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Nantes, une démocratie en trompe l’oeil !

Le jeudi 18 janvier 2001.

Depuis que Ayrault est à la tête de la mairie de Nantes, ce dernier a croisé à plusieurs occasions les tribunaux. Ça lui aurait même barré la route d’un quelconque ministère. Effectivement la gauche nantaise traîne plusieurs casseroles judiciaires : 160 000 FF en 1993 à la SOFRES pour achat de résultats du baromètre d’image semestriel. En 1991 par l’intermédiaire de Nantes Atlantique Développement, présidé par Ayrault, il fut commandé un dossier « Nantes TV cable » : 30 pages pour 892 352 FF (soit 5 fois plus cher que le fameux rapport de Xavière Tibéri)… Ces exemples nombreux remplissent avec bonheur les pages de « notre » Canard enchaîné local, la Lettre à Lulu. Les affaires ont toujours fait partie de notre quotidien. Et l’étalage croissant de celles-ci que ce soit à Nantes ou ailleurs, à gauche comme à droite a souvent comme effet de favoriser la résignation, le populisme démagogique et fascisant, relance le mythe d’un État fort… Il ne convient donc pas de tenir le discours « tous pourris » mais de comprendre ces affaires se fondent dans un système antidémocratique qu’est le système de représentation par les élections.

La perversion du système électoral, c’est que le vote devient la loi. La votation fait que l’élu obtient une délégation de pouvoir sans aucun mandat particulier (si ce n’est de vagues promesses généralement communes aux différents concurrents) et encore moins de contrôle sur la politique menée. Le système électoral est donc un chèque en blanc qui de plus est déresponsabilisant : une fois que j’ai voté j’ai accompli mon devoir…

Vous avez dit démocratie ?

Une fois élu, l’avis de la population importe peu. Pourtant fort de la présence des alternatifs au sein du conseil municipal, la municipalité a mis en place plusieurs lieux de concertation avec la population : dans un premier temps, on a vu les comités consultatifs de quartiers mis en place dans 10 quartiers de Nantes et ouverts au monde associatif et à des administrations aussi diverses que les organismes paramunicipaux (Accoord, Nantes Habitat, Semitan) ou la police ou encore l’Education nationale.
Dans un second temps, la mairie a mis en place les « Carrefours des citoyens », lieux de dialogue direct avec les habitants des principaux quartiers. Lieu de dialogue ne signifie pas démocratie directe et les élus le signalent d’entrée dans « Nantes-Passion » de décembre 1998 : « il s’agit de recueillir les avis et d’expliquer les choix ». Quant aux avis des citoyens, l’expérience vécue par certains d’entre eux montre qu’ils peuvent obtenir de petites choses, mais qu’ils sont mis devant le fait accompli pour les projets plus importants.

C’est donc une gestion classique de municipalité à laquelle on assiste avec une politique de grands projets sur laquelle les citoyens n’ont rien à dire et un encadrement de la population par des personnalités politiques intégrées dans la gestion municipale, par un tissu associatif bien subventionné et par des relais médiatiques forts.

Le logement soumis aux intérêts capitalistes

Les associations sont normalement des lieux d’émancipation, source de discussions, de confrontations, elles doivent jouer des rôles de contestations, de contre pouvoirs. Donc pour tout pouvoir dit démocratique l’enjeu n’est pas forcément de détruire ces lieux mais de les contrôler, de les rendre dépendants (en particulier sous l’aspect financier, de prêts de locaux).

Des structures interassociatives ont été créées avec un rôle déterminant de la mairie. Sans la mairie, il n’y aurait pas d’Espace Simone de Beauvoir ou de Maison des citoyens du Monde, où le PS se retrouve à la gestion par le biais d’associations de femmes, de défense des droits de l’homme ou tiers-mondistes. Difficile dans ces conditions de tenir des discours qui déplairaient aux pontes du PS.

Pour illustrer l’absence de démocratie, on peut prendre l’exemple du logement. Nantes cherche à oublier que les quartiers de l’Ile Feydeau, Cours Saint-Pierre et Saint-André, Quai de la Fosse ont été construit par le commerce juteux d’esclaves ! Au XIXe siècle la bourgeoisie s’installe aussi dans les alentours du Bd Guist’hau, Avenue Camus, quartier Sainte-Croix, Bouffay, Saint-Felix… : ainsi le vieux centre reste bourgeois et aristocrate. La périphérie est ouvrière. Malgré le fait que les deux plus gros propriétaires de Nantes soient la ville et les HLM, depuis 1950 les quartiers populaires sont détruits.

Les classes sociales pauvres expulsées dans des banlieues lointaines plus ou moins desservies (Nantes a des transports très chers, quatrième au hit parade français !) ou dans quelques quartiers concentrationnaires (Malakoff, Bellevue… où règne un taux de chômage de près de 40 %), avec les conséquences que l’on connaît : la gauche nantaise est bien heureuse que l’on n’ait brûlé que douze voitures lors du dernier réveillon soit quatre fois moins que Strasbourg qui garde la primauté des médias nationaux. Le quartier ouvrier de la Madeleine, à titre d’exemple, est remplacé par le secteur tertiaire avec de grandes vitres de verres protégées des « classes dangereuses » par les vigiles et la vidéo surveillance.

Mais qui décide cette politique d’expropriation réalisée par les riches : la mairie ? la gauche ? les Verts ? les alternatifs ? Qui s’interroge sur la réalité d’un quartier comme Malakoff où même l’Accoord (service de jeunesse de la ville), présidée par un alternatif, a du mal à s’implanter (locaux brûlés, activités peu fréquentées…) ?

Personne ? Non ! Les politiques de la ville, les politiques urbaines sont soumises aux logiques de marchés ! C’est ainsi que la spéculation immobilière chasse les classes populaires, en laissant de nombreuses zones déprimées, sans vie, contournées par des autoroutes du profit. Du coup « nos » dirigeants veulent éviter que la ville ne devienne le champ de bataille de la lutte de classes.
Alors n’oublions pas que notre action dans la ville doit se faire tous les jours, afin d’opposer une résistance efficace contre le tout sécuritaire, contre les huissiers, véritables vautours du libéralisme triomphant, pour la gratuité des transports, pour une réappropriation de notre culture et de nos loisirs (sans passer par les professionnels, loin de nos réalités et de ce qu’ils/elles prétendent défendre : l’éducation populaire)…

groupe FA de Nantes