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éditorial du nº 77

Appel aux anarchistes
février 1962.

Il n’est que quelques poignées d’anarchistes qui soient acuellement militants.

Des milliers de camarades jouent un rôle plus ou moins actif dans divers milieux, mais sont pratiquement coupés du mouvement.

Des dizaines et des dizaines de milliers sont retirés de la vie militante ou demeurent à l’état de sympathisants, conservant l’idée libertaire secrètement enfouie au plus profond de leur cœur jusqu’au jour où… jusqu’au jour où quoi ? Jusqu’au jour où d’autres redécouvriront l’anarchie ou, dans des circonstances favorables, feront de l’anarchie sans le savoir ? Jusqu’au jour où l’instinct des masses en révolte leur fera adopter une position libertaire ? Ce n’est peut-être pas impossible, mais le serait encore moins si le mouvement anarchiste avait d’ores et déjà l’ampleur qui lui permettrait de se livrer à une propagande suffisante. Et cetta ampleur il l’aurait si précisément tous les camarades dispersés ralliaient le mouvement.

Ne vous récriez pas qu’il y a cent ans que l’anarchie piétine et que le moment est bien mal choisi pour en relancer l’idée.

Il y a cent ans que l’anarchie piétine ? Une organisation suffisamment étoffée, ayant étudié les raisons et tiré les leçons de ces échecs, n’aboutirait surement pas à des conclusions moroses pour l’avenir. Mais hors du développement d’une organisation solide et pourtant différente d’un parti politique que le jour l’est de la nuit, il est absolument impossible de faire le moindre progrès et si nous pouvons continuer à alimenter en anecdotes les milieux libertaires, nous ne modifierons pas l’Histoire.

Le moment est mal choisi ! Est-ce bien sur ? Croyez-vous qu’il soit par exemple impossible que l’Etat s’écroule, miné de l’intérieur par les luttes au sein de ses éléments constitutifs, sans qu’aucune faction ne réussisse à reconstituer un appareil coercitif efficace. Le désordre peut durer longtemps et un mouvement anarchiste cohérent peut fort bien émerger de ce chaos avec toutes ses chances.

Camarades, ne perdez pas de vue les perspectives révolutionnaires. Pour la lutte contre le fascisme rejoignez d’abord la Fédération anarchiste et en son sein vous pourrez déterminer quelle action et quelle alliance tactique peuvent être utiles ou nécessaires. Plus embrouillé chaque jour est l’écheveau que forment les comités, cartels, rassemblements présentant, le plus souvent pour le temps d’un communiqué ou d’une manifestation, telle ou telle des infinies combinaisons que permet la multitude des groupements. Si certaines ficelles sont grosses, il faut parfois une vue bien fine pour démêler quels sont les fils qui conduisent vers tel politicien prétendant à l’astuce, vers l’Élysée, Matignon ou la préfecture, d’où certains de ces fils repartent vers ce qu’il est convenu d’appeler l’O.A.S. Les libertaires qui iront se perdre isolément dans ces rassemblements seront vite étouffés.

La lutte antifasciste est indissociable de la lutte révolutionnaire. Cette lutte se fait dans les rangs de la Fédération anarchiste.