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L’Heure de l’action directe

Le jeudi 29 mars 1979.

À cause de l’emprise des bureaucraties syndicales toujours prêtes à brader nos luttes pour des miettes ou des promesses, à cause des illusions électoralistes développées par la gauche et les gauchistes, à cause des divisions racistes, de notre manque d’unité, de notre légalisme, bientôt des milliers d’ouvriers seront jetés à la rue comme des objets devenus inutiles pour permettre au capitalisme d’augmenter ses profits en toute tranquillité.

Puisqu’il s’agit de défendre le profit, le patronat licencie à tour de bras, ces licenciements permettant, sous prétexte de compétitivité, de produire à moindre coût. Après la valse des licenciements dûs à la crise, c’est la valse des licenciements dûs aux restructurations nécessaires au Capital pour augmenter la productivité. Le chômage n’est donc pas la conséquence d’une mauvaise gestion de l’économie comme le prétendent tous les partis réformistes dont les seuls objectifs sont de monter au pouvoir. Le chômage est nécessaire au bon fonctionnement du système capitaliste. Aussi sommes-nous persuadés que la seule solution est la destruction de ce système par la révolution sociale et l’édification du communisme anarchiste, sur des bases fédératives, autogestionnaires et anti-étatiques.

Ce qu’a proposé l’État pour tenter de calmer les esprits

Ce fut tout d’abord la promesse de 6 800 emplois : une véritable provocation quand on sait que le Nord-Pas de Calais compte 140 000 chômeurs !

Puis, on promit que dans le Valenciennois Peugeot-Citroën construirait une nouvelle usine de boites de vitesse. Mais personne ne croit plus au mythe de l’industrie automobile. En effet, ces emplois devraient être créés sur 5 ans et en 5 ans, avec les licenciements dans la sidérurgie et toutes leurs conséquences, c’est plus de 15 000 emplois qui doivent être supprimés. On peut également noter à titre d’exemple que l’implantation de Simca-Chrysler dans la région il y a dix ans devait apporter près de 10 000 emplois. En 1980, on en sera tout juste à 2 000.

D’autre part, les travailleurs d’Usinor, déjà recyclés des houillères pour une bonne partie d’entre eux, savent que reconversion signifie réadaptation à de nouvelles machines (avec tout ce que cela comporte de fatigue nerveuse), augmentation des cadences et même souvent baisse des salaires.

Devant toutes ces mesures que les professionnels du syndicalisme auraient acceptées s’il n’y avait eu la pression de la base, la colère est montée chaque jour davantage. Usinor veut vivre, Usinor vivra et ce n’est plus par des paroles que va alors s’affirmer cette volonté de vivre et travailler au pays…

La grande leçon des affrontements de ces dernières semaines, c’est que le patronat ne recule que lorsque les travailleurs passent à l’action directe (ainsi apprendra-t-on dans la nuit du 7 mars que le PDG d’Usinor-Denain suspendait le plan de restructuration). Mais ce recul ne fut que momentané car dès que la pression exercée par les travailleurs devint moins forte, Raymond Barre nous déclara qu’il n’avait jamais été question de suppression ni de remise en cause du plan sidérurgique ! Les autres leçons à tirer c’est que les ouvriers sont totalement inorganisés et que la plupart de leurs tactiques sont bien souvent suicidaires ; ce qui provoque d’ailleurs la profonde inquiétude ou même le mécontentement de la population locale qui redoute maintenant dans sa majorité toute autre manifestation de violence. Face à la répression policière, les 80 000 personnes présentes à Valenciennes le 16 février auraient pourtant été bien utiles !

Le temps n’est plus aux négociations-bidons ou aux manifestations traine-savates destinées à décourager les ouvriers les plus combatifs. L’heure est venue de se mettre à la désobéissance civile et à l’action directe. Les travailleurs ne sont ni des moutons ni des enfants de chœur, et la violence n’est pas forcément synonyme de chaos. Contre le chômage et l’Etat policier, c’est à nous tous d’organiser une véritable auto-défense populaire et la libre fédération de tous les travailleurs en lutte. Car si nous continuons à lutter usine par usine, région par région, secteur par secteur, nous serons battus, les uns après les autres Nous devons au contraire généraliser la lutte, développer des liens directs d la base entre chaque entreprise, créer une véritable solidarité ouvrière, construire la démocratie directe (les assemblées générales n’existent même pas à Usinor !), préparer la grève générale illimitée et pourquoi pas la remise en route des usines occupées sous contrôle ouvrier.

En débordant le syndicats, en s’organisant rapidement, nous pourrons encore vaincre. Sinon ce sera des primes de licenciements très alléchante pour les ouvriers d’Usinor et en contre-partie une situation sociale de plus en plus précaire pour tous les travailleurs du Valenciennois menacés directement ou indirectement par la fermeture de cette usine.

Le climat social et aujourd’hui beaucoup plus explosif qu’avant mai 68 et la crise du chômage ne fait que commencer. Alors, travailleur, qu’attendons-nous pour créer ce large courant de contestation qui établira enfin le rapport de force qui nous manque ! C’est maintenant qu’il faut agir, tous ensemble !

E.D. (Valenciennes)