIe siècle : discourir sur le futur dispense souvent de prendre position sur le présent. Il sera « spirituel » ou celui de la vidéo, de la communication. Et si, par l’incommensurabilité de la bêtise humaine, il s’avérait être celui de la plus grande catastrophe sanitaire de l’humanité. Empoisonnement des différents milieux, déforestation, stérilisation des sols, pollution médicamenteuse (antibiotiques notamment), alimentation dévitalisée et frelatée… Et surtout, peut-être, raréfaction et contamination de l’eau.

Aspects qualitatif et quantitatif du problème

L’aspect quantitatif, trois paramètres déterminent les quantités d’eau disponibles pour l’homme :
• le volume des précipitations : il demeure globalement constant ;
• la quantité d’eau retenue : elle diminue constamment du fait de la conjugaison de plusieurs facteurs (les surfaces considérables des réseaux routiers et autoroutiers, ainsi que l’espace urbain qui ne peuvent plus recevoir d’eau, l’abattage des talus, le comblement des fossés, le drainage des terres, le recalibrage des rivières, la disparition des zones humides).
Tous ces facteurs empêchent le stockage de l’eau en surface et la lente pénétration jusqu’à la nappe phréatique. Or l’eau qui ruisselle atteint rapidement les fleuves, puis la mer, elle est inutile à l’homme (et la vitesse de ruissellement de l’eau a été multipliée par deux en cinquante ans).
• la consommation de l’eau : elle augmente considérablement depuis plusieurs dizaines d’années. En un siècle, la consommation dans le monde a été multipliée par sept. Si chacun porte une part de responsabilité à travers un confort et une hygiène accrus, l’agriculture apparaît comme la cause principale de ce gaspillage : les prélèvements d’eau dans ce secteur ont triplé en 25 ans, du fait notamment de l’irrigation (ainsi les maïsiculteurs alsaciens pompent-ils gratuitement 35 millions de m3 d’eau chaque année !).

Ces trois critères conjugués font que la ressource en eau réellement disponible est de plus en plus rare. Gilles-Éric Séralini a mis en évidence une corrélation entre la croissance démographique et la disponibilité en eau. Ainsi, durant le millénaire qui se termine, pendant que la population humaine passait de 500 millions à six milliards, les réserves d’eau douce disponibles passaient 8 000 à 4 000 km3. Les quantités d’eau douce disponibles par tête d’habitant ont diminué d’un tiers au cours des vingt-cinq dernières années. Les causes étant : la croissance démographique, le changement des modes de consommation, la pollution, l’irrigation et l’urbanisation croissante. Selon l’Unesco, si des mesures d’urgence ne sont pas prises d’ici à 2025, une crise de l’eau menacera près d’un milliard d’humains, y compris dans certains pays européens (Espagne, Allemagne, Italie). Déjà, la répartition des eaux est source de tensions, de conflits entre plusieurs pays, entre différentes régions, entre citadins et ruraux. Les litiges à propos de l’eau sont en augmentation constante.

L’aspect quantitatif : au niveau planétaire, un milliard et demi d’hommes sont privés d’eau salubre ce qui entraîne 25 000 décès quotidiens, et la situation s’aggravera au cours du siècle prochain. Sans atteindre ces extrémités, la situation est préoccupante plus près de chez nous. Hydrocarbures, métaux lourds, nitrates, phosphates, pesticides… empoisonnent pour longtemps encore nos réserves en eau.

L’activité agricole (une fois de plus) défraie la chronique depuis plusieurs années. Avec les nitrates, bien sûr, dont le taux augmente régulièrement dans les rivières, mais surtout les pesticides, allergisant, cancérigènes et nuisant à la fertilité masculine (donc très performants !). Cette situation critique de l’eau a d’ailleurs conduit la Commission européenne à classer la Bretagne tout entière « zone vulnérable » et Bruxelles à attaquer la France devant la cour de justice européenne pour ne pas avoir su faire respecter, en Bretagne, les directives sur les eaux potables et les eaux de surface (on notera, au passage, l’hypocrisie redoutable des instances européennes qui encouragent, par leurs subventions massives, l’agriculture productiviste, mais qui pénalisent les pays membres qui adoptent la même politique… à quelques francs près). Des milliards d’argent public (programme de maîtrise des pollutions d’origine agricole, plan Bretagne Eau Pure…) ont déjà été dépensés pour un résultat absolument nul, puisque les préfets, souvent contre toute légalité, continuent d’accorder les autorisations d’élevages hors sol.

Privatisation des bénéfices et socialisation des bénéfices

Les communes sont désormais des acteurs essentiels dans la gestion de la ressource en eau. La compétence obligatoire des communes s’étend aujourd’hui à l’ensemble du cycle de l’eau, de la production d’eau potable à l’assainissement des eaux usées. La gestion de l’eau exige de lourds investissements et se complexifie. Or les capacités techniques et financières de chaque collectivité sont souvent trop limitées pour assurer de manière satisfaisante la constitution et la gestion de ces services, même en recourant à l’intercommunalité.

La régie directe, c’est-à-dire la gestion publique, ne concerne plus que 20 % du marché. La part du secteur privé (gestion déléguée) dans la distribution d’eau potable en France est passée de 31 % en 1954 à 60 % en 1980 et 75 % en 1991. Les lois récentes sur l’eau fixent un objectif de qualité correspondant au respect des normes. Le volume des investissements à réaliser, dans le calendrier serré des échéances communautaires se traduira par un effort financier considérable demandé aux usagers. Un marché juteux s’est créé : les sociétés privées s’empressent de proposer leurs services. En France, plus de 70 % de ce marché est détenu par deux sociétés multinationales solidement implantées dans le monde entier. La Compagnie générale des eaux, devenue Vivendi (plus de 200 milliards de chiffre d’affaires) et la Lyonnaise des eaux (environ cent milliards de chiffre d’affaires).

Le rapport de la Cour des comptes sur la gestion des services publics locaux d’eau et d’assainissement, paru en janvier 1997, a mis en évidence la position hégémonique des compagnies privées de distribution.

D’une part, la complexité des procédés modernes de production et de distribution d’eau, qui exigent des personnels hautement qualifiés, engendre l’incapacité technique et financière des collectivités locales, dont profitent les compagnies privées. D’autre part, la signature des contrats entre les élus locaux et ces compagnies a permis de développer une corruption assez considérable. L’usager paie lourdement cette situation, en matière de démocratie (information limitée, non-fonctionnement des commissions prévues par la loi) et en matière de coût (les pots-de-vin et autres gracieusetés se traduisent par une augmentation du prix de l’eau). Non seulement le consommateur paie de plus en plus cher une eau de moins en moins potable, mais une grande disparité de tarifs s’est établie entre les communes, tordant le cou au principe d’égalité entre les usagers ainsi qu’à l’exigence de vérité des prix. Une enquête réalisée en 1998 par l’« UFC-Que choisir » faisait apparaître le prix moyen du m3 d’eau en France : 14 FF en régie directe (public), 18 FF en gestion déléguée (privé) !

L’eau est un besoin, gérons-la nous-mêmes

D’un côté, des firmes, agroalimentaires, entre autres, qui augmentent leurs gains en polluant la ressource en eau. De l’autre, des compagnies privées de distribution de l’eau qui accumulent les profits à partir d’un matériau… gratuit, et qui peuvent développer, grâce à ces bénéfices, leurs filiales de télécommunications, de télévision, de publicité ou de traitement des déchets. Et d’autres grands groupes tels que BSN-Danone, Nestlé… qui se lancent dans les rachats de concession. Allons-nous continuer à régler l’addition sans broncher, qu’elle vienne de l’État ou d’une entreprise privée ? Allons-nous nous résigner à une rentabilité financière qui transforme l’usager en client, et subir passivement la privatisation des bénéfices et la socialisation des pertes ? Dans certaines communes, la municipalité est revenue à une gestion directe… et le prix de l’eau a diminué ! Il ne reste plus à la population qu’à prendre le contrôle de la gestion communale ! Ce qui est en jeu dans la gestion de l’eau, comme dans les transports, la santé, l’éducation ou le logement, c’est bien entendu la notion de service public, c’est-à-dire d’égalité sociale, mais c’est à la fois beaucoup plus : c’est la survie des générations à venir.

Jean-Pierre Tertrais. — groupe La Commune (Rennes)


Luttes dans l’enseignement pour des actions solidaires et libertaires

Comme il fallait s’y attendre (cf ML précédents), les actions des parents d’élèves et des enseignants en lutte ont continué pendant les vacances scolaires. Banderoles déployées sur les Arènes, rassemblements, interventions à des péages, apéro et pique-nique devant la préfecture, envois de fax au ministère, collages d’affiches… ont émaillé la semaine écoulée.

Les propositions d’Allègre dans le cadre de la nouvelle carte scolaire n’ont pas convaincu. Car si le Gard s’est vu attribuer 66 postes d’enseignants supplémentaires, il n’en resterait (départs à la retraite et formations obligent) qu’une trentaine en réalité. On est loin de la revendication des 500 postes pour le Gard. L’intersyndicale avait appelé à une AG le 24 février. Elle a conclu à la continuation du mouvement. Même son de cloche du côté de la FCPE gardoise : elle continue le mouvement et signale qu’elle réclame toujours des négociations à Allègre qui n’a pas daigné rencontrer parents d’élèves ou enseignants en colère. Les 66 postes promis ne sont donc pas pour les satisfaire.

Dans l’Hérault, la mobilisation reste de mise aussi ; le département de la Lozère a démarré, à la veille des vacances, un mouvement d’occupation et de grèves (suivi à 70 %). Les mobilisations risquent d’être fortes pour la journée nationale du 16 mars, fédérations de parents d’élèves et de lycéens se joignant au mot d’ordre de grève contre le gel des emplois dans l’Éducation. Dans le secondaire, déjà mobilisé dans notre région, la colère gronde aussi : la nouvelle carte scolaire n’a pas satisfait dans les collèges et les lycées.

Le mécontentement qui monte provoque des remous. Ainsi, la FCPE du Gard a-t-elle déclaré lors de son rassemblement nîmois du 23 février qu’elle désapprouvait les déclarations de la FCPE nationale qui s’estimait satisfaite des créations de postes proposées par le ministre. Le Groupe des 10, SUD-Éducation en tête, appelle à une généralisation du conflit dans le secteur public (1).

L’avenir du mouvement est donc incertain, malgré une mobilisation qui reste constante pendant les vacances. La continuation et le succès du mouvement dépendent pour beaucoup de l’écho qu’il rencontrera partout en France.

Journée d’action le 16 mars

Le Monde libertaire a participé, à son échelle, à populariser le mouvement auprès de l’opinion publique quand bien des médias s’en désintéressaient. Il faut continuer : les libertaires, devant le blocage de l’information pratiqué y compris dans les syndicats enseignants, doivent amener leurs associations de parents d’élèves et leurs syndicats à réagir vite en expédiant des motions de soutien ou des dons pour soutenir le mouvement du Gard et de l’Hérault.

Dans l’absolu, une généralisation du mouvement est à souhaiter : un rapport de force est seul à même de faire céder Jospin et Allègre, son bouc émissaire de service. Affirmer notre solidarité, relayer et faire circuler l’information sur le conflit, donner un souffle nouveau à cette contestation en la globalisant et en la généralisant sont des tâches essentielles dans l’immédiat. C’est le rôle des libertaires solidaires qui pourront intervenir lors de la journée d’action du 16 mars sous le signe de la solidarité, de la grève générale dans le public et de propositions en faveur d’un service public menacé par l’État.

Daniel. — groupe Gard-Vaucluse de la FA
(1) ce que les groupes de la FA Gard-Vaucluse et Hérault proposent depuis deux semaines


Lettre ouverte des détenus de Poissy

Le Collectif des détenus de la Centrale de Poissy a transmis une lettre ouverte à « Ras-les-murs ». Nous l’avons lue à l’antenne et souhaitons lui donner la plus large audience. Il est des vérités oubliées par le débat médiatique.
« Ras-les-Murs » (Radio libertaire)

Dans une période où déjà beaucoup ont du mal à accepter l’exclusion dont certains ont été victimes, à l’occasion des grâces de l’an 2000, voilà l’atmosphère qui règne à la Centrale de Poissy.

Depuis les révélations du médecin-chef de la Santé, une partie des surveillants et des brigadiers, pour la plupart affiliés au syndicat UFAP et poussés par celui-ci, utilisent tous les moyens pour créer des tensions. Toutes les méthodes pour provoquer sont utilisées. Dernièrement, deux détenus se sont retrouvés au mitard pour avoir réclamé de prendre une douche avant d’aller au parloir. La direction et le personnel d’encadrement ont conscience de la situation mais sont dans l’incapacité de réagir comme ils le souhaiteraient, étant donnée la puissance du syndicat.

La Centrale vit au rythme des exigences de l’équipe nº 1 (et des ses émules) qui fait pression sur le reste du personnel. A chaque fois qu’une revendication est adressée au directeur, celui-ci, au lieu de la traiter, agit de façon expéditive en transférant disciplinairement celui ou ceux qui auront pris la parole pour l’occasion, créant une psychose du transfert au sein de la population carcérale. Malgré les améliorations que nous sommes en droit d’espérer, nous n’osons plus nous manifester.

Par exemple, pour 250 détenus, nous ne disposons que d’une seule cabine téléphonique ; il est facile d’imaginer l’encombrement le week-end, le mercredi et aux heures de pointe.

En ce qui concerne le parloir ­ dont on ne cesse de nous répéter que bientôt des unités de vie familiale seront mises en place, mais dont les travaux n’ont toujours pas commencé alors que l’emplacement est prévu ­ il n’est pas conforme au règlement et ne permet aucune intimité avec nos familles. En effet, il ne devrait pas y avoir de vis-à-vis et ils devraient être équipés de cloisons sur 3 côtés, ce qui n’est pas le cas, sans parler des caméras qui nous épient en permanence.

Pour une Centrale (qui détient une quarantaine de condamnés à perpétuité et une majorité de longues peines), nous ne possédons aucun local pour faire notre cuisine (four, friteuse, etc.) et aucune cantine alimentaire extérieure, comme c’est le cas dans tous les autres établissements similaires. Enfin, depuis trois ans, aucun détenu n’a bénéficié d’une libération conditionnelle.

On ne vit plus dans l’espoir. C’est dramatique dans la mesure où les peines ont considérablement augmenté et que les grâces ne concernent pas toute la population. Dans ces conditions, pas étonnant que la France détienne le triste record des suicides. Poissy n’en est pas épargnée. En décembre, un gitan s’est donné la mort de façon bien mystérieuse. La conclusion de l’administration n’étant pas celle des détenus.

Samedi 12 février, vers 21 heures, un détenu qui était à quelques mois de sa libération, après avoir déjà purgé plus de 12 ans, se serait pendu. Il aurait été retrouvé pendu au support de télévision situé à 1,80 m du sol… au-dessus de la cuvette des w.c. Bizarre ! Encore plus bizarre que le brigadier de service n’ait ouvert sa porte qu’une demi-heure après avoir été avisé du drame. On peut logiquement supposer qu’en étant intervenus plus tôt, les secours seraient parvenus à le ranimer. Ce détenu demandait son transfert depuis belle lurette, on lui répondait toujours favorablement, mais rien n’arrivait. Est-ce ce qui l’aurait poussé à ce geste fatal ? Ce n’est, une fois de plus, pas l’avis de la population qui ne veut pas croire au suicide. Tout ceci n’étant pas fait pour apaiser les tensions, nous osons espérer que la situation ne va pas se dégrader dans les jours à venir, mais ne pouvons le garantir.

Nous espérons que vous pourrez faire évoluer les choses dans le bon sens et vous en remercions d’avance.

Collectif des détenus de la Centrale de Poissy


Faits d’hiver

Abject !

Daniel Derguy, considéré par la police comme un des chefs d’ETA en France, et qui vient d’être condamné pour cela à 10 ans de prison le lundi 21 février 2000, est allé jusqu’à deux mois de grève de la faim pour essayer d’obtenir « le transfert des prisonniers basques dans des établissements proches de leur domicile. »

Notre gouvernement socialo-coco-écolo, considérant cette demande comme « intolérable », ne semble pas décidé à la satisfaire et est prêt à le laisser mourir alors qu’une bande d’assassins nationalistes n’attend que cela pour « justifier » la reprise de ses attentats imbéciles et criminels. Au royaume de l’État comme dans la petite seigneurie d’ETA, les maîtres du moment et ceux qui aspirent à les remplacer, parce qu’ils sont les deux faces d’une même médaille, n’en louperont décidément jamais une !

Dans son numéro du 23 février, le Canard Enchaîné, dans un article signé par certain Nicolas Beau (ça ne s’invente pas), tire à boulets rouges sur ce pauvre hère de Bertrand Delanoë et sa pitoyable candidature à la mairie de Paris. Comme si cela pouvait ajouter quelque chose à l’évidence notre « confrère » (il se dit encore que le Canard aurait quelques accointances libertaires au niveau philosophique) a cru bon d’illustrer son brûlot par un photo représentant Delanoë sous un jour grotesque. Pis, comme ça, en passant, histoire de, l’auteur de l’article ose : « Mais il n’est pas un auteur ni un orateur né, personne, pas même dans l’entourage de son éventuel concurrent, Jack Lang, ne nie que Bertrand soit “sympathique”, “gentil”, “très gentil”, et même “courageux” quand il revendique son homosexualité en novembre 1998, et cela sans ostentation. Même Mitterrand, poursuivent ces méchantes Lang… »

Comme s’il n’était pas courageux (sans guillemets), au jour d’aujourd’hui, de revendiquer son homosexualité, et comme s’il était nécessaire d’insinuer (le Front national, lui, a les couilles d’afficher sa haine des pédés) que la sexualité d’un homme politique puisse…

Cela me fait chagrin de le dire, mais entre les crapules de la gauche-caviar-plurielle, les fronts bas de la basquitude et un journal qui a illuminé mon adolescence, force est de reconnaître qu’il y a un dénominateur commun !

Tous me font dégueuler !

Jean-Marc Raynaud


Bonaventure (France) et AUPEJ (Sénégal)

Dynamique éducative et sociale par l’entraide

Une classe unique nichée à l’orée d’un bois, quelques mômes se tarabiscotant les neurones pour un problème… de cabane… Et un monsieur endimanché capable de faire des nœuds avec quatre bouts de ficelle : le coup de foudre ! Pourquoi t’es tout noir ? As-tu la télé dans ta case à Dakar ? Comment faites-vous à Oléron pour apprendre à lire, à écrire et à compter à partir des actes de la vie quotidienne ? S’il n’y a pas de locaux à Tivaouane où se déroulent les activités ? Comment avez-vous construit ces jeux de lecture ? Quel type de réseaux avez-vous tissé ? En 1993, les questions fusionnent, se télescopent.

Deux ou trois voyages pour les uns… Une tournée de solidarité montée à la va vite pour les autres… Des échanges de courrier… Des contacts multiples… D’une curiosité croisée naît petit à petit un renforcement mutuel : une reconnaissance par-delà les cultures, la religion, la pauvreté, les situations sociales.

La transversalité : espéranto des alternatives sociales

AUPEJ et Bonav se sont entre-appris des milliers de petits riens, de respect mutuel, observations croisées qui ont fortifié les deux structures. AUPEJ, malgré la misère, des difficultés administratives insurmontables, l’impossibilité de structurer à long terme, intègre la précarité, les décalages sociaux à sa dynamique populaire : elle les valorise en convertissant la débrouillardise en émancipation collective. Une grande leçon d’autonomie sociale !

Bonav transforme sa marginalisation sociale et éducative en espaces de créations individuelles et collectives. Elle convertit sa dépendance politique et économique en un réseau solidaire d’alternatives sociales : une démarche globalisante utile à tous les partenaires. La mutualisation des qualités et des défauts de l’une et de l’autre concrétise, visibilise des possibilités réelles de transformation sociétale en matière éducative et culturelle.

L’énergie sociale de l’Africaine protège l’Océane des démons de l’insularité. La rigueur institutionnelle de la libertaire consolide les initiatives de sa jumelle sénégalaise. Sans AUPEJ, Bonaventure peut jeter aux poubelles de l’utopie ses perspectives de transversalité sociale. Sans Bonaventure, AUPEJ s’enferrerait dans le quotidien sans futur : tel Sisyphe elle reconstruirait ses espaces éducatifs.

La construction de pôles alternatifs internationaux

Emmurée par la pauvreté, AUPEJ utilise le partenariat avec Bonaventure pour redynamiser ses pratiques sociales. Il s’agit non seulement de bénéficier d’un soutien logistique gratuit, c’est-à-dire à visée égalitaire. L’entraide vise un renforcement des pratiques éducatives pour autonomiser les populations et non un assujettissement aux visées sociales d’un bailleur de fonds humaniste. Mais également à déchiffrer ses propres capacités afin de construire des alternatives éducatives innovantes. Les modèles éducatifs sévissant au Sénégal découlent de l’enseignement formel ou de l’école coranique hiérarchisée à l’extrême. Ils n’ont aucun écho avec les besoins des populations. A chaque rencontre, à l’occasion d’analyses croisées AUPEJ consolide ses axes de travail.

Cloisonnée dans la sphère du privé ou la marginalité politique, Bonaventure tire des enseignements sociaux fondamentaux des relations qu’elle entretient avec le mouvement d’éducation populaire sénégalais et plus particulièrement avec AUPEJ. Dans un premier mouvement, à travers l’examen transversal des histoires de ces institutions françaises et sénégalaises, par l’apprentissage des méthodes d’analyse utilisées par les acteurs sociaux africains, elle contextualise les difficultés à élargir un mouvement éducatif libertaire à visée populaire. Dans un second temps, elle transforme son isolement en organisant un mouvement de sympathie non pas autour de sa seule survie mais pour étayer un mouvement éducatif autonome et alternatif sénégalais. Les possibilités de construire des alternatives sociales autonomes en Europe, et notamment en France dans le secteur éducatif quasi-monopole d’État, se réduisent comme une peau de chagrin. Bonaventure n’a pu ou su construire autour d’elle (c’est-à-dire à partir d’un mouvement éducatif autogéré) une alternative à l’appareil d’État en matière culturelle pour deux raisons principales : l’indifférence du mouvement libertaire à concrétiser des projets sociaux, les prégnances économiques et sociétales du capitalisme occidental. Se solidariser ou rendre solidaire des organisations syndicales, pédagogiques ou anarchistes avec un mouvement éducatif populaire autonome représente un premier pas symbolique pour rompre avec la tutelle de l’État ou des pouvoirs financiers sur le système éducatif européen. AUPEJ offre une socialisation à Bonaventure inestimable. En effet ces mêmes organisations indifférentes aux alternatives politiques collaborent avec une structure qu’elles connaissaient… mais qu’elles ignoraient. En rester là reviendrait à se couvrir d’un linceul tiers-mondiste rassurant. L’élargissement de cette entraide, de ces échanges, dans la perspective de la construction d’un espace international libertaire renforçant des initiatives sociales, deviendrait un aboutissement à cette collaboration. Le voulons-nous ?

Thyde Rosell. — groupe Bakounine (Oléron)


Présentation d’Actions Utiles Pour l’Enfance et la Jeunesse

Qu’est ce qu’AUPEJ ?

Vaincre la déviance, prévenir la délinquance et ou toutes les formes de dépravations sociales chez les enfants et les jeunes. C’est autour de cette idée-force que s’articulent toutes les activités et initiatives menées. Cette association œuvre pour la mise en place d’un système socio-éducatif de prévention contre les fléaux sociaux contemporains : analphabétisme, déperdition scolaire, drogue, prostitution, délinquance juvénile, sexualité négative, maternité rapprochée, maltraitance, marginalisation des enfants, chômage et exode féminin.

1993 : organisation de vacances, classes de chants et de jeux tirés du patrimoine africain. De 27 à 100 enfants ont participé à ces activités. Ces activités étaient ponctuées par des séances de forums, de médiaculture, d’animation par le journal. Soutien scolaire. Les activités d’AUPEJ se déroulent dans la rue, les arrière-cours ou des locaux mis à disposition par les familles.

1994-95 : arrêt des activités dû au départ des animateurs à Dakar. L’idée est reprise par les jeunes du quartier Fogny : préparation à l’entrée en 6e, théâtre, formation, programme d’hygiène. Classe maternelle.

1997 : élection des membres du bureau. Poursuite des activités malgré le turn-over important des encadreurs et le manque de locaux. Création de la caisse de crédit des femmes dont les difficultés de gestion empêchent le développement. Ouverture d’ACAPES, collège-lycée scolarisant les jeunes évincés du système scolaire formel.

1998 : grâce à la solidarité internationale, construction d’un local, rénumération ponctuelle des animatrices, bibliothèque, informatique, garderie. Programme élaboré avec les parents et les familles. Soutien scolaire plus sérieux. Grande instabilité de fonctionnement.

De 93 à 96, des cours de couture se déroulent dans une pièce louée à la mairie : création d’une coopérative de production. Des problèmes avec la préfecture et les idées politiques des Aupéjiens : gestion du quartier par les habitants : les parents d’élèves, les ouvriers d’usine, les vendeurs du marché et tous les représentants des petits métiers. Les projets de micro-entreprise bois-fer restent dans les limbes faute d’animateurs bénévoles.

1999 : intégration d’AUPEJ au programme de l’éducation alternative coordonné par Enda. Partenariat entre AUPEJ et ASEM (mouvement Freinet sénégalais). Collaboration avec l’association des jeunes handicapés de Tivaouane.

Thyde


Crise de foi

Propagande catholique

Lors du jubilé, l’Église exige au nom de la bible une redistribution des terres. Dans le document du conseil pontifical Justice et Paix, il est écrit ceci : « un très petit nombre de grands propriétaires terriens possèdent la majeure partie de la surface cultivable, tandis qu’une multitude de petits propriétaires, de métayers ou de fermiers cultivent la surface restante qui est souvent de qualité inférieure ». Aussi, l’Église à l’occasion du Jubilé demande à ce que la terre soit mieux répartie. Dans le document Comprendre et vivre le Jubilé, l’Église affirme que, au Brésil elle s’est engagée aux côtés des paysans pour la réforme agraire. Ce qui est faux, ce sont certains curés qui sont auprès des plus démuni tandis que des évêques soutiennent les grands propriétaires terriens. C’est le rôle du curé de base d’être avec le peuple est de suivre ses revendications sociales, tandis que ceux qui dirige l’Église soutiennent l’État et les possédant. Une preuve ? Au Mexique, il existe un évêque qui soutient les paysans les plus pauvres (Mgr Ruiz), il faut dire qu’il dirige l’Église dans l’État du Chiapas là où il y a un fort mouvement contestataire, sa marge de manœuvre est plutôt réduite, s’il veut garder ses ouailles. Mais celui ci a atteint l’âge de la retraite, aussi il a « intronisé » de sa propre initiative son successeur (Mgr Vera Lopez), lors d’une cérémonie. Aussitôt, le nonce apostolique, Mgr Juto Mulio Garcia, et le président de la Conférence épiscopale mexicaine, Mgr Morales Reyes, ont publié une Déclaration conjointe, déniant toute valeur à la cérémonie. C’est que, ce Mgr Lopez dérange sa propre hiérarchie, il parle de droit pour les indigènes, ce qui n’est réservé qu’aux curés de base, une fois dans la hiérarchie on se doit de soutenir d’autres personnes.

Le Vatican s’inquiète lui aussi, pensez donc, il a de si bonne relation avec les dirigeants du Mexique. Et voilà qu’un évêque prends pour argent comptant les fausses promesses de l’Église. D’après le service de Diffusion de l’information sur l’Amérique latine « Rome ne veut pas que ses relations diplomatiques avec l’État mexicain soient compromises par un continuateur de Mgr Ruiz ». Même s’il bénéficie du soutient de ses ouailles… Un petit conseil si vous arrivez a un certain sommet de l’Église voici la démarche à suivre : « Nous critiquons beaucoup les dictateurs quand nous sommes à Genève (siège du COE), mais nous sommes très polis et très gentils avec eux quand nous sommes dans leur pays »… Ceci a été dit très sérieusement par Mgr Anastasios, primat de l’Église orthodoxe. Le « nous » parle de l’attitude générale des représentants religieux à Genève… Et si la répartition des terres on s’en occupait nous-mêmes ?

Régis Boussières. — groupe Kronstadt (Lyon)


Les maîtres du monde financent le génocide tchétchène

En pleine guerre de Tchétchénie, l’annonce a de quoi écœurer les êtres humains que nous sommes, surtout ceux qui pensent que morale et capitalisme peuvent cheminer bras-dessus, bras-dessous avec un peu de bonne volonté. La Deutsche Bank, le Crédit Lyonnais, la BNP et la Bank of America ont consenti après un an et demi de négociations à effacer plus du tiers des 32 milliards de dollars de dettes héritées de l’ex-URSS. Cet accord est le bienvenu, si l’on se rappelle que le Fonds Monétaire International a gelé depuis l’été dernier tout nouveau déboursement de prêt au gouvernement russe, suite à la révélation d’énormes scandales politico-financiers touchant aux plus hautes sphères de l’État.

Pérenniser l’économie de marché

Mais cette décision n’est en soi pas une grande surprise et ce, pour deux raisons. Primo, les banquiers ont en fait un bon deal : depuis décembre 1998, ils devaient faire face à un débiteur, la Vnechekonombank, qui ne payait plus rien et qui avait accumulé près de trois milliards de dollars d’arriérés d’intérêts. Bref, ils n’avaient aucune chance de récupérer leur bel argent. En signant cet accord, ils ont obtenu un transfert de la créance de la Vnechekonombank à la Fédération de Russie qui dispose d’actifs et sur laquelle ils peuvent éventuellement mener des actions juridiques en cas de non-paiement futur.

Secundo, ce qui importe pour les Grands de ce monde, c’est que la Russie retrouve calme et sérénité. Les frasques du clan Elstine ont été en effet profondément perturbantes pour le petit monde de la finance. Non point que ceux-ci aient en horreur les mafias. Non, ils les aiment mais installées, institutionnalisées, bref respectables. Mais en Russie, la nouvelle classe montante issue de l’effondrement du « communisme réellement existant » était franchement en-dessous de tout : la corruption, le clientélisme oui, mais avec discrétion et discernement. Pour rassurer et remettre de l’ordre, il fallait un homme à poigne, autoritaire, capable de faire le ménage sans remettre en cause la libéralisation du régime.

Cet homme providentiel s’appelle Vladimir Poutine (voir ML nº 1188 — NDLR). Le Peuple russe est triste, malheureux, se sent humilié ? Offrons-lui une bonne petite guerre néo-coloniale ! Le nationalisme, c’est bien connu, ça réchauffe les cœurs à défaut de remplir les ventres. Le peuple russe se plaint de la corruption, de ces nouveaux riches arrogants ? Poutine s’en charge, tance un peu le clan Eltsine pour donner le change, et surtout rabaisse le caquet de certains opposants. Parce que des histoires sur le petit monde politique russe, il en connaît le Vladimir, lui, l’ancien du KGB. Et il peut donc en profiter pour rappeler à l’ordre le Maire de Moscou, Iouri Loujkov, dont la femme, Eléna Batourina, est dans les affaires, c’est-à-dire, dans la Russie post-soviétique, en lien avec la mafia !

À quelques semaines des élections présidentielles, Vladimir Poutine s’affirme donc comme le principal prétendant au trône laissé vacant par Boris Eltsine. Rien ne lui résiste. Je dirai même plus : hormis les Tchétchènes, personne n’a envie de lui résister. Vladimir Poutine sera donc sauf surprise de dernière minute le prochain président de la Russie. Derrière lui, il aura tout l’appareil de l’ex-KGB, des militaires, des nationalistes, qui aiment l’ordre et la discipline y compris dans le libéralisme.

Sous ses pieds, il aura les cadavres de dizaines de milliers de Tchétchènes tellement pauvres et musulmans qu’ils n’intéressent pas grand monde. Et puis, comme l’a déclaré le président américain : « Nous ne sommes pas d’accord avec lui sur tout, mais ce que j’ai vu jusqu’ici me montre qu’il est capable d’être un dirigeant très robuste, efficace et déterminé ». Je doute qu’à Grozny, les survivants aux bombardements, massacres et autres tortures apprécieraient les propos de Bill Clinton.

Patsy
émission « Le monde comme il va » Alternantes FM 98.1 (Nantes), 91 à Saint-Nazaire


Succès électoral des réformateurs iraniens

Fissures dans le modèle intégriste

Le succès des réformateurs iraniens aux élections était attendu. Seul l’ampleur de celui-ci est une réelle surprise. Malgré les embûches, les menaces, les partisans de l’actuel Président Mohammed Khatami ont obtenu au premier tour 130 des 170 sièges pourvus. Ce n’est plus une victoire, c’est un raz-de-marée ! Pis, l’ancien Président Rafsandjani, bras droit de l’ayatollah Khomeiny, qui, pour l’occasion, avait monté une coalition de conservateurs et de réformateurs, n’est même pas sûr d’être élu !

Comme l’explique le politologue Ahmed Salamatian : « l’élimination [de Rafsandjani] de la scène politique est la conséquence de son règne de vingt années à la tête du pays […] Elle traduit donc clairement une volonté de changement de régime ». Le parlement iranien comptant 290 députés, il ne manque plus aux réformateurs que 16 sièges pour avoir la majorité absolue.

À la grande surprise des observateurs, les réformateurs ont remarquablement percé, y compris dans les campagnes qui, traditionnellement, sont proches des courants conservateurs. Les réformistes ne sont donc plus soutenus uniquement par la jeunesse, les femmes, certains milieux d’affaires que le rigorisme effraie, mais également par de larges pans de la société, y compris paysanne. Le discours du Front de la Participation a donc été particulièrement entendu. Ses promoteurs ont habilement joué sur deux registres. Le premier est celui de la contestation de l’ordre établi : il y a nécessité d’accorder plus de liberté individuelle, plus de droits politiques ; le second est de l’ordre de la fidélité à l’esprit de la révolution de 1979 : refaire du Parlement la vraie maison du peuple comme le désirait l’ayatollah Khomeiny et non un lieu de rente pour bureaucrates et fonctionnaires !

La société iranienne, il est vrai, est en pleine mutation. Depuis une décennie, ce pays est entré dans une nouvelle phase politique. Les successeurs de l’ayatollah Khomeiny sont aujourd’hui des gestionnaires : il leur faut gérer pragmatiquement la situation économique et sociale, consolider l’État central et assurer la mainmise du pouvoir d’État sur le religieux, sur les fameux Gardiens de la révolution.

Sur le plan économique, Khatami a bien compris que l’enjeu actuel n’était pas de s’endormir sur la rente pétrolière, mais d’investir dans l’appareil productif, seul moyen de créer des emplois qui manquent si cruellement dans le pays. Car, si Khatami a enfin une belle et forte légitimité, l’ampleur du scrutin fait peser sur ses épaules de lourdes responsabilités. Soit il fait siennes les revendications populaires légitimées par le scrutin : réformes économiques, libertés politiques, réformes des mœurs ; soit il tergiverse afin de ne pas provoquer la colère des conservateurs, des mollahs, bref du Conseil des gardiens de la constitution chargé de veiller à la constitutionnalité des lois votées par le Parlement et à leur conformité aux principes de l’Islam !

Le choix peut sembler simple à première vue : c’est oublier que ces mêmes conservateurs contrôlent la justice, les puissantes fondations révolutionnaires, les organes de répression, l’armée et les institutions islamiques. Même largement majoritaires au Parlement, les réformistes auront-ils le courage d’entrer en guerre ouverte avec eux ? Rien n’est moins sûr. Peut-être préféreront-ils nouer une alliance discrète mais réelle avec les moins grégaires des conservateurs afin d’asseoir encore plus solidement leur pouvoir et de délégitimer toute réaction au nom de l’Islam des secteurs les plus récalcitrants. En tout état de cause, il est à craindre que le pays n’entre dans une forte période de tensions.

Patsy. — émission « Le monde comme il va » Alternantes FM 98.1 (Nantes)


Mobilisations antimilitaristes en Russie

Après plus de six mois d’une guerre meurtrière contre les Tchétchènes, on ne peut qu’être étonné par le peu de réactions que cette guerre provoque en Russie même. La quasi totalité de la classe politique continue à soutenir la guerre de Vladimir Poutine, même si beaucoup ne sont pas dupes de la manipulation. Peu de politiciens se démarquent, et quand ils le font ce n’est que pour critiquer les excès, rarement le bien-fondé. Ces critiques de l’action militaire viennent des milieux libéraux Iabloko et d’une partie de l’Union des Forces de Droite, mais ces deux partis sont très proches de l’intelligentsia et peu implantés dans les régions.

L’ensemble de la presse ne s’est pas montré excessivement critique, la télévision a lourdement appuyé l’armée, en particulier la télévision publique ORT, RTR. Seule la télévision privée NTV a depuis quelques semaines fait preuve d’une certaine indépendance. Mais son actionnaire principal, le conglomérat géant Gazprom (10 % du PNB russe), l’a fermement rappelée à l’ordre. NTV, créée peu avant la première guerre de Tchétchénie, avait conquis ses lettres de noblesse en informant honnêtement sur la guerre. Mais cette fois-ci, l’État n’a voulu tolérer aucun écart. La propagande militariste s’est trouvée renforcée par un contrôle très strict de l’information sur la zone de guerre. Peu de correspondants étrangers ont pu rester dans la zone et souvent ils ont été arrêtés.

Ainsi l’envoyé spécial de Libération retenu pendant quelques jours. Plus grave, un journaliste russe travaillant pour Radio Svoboda, une radio américaine émettant en russe et autorisée par un oukase de Eltsine, a disparu, d’abord arrêté par les militaires russes et ensuite soi-disant échangé contre des prisonniers russes pris par les Tchétchènes. Cette arrestation a provoqué une prise de conscience dans une partie de la société. Ainsi, à la mi février, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblés pour réclamer la libération du journaliste. La quasi-totalité des journaux de Moscou (sauf ceux liés au gouvernement ou au Parti communiste) ont publié un numéro spécial diffusé à plusieurs millions d’exemplaires gratuitement. Cette mobilisation sans précédent s’est faite plus pour la liberté d’expression que contre la guerre.

Une contestation visible

Même si la mobilisation des militants anti-guerre n’est pas une mobilisation de masse, elle se voit néanmoins. On croise de nombreux autocollants antimilitaristes dans les rames ou les escaliers mécaniques du métro. Ils questionnent le pourquoi de cette guerre, réclament un statut d’objection. Assez régulièrement, des piquets sont organisés à Moscou Place Pouchkine qui rassemblent quelques dizaines de militants. Plus que le nombre, c’est la diversité des participants qui frappe : militants anarchistes ou pacifistes, bouddhistes ou mères de soldats.

La guerre n’est pas encore impopulaire, malgré les milliers de soldats russes morts, malgré les bombardements de civils, malgré les exactions généralisées des troupes russes. Les raisons de ce phénomène sont multiples : d’abord le choc des attentats de septembre, toujours attribués aux Tchétchènes, un certain racisme anti-caucasien doublé d’une peur certaine. Par ailleurs, cette guerre renforce le camp national-patriotique et est vue comme une occasion pour redorer l’image de l’armée et redresser la tête face à un Occident riche et arrogant.

Jean Raymond à Moscou, réseau No Pasaran pour Radio Libertaire et le Monde Libertaire


Les fusillés de la grande guerre et la mémoire collective (1914-1999)

D’emblée Nicolas Offenstadt, qui s’appuie sur une documentation impressionnante et a pu avoir accès aux archives des conseils de guerre, tout en dressant le constat que « l’ombre des fusillés est de plus en plus présente à l’esprit des contemporains de cette fin de siècle », circonscrit sa méthode de recherche : « La discipline historique n’a pour vocation ni d’instruire des procès ni d’être la science organique des pouvoirs ».

Il rappelle tout d’abord que, contrairement à une opinion fort répandue qui focalise sur les mutineries de 17, il y a eu plus de fusillés entre septembre 1914 et juin 1915 que pour l’ensemble de la durée ultérieure du conflit ­ 600 en tout. La justice a en effet été d’autant plus sévère en 1914 que «  les premiers mois de la guerre ont été très difficiles pour les soldats et que le contrôle du pouvoir civil est lointain ». Ce qui ressort de ses constatations, c’est la volonté des officiers de « faire un exemple » en opérant une sélection arbitraire, comme dans l’affaire des « Six de Vingré » dans l’Aisne, fusillés en novembre 1914 et dont le monument inauguré en leur honneur le 5 avril 1925, après avoir été réhabilités en 1921, figure en couverture du livre.

On en profite aussi pour éliminer les fortes têtes comme Charles Vally, mutin fusillé en juin 1917 qui « jouissait sur ses camarades d’un ascendant qu’il employait mal, tenant quelquefois des propos anarchistes », tout en concluant de façon hypocrite : « Mais aux tranchées et au feu, il faisait assez bien son devoir ». Toutefois, ce qui est étonnant en définitive, c’est qu’il y a eu « très peu de résistances, de révoltes ou de refus » et par contre « le consentement en fait de millions d’hommes ».

L’auteur met aussi l’accent sur le rôle de la Ligue des Droits de l’Homme qui se retrouve, pendant le conflit comme dans les années qui ont suivi, en première ligne, rôle qu’on retrouve à la lecture des « Cahiers des Droits de l’Homme » abondamment cités. Ainsi, c’est en ces termes que Blanche Maupas, veuve du caporal Maupas fusillé en mars 1915, s’adresse à la Ligue le 30 avril 1915 : « Je viens demander à votre belle et puissante association son appui dans cette œuvre de réhabilitation. » C’est dès 1916 que la Ligue va demander que les erreurs judiciaires commises par la justice militaire soient redressées et, dès 1918, trente jugements de conseils de guerre seront cassés par la Cour de cassation. Saluons au passage l’une des grandes figures de l’époque, Henri Guernut, président de la section de Maubeuge. Mais malgré tout, dans l’opinion publique, le sujet reste tabou et l’auteur n’omet pas de rappeler que le débat n’est pas spécifiquement français, s’appuyant essentiellement sur les exemples allemand, italien et anglais.

La sortie du film de Stanley Kubrick, Les sentiers de la gloire, en 1957, crée un véritable choc et il faudra attendre 1975 d’ailleurs pour que le film soit enfin projeté en France. Et c’est quatre-vingt ans après la cessation des hostilités, en recevant le 5 novembre 1998 le premier ministre, Lionel Jospin ­ dont le père, Robert, avait été un ardent pacifiste que le maire de Craonne, « lieu sacré » symbole de l’hécatombe humaine au Chemin des Dames en 1917 qualifiée de « premier grand crime contre l’humanité », osera évoquer sans fards « la responsabilité de l’État dans cette boucherie ». La boucle est bouclée.

J-J Gandini
Nicolas Offenstadt, Les fusillés de la grande guerre et la mémoire collective. Ed. Odile Jacob 1999. 280 p. 140 FF.


Disque

La parole libertaire de Gaston Couté

Gaston Couté (1880-1911) reste, encore aujourd’hui, peu connu (1). Et pourtant, c’est peu dire que ce poète libertaire beauceron mérite de l’être ! Ses textes sont hallucinants. Fascinants Décapants.

Ils nous content la vie des gueux des champs et des villes. Ils dénoncent les souffrances du peuple, l’arrogance des grands de ce monde et la veulerie de leurs sbires. Ils conspuent les petites et grandes lâchetés des uns et des autres. Ils mettent en pièces les billevesées électoralistes, réformistes, nationalistes, religieuses…, qui tiennent le peuple en laisse. Ils sonnent le tocsin de toutes les révoltes. Et, tout cela, dans une langue délicieuse.

Dans ce parler beauceron, proche de la parlure charentaise, où chaque mot pèse une tonne de nuances et se savoure de malice. Ce CD réalisé à l’initiative de Franck Thiriot, nous en administre la preuve et vous ouvrira l’appétit d’en savoir plus sur l’un des plus grands poètes libertaires de tous les temps Gaston Couté est né il y a 120 ans.

À cette occasion, une quarantaine de manifestations diverses vont avoir lieux en France et en Belgique (entre autres, du 6 au 13 mars, à la librairie du Monde libertaire). Allez-y ! Ça vaudra le jus !

Maylis O’Brian

Textes de Gaston Couté et Maurice Hallé dits par Lucien Charbonneau. Éditions du Monde libertaire. Chèques à l’ordre de Publico à envoyer à la librairie du Monde libertaire, 145 rue Amelot, 75011, Paris (rajoutez 10 % en plus pour le port) Ce CD est vendu au profit de l’école libertaire Bonaventure

(1) Malgré le formidable travail d’édition du Vent du Ch’mln dont tous les livres sont en vente à la librairie du Monde libertaire.


Disque

Ponk. Fonk mvt

Les super fresh Babali, véritables empêcheurs de danser, de bouger, de penser en rond, nous balancent ici un album déroutant, d’une finesse ultravitaminée. « Ponk. Fonk mvt ». Et du mouvement il y en a dans cet album sans aucune sorte de concession tant au niveau de la démarche qu’au niveau du résultat artistique. Les cinq acrobates ont le don des voltiges en tout genre, eux qui depuis six années évoluent sans filet dans ce grand cirque qu’est le milieu musicaloterie business.

Il est bel et bien question ici de voltiges : rythmes cassés, sautillants aussi, guitares tantôt plombées tantôt taquines, clavier léger et basse gonflée, cuivres discrets tordus jamais perdus, chants rappés ou posés, chansons servant des textes témoignages.
« Demande à France ce qu’en pense télécom, elle répondra qu’en France la donne est bonne ». (L’an 2)
« Couvreur de ragots, de Paris à Santiago, je piste les friqués à belles vagos, je rêve de flags de rapports sex extraconjugaux. Six o’clock, on me faxe : cocktail de VIP au Texas, des stars y en aura un max, on attend même Clinton avec son sax… »

Guillaume. — groupe La Mistoufle (Dijon)

Disque disponible à la librairie du Monde libertaire et à Babalistic, 28, rue de Chanzy, 21000 Dijon (80 FF + 10 FF de port).


Le Centre culturel libertaire autogéré de Metz en lutte

Le Collectif libertaire de Metz (CNT, FA, SCALP) a fait de la culture un enjeu politique et social important dans notre cité. En effet, la politique culturelle de la ville de Metz est des plus médiocres qui soit ; elle préfère largement investir dans une culture élitiste réservée aux notables de la région. Il faut savoir que la municipalité messine est propriétaire de « l’Arsenal », centre culturel important sur Metz, qu’elle verse chaque année 23 millions de francs de subvention à ce lieu où l’on retrouve au conseil d’administration, le sénateur maire Jean-Marie Rausch, la sœur de l’évêque, des gens de radio Jéricho (radio catho locale)… Conclusion, ce lieu a une programmation culturelle tout à fait institutionnelle, avec une politique de tarifs pour les entrées qui, de fait, ne permet qu’aux bourgeois locaux d’assister à ses spectacles. À côté de ça, deux petites salles essayent de se bouger : « les Trinitaires » et le « Petit Théâtre du Saulcy ».

Alors nous avons eu l’idée, devant ce désert culturel à Metz, de passer à l’action. Après plusieurs occupations éphémères de lieux appartenant à l’armée ou la mairie, nous avons ouvert le 6 novembre 1999 le Centre Culturel Libertaire Autogéré de Metz, au 57 rue des Allemands, immeuble à l’abandon, dont le propriétaire se trouve être la mairie de Metz. Plusieurs personnes ont rejoint ce projet et nous avons créé une association portant le même nom que le lieu. Nous sommes restés du 6 novembre au 18 décembre 1999. Les buts de ce lieu étaient divers : nous voulions faire de cet immeuble un lieu ouvert à tous, où les gens auraient pu se rencontrer, discuter autour de projets culturels ; nous voulions faire de cet immeuble un lieu de résistance sociale et politique basé sur l’autogestion et la démocratie directe, et c’est ce que nous avons fait. Il y a eu dans ce lieu 3 concerts rock, 2 apéros concerts ; la CNT y tenait des permanences syndicales et juridiques ; nous avions ouvert une bibliothèque alternative « Louise Michel » avec plus de 250 livres le jour de l’ouverture ; des SDF commençaient à aménager un lieu de vie et les mardi se tenaient les assemblées générales où nous mettions en œuvre la démocratie directe et l’autogestion. Et pour permettre à toutes et à tous l’accès de ce lieu, tout était basé sur la gratuité.

La mairie de Metz, devant notre activité constructive, nous expulsa le 18 décembre au soir. Le 10 janvier 2000, le lieu fut rouvert par on ne sait qui. La mairie décida alors de saisir la justice : nous sommes passés au TIG de Metz début février ; 2 membres de l’association ainsi qu’un musicien ont été accusés de dégradations. La mairie réclamait à leur encontre 80 000 FF d’amendes. La mobilisation fut réussie sur Metz : environ 500 signatures pour la pétition de soutien et environ 60 personnes présentes le jour du procès. Résultat des courses : nous avons été condamnés à payer la somme de 4 500 FF.

Le Centre Culturel Libertaire Autogéré de Metz (le C2LAMeur) a décidé de lancer une souscription. Vous pouvez envoyer vos dons à : CNT METZ — FAC des Lettres Île du Saulcy 57000 METZ (préciser au dos du chèque : solidarité avec le C2Lameur). Ceci dit, la lutte continue, et l’association est ouverte à toutes les bonnes volontés qui aimeraient voir ce projet se réaliser.

Pour le C2LAMeur, Maxime


Dans la toile

Changement de formule pour cette rubrique, nous tâcherons de coller d’avantage à l’actualité en apportant des pistes pour prolonger les réflexions tenues dans les articles du Monde libertaire. Cette semaine, donc, nous illustrerons trois des thèmes traités dans ce numéro, ou prochainement, par quelques adresses relevées au fil du surf…

Les fonds de pension.
Une entrevue avec Jean-Marie Harribey de décembre 1998 qui n’a rien perdu de son actualité et où l’on conclut par l’ATTAC (1) (http://www.altern.org/lcr33/economie/fondpens.htm), le point de vue de Bernard Lamirand, de la CGT qui commence par un petit rappel historique (http://www.cgt.fr/46e_congres/contributions/pension.htm) et une bibliographie sur le établie pour la CFDT (http://www.ac-montpellier.fr/pedagogie/disciplines/ses/fds_pension.html)

Les sans-papiers en Belgique.
Un article de janvier dernier dans Le Monde écrit par Luc Rosenzweig (http://www.lemonde.fr/article_impression/0,2322,37722,00.html) et bien sûr, une foultitude d’articles dans les archives d’Alternative libertaire Belgique (http://www.citeweb.net/albelgik).

Les fusillés de la grande guerre (sans majuscules car nous ne pourrions nous y résoudre).
La critique du livre de Daniel Bermond dans Lire de décembre 1999 (http://www.lire.presse.fr/Histoire/281_005877J.asp), le livre d’Offenstadt vu par Libération (http://www.liberation.fr/quotidien/debats/novembre99/991111b.html) et par Le Monde (http://www.lemonde.fr/article_impression/0,2322,38296,00.html).

Pour finir, deux sites à ne pas rater. Le site du site anarchiste du groupe Dikobraz de Moscou s’élève clairement contre la guerre (http://www.kolumbus.fi/antra/antiwar/). La présentation du mouvement anarcho-punk par Bruce Colombet (http://www.multimania.com/fourdu/gk.html).
Voilà, bonne lecture, bon surf et n’hésitez pas à m’envoyer vos infos.

À bientôt dans la toile.

Blue Eyed Keyboard
samal95@aol. com
(1) ATTAC (http://perso.wanadoo.fr/esperysage/ami.html#attac)


Histoire et hérésie

Rarement l’occasion m’est donnée de parler, ou plutôt d’écrire sur un genre littéraire qui est celui du roman historique. Encore faut-il savoir ce qu’on entend par roman historique ! Ce genre a souvent été utilisé par certains pour nous parler des problèmes existentiels de Colbert ou de la marquise de Montespan, et encore j’en passe et des meilleures… Le roman historique peut-il se réduire à cela, à l’analyse des frasques d’un tel ou d’un tel en vue d’en faire un bon produit marketing ? Certainement pas. La fiction historique a été utilisée par les plus grands de la littérature de ce siècle, citons entre autres Thomas Mann avec Joseph et ses frères publié en 1933 en Allemagne, au début de l’ère nazie, et ce dans le seul but de nous permettre d’analyser une situation contemporaine en fonction du passé, passé devenu accessible car évitant les écueils du langage d’historiens trop éloignés de la langue du commun des mortels. Il n’en demeure pas moins, même si cela peut paraître contradictoire, que tout roman historique n’est pas une fin en soi, bien au contraire. Il amène le lecteur à chercher et donc à s’interroger sur ce qu’il ne connaît pas. Le roman historique a donc une vertu pédagogique, me direz-vous ! Non, il est une volonté d’émancipation de nos a priori.

Pour y arriver, l’écrivain s’appuie sur une période historique et sur des personnages dont nous finissons par partager les idées et les sentiments. Ce subtil dosage est parfaitement réussi dans le dernier roman de Miguel Delibes, L’Hérétique. Le titre du roman donne déjà une indication, il va être question de religion. Nous sommes au début du XVIe siècle dans une Europe agitée par les soubresauts de la Réforme de Martin Luther, une Europe où règne une atmosphère de fin du monde, une Europe où, grâce à l’imprimerie, le livre fait son apparition et notamment la Bible. L’action se déroule en Espagne, à Valladolid, sous le règne de Charles Quint. Deux personnages me viennent à l’esprit dès que l’on évoque l’Espagne de cette époque : Torquemada tout d’abord, grand inquisiteur, auteur d’une campagne antijudaïque qui va mener à la mort et à l’expulsion plusieurs milliers de juifs, à l’origine du racisme envers les juifs ; le deuxième n’est autre que Igniacio de Loyola, fondateur de l’ordre des jésuites, outil de l’Église catholique pour combattre la Réforme. Or ce n’est pas exactement de cela dont il est question dans ce roman, même si l’inquisition et les jésuites y jouent leur rôle ; il y est plutôt question d’un homme. Cipriano Salcedo, commerçant prospère, insatisfait de sa vie, en quête de son identité, à la recherche de sa liberté dans un monde où la liberté s’exprime au travers de la religion. Cet homme, humaniste à ses heures, va transgresser l’ordre social déjà en introduisant la Bible jusque-là contrôlée par l’Église, puis en devenant protestant.

Écoutons plutôt ce qu’il ressent lorsqu’il sort d’une assemblée clandestine : « Dans un esprit confus, il cherchait le mot adéquat pour la définir et quand il le trouva, il sourit ouvertement et se frotta les mains sous la cape : fraternité, c’était le mot juste et ce qu’il avait cru trouver chez ses coreligionnaires. […] Il avait conscience de se trouver au début de quelque chose, d’être entré dans une confrérie où personne ne te demandait qui tu étais avant de te porter secours. Du domestique à l’aristocrate, tous ici semblaient jouir de la même considération. Une confrérie sans classes, se dit-il. » Le grand mérite de ce roman, c’est de nous montrer avec des personnages vrais, en quoi devenir protestant constituait un danger pour l’ordre établi, un premier pas sur le chemin de la liberté.

Ce chemin fut long et, deux siècles plus tard, au XVIIIe siècle, dans ce siècle que l’on appelle le siècle des Lumières, Lion Feuchtwanger dans Le Juif Süss, nous le présente plutôt en proie à l’obscurantisme. L’action se déroule en Allemagne, ou plutôt dans les Allemagnes, une myriade d’États, un patchwork que l’on appelle le Saint empire romain germanique. À la tête de chacun de ces États, un potentat local qui décide de la religion de ses sujets. Il se trouve que le Wurtenberg, un des États du sud de l’Empire est, d’obédience protestante et que c’est là que l’histoire débute. Le protestantisme, acculé, sur la défensive à ses origines, est devenu religion d’État. Cela veut-il dire qu’il ait été plus tolérant que le catholicisme ? Voilà ce que dit Martin Luther à propos des juifs : « Il faudrait, pour faire disparaître cette doctrine de blasphème, mettre le feu à toutes leurs synagogues, et s’il en restait quelque chose après l’incendie, le recouvrir de sable et de boue afin qu’on ne puisse plus voir la moindre tuile et la moindre pierre de leurs temples… Qu’on interdise aux juifs chez nous et sur notre sol, sous peine de mort, de louer Dieu, de prier, d’enseigner, de chanter. » Dans ce roman, grâce au juif Joseph Süss Oppenheimer, Lion Feuchtwanger va s’appliquer à utiliser les images d’Épinal, les clichés que chacune des religions a martelés, et qui au cours du XIXe siècle vont mener vers l’antisémitisme. Cet antisémitisme verra son apogée au XXe siècle avec l’avènement du nazisme, période pendant laquelle ce roman a été écrit, ce qui valut à son auteur d’être expulsé, et à l’Allemagne nazie d’en faire un film de propagande, un film de propagande toujours interdit mais qui a occulté le roman et l’œuvre de l’écrivain. Grâce à Serge Niémetz, nous retrouvons ce roman dans sa version intégrale, et nous ne pouvons que l’en féliciter car la traduction est plus que réussie.

La religion n’a jamais été porteuse de liberté ni d’humanisme, elle n’a jamais été qu’un des moyens pour nous assujettir, nous asservir.

Boris Beyssi

Miguel Delibes, L’Hérétique. Verdier.
Lion Feuchtwanger, Le Juif Süss. Belfond.


Les anarcho-syndicalistes allemands face au nazisme

Deux brochures éditées par la CNT-AIT du Doubs, retraçant le combat des anarcho-syndicalistes depuis 1928 jusqu’à la fin de la guerre en 1945.

La première brochure retrace brièvement l’histoire du mouvement ouvrier allemand avant la guerre et plus particulièrement celle de l’aile gauche des partis, allant du Parti social-démocrate, au Parti Communiste et aux mouvements anarchistes. Le plus intéressant est sans aucun doute la traduction d’un texte de H.W. Gerhard, membre de la FAUD (Union Libre des Travailleurs Allemands), anarcho-syndicaliste. Ce texte fut publié à Berlin en 1932 sous le titre « Das Hidburglausen dans le IIIe Reich », en référence au village allemand où Hitler se fit naître pour pouvoir se présenter aux élections allemandes. Cette brochure traite du fascisme, des différentes positions des forces politiques en présence, de la collusion entre les tenants de la bourgeoisie de droite ou de gauche avec le parti d’Hitler.

Il est encore d’actualité par rapport aux analyses qui sont faites quand au terrain propice à la montée du fascisme et de la dictature : corruption des élites, chômage, restriction du droit du travail, immigration, etc. Il donne aussi des moyens de luttes contre le fascisme, comme l’appel à la grève générale, la création, si besoin, d’unités d’auto-défense, etc. On mesure dans ce texte toute l’étendue du travail des militants anarchistes pour faire comprendre le danger de voir Hitler aux commandes du pays. Cet écrit précède de peu la prise de pouvoir des nazis en Allemagne.
La deuxième brochure fait état de la lutte des anarcho-syndicalistes de 1933 à 1945, de la répression impitoyable dont ils firent l’objet, des actions clandestines qu’ils essayèrent d’entreprendre tout au long de ces années d’une Allemagne nazifiée.

Bruno. — groupe Proudhon (Besançon)
(Adresse de la CNT du Doubs : CESL BP 121 25014 Besançon Cedex)


Cinéma

Charbons ardents : Autogestion ouvrière au pays de Galles

[ article disparu https://web.archive.org/web/20040506180744/http://www.federation-anarchiste.org/ml/numeros/1195/article_20.html]


1er forum homosexualités hétéroclites à Lyon

Intégration, libéralisation et… liberté

Née de l’initiative de quelques uns, l’idée de réunir les associations et organisations investies sur la question homosexuelle s’est concrétisée en décembre dernier par la création d’un collectif dans le but d’organiser un forum inter-associatif. La présence d’HES (Homosexualité et socialisme, association satellite du PS) dans ce collectif nous a permis d’occuper gratuitement tout un espace de la mairie du 8e arrondissement de Lyon ce samedi 19 février de 13 h 30 à 19 heures.

La Fédération anarchiste, grâce à la tenue d’une table de presse et à l’animation d’un débat, a pu réaffirmer ses idées sur la place de la famille dans la nation ainsi que le cadrage de la sexualité et la répartition des rôles sociaux sexués qu’elle exerce sur les individus. Nous avons pu restituer la PACS dans sa fonction de capitalisation des désirs. Nous avons exposé les limites des demandes de libération sexuelle avec leur intégration dans la libéralisation.

Contrôles de l’homosexualité

Si les propos de David et Jonathan (association des chrétiens homosexuels) sur la morale du PACS avec ses valeurs de fidélités, d’établissement du couple homo ne nous ont guère étonné, il faut bien dire que l’idée de conjugalité était particulièrement prégnante lors des débats. L’homosexualité, pour être reconnue ou tolérée, s’auréole ainsi d’un voile de pureté bien loin de l’aspect subversif qu’elle donnait haut et fort dans l’après 1968 s’attaquant alors au patriarcat, au capitalisme, à la répartition des rôles sexués et revendiquant l’amour libre. La mise en veilleuse de la libération homosexuelle au profit de sa libération a été soulignée. La privatisation du désir est, il est vrai, le moyen pour l’État et le gouvernement actuel de le contrôler et de l’éloigner de l’espace public.

Les commissions gays et lesbiennes des Verts et du PS organisaient un débat sur les associations dans la cité. À cette occasion, un membre d’ARIS, association créée en 1981 sur Lyon, exposait sa difficulté à être entendue par les politiques, en particulier ceux de gauche, en dehors des périodes électorales. Un autre participant soulignait que le libéralisme est le discours unique, de la gauche à la droite. Après ce débat, Buna et Tourraine, respectivement maire Vert du 1er et maire PS du 8e, ont pu venir faire campagne pour les municipales. Ils ont bien vite zappé sur une question de la salle à propos de la régularisation des sans-papiers homos.

Pour en finir avec l’homophobie

Parmi ces débats qui ont attiré entre 30 et 80 personnes, Amnesty s’est attiré l’auditoire le plus large en présentant la répression anti-homosexuelle dans le monde. La peine de mort, les tortures et la prison y restent encore très répandues. Trente ans après Stonewall, on apprend qu’une manifestation homosexuelle a été violemment réprimée par la police montée à New York en 1998. En plus de présenter sa politique d’information destinée au milieu scolaire, le Forum gay et lesbien proposait un débat sur l’homophobie et invitait le public à trouver collectivement des actions de lutte contre celle-ci.

Si l’organisation de cette journée a été un succès quant au nombre de participants (plus de 150 personnes sont passées), on peut regretter la faible présence des femmes qui ne représentaient qu’un quart des personnes qui se sont déplacées pour cet événement.

Alain. — groupe Kronstadt (Lyon)
web : http//www.ifrance.com/homolyon


Ouverture prochaine d’une librairie anarchiste à Besançon

Le groupe Proudhon n’avait plus de local depuis une quinzaine d’années. Après bien des recherches infructueuses, nous avons enfin réussi à trouver un lieu à un prix abordable et qu’on accepte de nous louer. Nous allons y ouvrir une librairie et il pourra également servir de salle de conférence pour le groupe.

Si tout se passe bien, l’ouverture devrait se faire début avril. Pour mettre de notre côté toutes les chances de réussir ce pari qui devenait pour nous une nécessité et qui devrait nous permettre de passer à un palier supérieur en termes de contacts avec la population, nos sympathisants et à terme de nouveaux adhérents, nous avons évidemment besoin du soutien du plus grand nombre.

Nous lançons donc une souscription pour acheter un fonds de librairie minimum, faire quelques travaux nécessaires et passer le cap difficile de la période de lancement du projet. Dons de livres, chèques, virements mensuels, toutes les formules sont envisageables.

Contactez nous à : CESL ­ BP 121 ­ 25014 Besançon Cedex.

Groupe Proudhon