Accueil > Archives > 1998 (nº 1105 à 1145) > 1145s, HS nº 11 (24 déc. 1998-3 janv. 1999) > [Les sans-papiers sont toujours là !]

Après trois ans de lutte

Les sans-papiers sont toujours là !

Le jeudi 24 décembre 1998.

Depuis 1974 et le choc pétrolier, le temps où les patrons allaient se servir en main-d’œuvre immigrée bon marché dans leur pays d’origine était passé de mode. L’heure était à la fermeture des frontières. Des hommes de droite, puis des dirigeants de gauche, reprirent en chœur de nauséabonds refrains, où l’on parlait d’« immigré », de « clandestin », de « seuil de tolérance » de « misère du monde et de chômage.

Il y eut des lois, des décrets, des circulaires. Il y eut des expulsions, des centres de rétention. Il y eut un parti ouvertement raciste. venu surfer sur la démagogie des gouvernants. Il y eut alors la double peine et des charters. Il y eut le droit du sang et des naissances apatrides. Il y eut des familles brisées. Il y eut la discrimination en matière de protection sociale et d’emploi. Il y eut le chômage et le travail non déclaré. Le mépris, la suspicion du bureaucrate, le coupeur de poil de cul en quatre pour arriver enfin à expulser cette tête de mule qui refuse de quitter le territoire. Il y eut les jugements de cinq minutes qui condamnent à. des mois de prison ferme quelqu’un qui a refusé de monter dans un charter. C’était l’enfer. Ça n’a pas vraiment changé.

En mars 96, 300 étrangers, 300 « clandestins » ne supportent plus de se cacher et
de servir de chair à négrier. 300 personnes unies par la même révolte décident de se montrer au grand jour. Ils inventent même un mot pour se faire connaître, un mot qui désigne .pleinement ce à quoi on les a réduit : des « sans-papiers ».

C’était l’occupation de l’église Saint Ambroise à Paris. Des gens qui se sont pris en main et ont décidé de mener eux-mêmes la lutte. Ils ont ainsi expulsé sans ménagement les habituels pompiers de l’antiracisme qui prétendaient leur apprendre comment lutter et aussi diriger leur mouvement. À partir de cet acte fondateur, tout s’est accéléré : des collectifs de sans-papiers se sont créés ’un peu partout, des occupations ont été lancées, des grèves de la faim menées jusqu’à leur terme. Les sans-papiers sont arrivé à créer un mouvement et à entraîner des dizaines de milliers de personnes derrière eux. Et les organisations furent alors à la traîne.

Cette autonomie du mouvement des sans-papiers fut sa très grande force, parce qu’elle lui a permis de construire ses propres revendications et· mots d’ordre, et qu’il a ainsi pu être compris par la population. Ce fut sa force parce qu’elle lui permit de rester un temps à l’abri des batailles politiciennes pour le pouvoir. Ce fut sa force car elle lui permit de ne pas s’arrêter à se demander par qui avait été rédigée une loi raciste pour en demander son abrogation. L’autre force de ce mouvement des sans-papiers fut sa capacité de résonance avec l’ensemble des luttes sociales. Car la question des sans-papiers pose la question de la misère, du salariat et du chômage. Nous l’écrivions. dès octobre 1996 dans ces colonnes : « Nous sommes nombreux à dire que cette lutte est aussi la nôtre, que l’appareil à fabriquer de la clandestinité n’est que l’autre face d’un système économique et policier, qui produit partout précarité et peur de l’autre ! Loin d’être pour les autres une cause de chômage, les travailleurs étrangers sont les producteurs très rentables d’une richesse dont on ne leur concède pas la moindre part. La tentative de liguer contre eux les travailleurs « nationaux » ne vise qu’à masquer la précarisation croissante de tous. Il ne peut y voir de position médiane. Et c’est là toute la difficulté du combat [1]. » Ce qui le sauva à plusieurs reprises, au moins localement, ce fut sa capacité à fédérer des luttes.

Nous avons pu le constater l’hiver dernier à Lille où la jonction avec les occupations d’Assedic et la solidarité des chômeurs tira la mobilisation autour de sans-papiers en grève de la faim, alors qu’eux-mêmes avaient du mal à mobiliser depuis la circulaire de régularisation. Car les élections législatives et la demi-mesure jospinienne ont rendu plus difficile encore ce combat, en réduisant le cercle de ses amis.

L’action des libertaires

Les libertaires ne sont pas restés inactifs, avec nos faibles moyens, durant ce mouvement. Nous y avons participé sous différentes formes : soutien aux collectifs (de l’intérieur ou de l’extérieur), actions de mobilisations, occupations de lieux publics (Air France, administrations…) collectifs anti-expulsion, campagne de désobéissance civile, campagne « la France expulse le Monde » durant la Coupe du Monde de foot. Partout notre action aura été sensiblement la même sur le fond : lutter pour l’abrogation de toutes les lois anti-immigrés et pour une régularisation, globale, de tous les sans-papiers. Ceci sur la base de l’autonomie et de l’action directe des sans-papiers, et de la fédération des luttes.

Partout, nous avons dû batailler avec les sans-papiers pour maintenir leur indépendance. C’est ce qu’écrivait le groupe Humeurs noires de la FA à Lille en décembre 1996 au Réseau contre les lois Pasqua, après différentes manœuvres de certaines des organisations qui en faisaient partie : « Nous sommes persuadés (certain·s penseront :“à tort”) que cette autonomie est un problème pour certains membres du Réseau, dès lors que les revendications des sans-papiers sont incompatibles, à notre sens, avec l’approche [des législatives] de 1992. […] Aurait-on demandé au mouvement social de décembre 95 d’attendre 1998 pour abolir le plan Juppé ? Aurait-on demandé aux routiers d’attendre 1998 pour leur retraite et leurs conditions de travail ? On le fait pour les sans-papiers ! […] La seule stratégie payante à notre sens est d’arriver à amplifier la mobilisation de la population autour des sans-papiers. C’est aussi faire la jonction la plus solide possible avec le mouvement social et le mécontentement présent dans ce pays. Cela est indispensable pour faire sauter également un verrou essentiel — la politique du bouc émissaire et le racisme — dans la population, verrou qui l’empêche à notre sens de réagir à toutes les attaques du capitalisme. […] Mais c’est peu dire que consacrer le principal de son temps à essayer de “gagner” à la cause des sans-papiers une classe politique, que l’échéance de 1998 empêche de s’engager clairement sur la question, est une cause perdue » [2]. » Ce type d’engagement de la part des libertaires était évidemment logique. Avant de revenir sur les principes qui guident notre action, arrêtons nous un peu sur l’histoire récente.

Nous le disions en introduction de cet article, l’arsenal de lois anti-immigrés n’a cessé, à quelques rares exceptions près, de s’alourdir depuis le premier choc pétrolier. L’idée du pouvoir était alors simple : l’immigration est un outil, une force de travail corvéable à merci ; on se la procure en allant chercher directement dans les pays d’origine des célibataires qui viendront trimer pour que dalle, logés par le patron à quatre par pièce dans des cabanes de tôle ou des foyers Sonacotra [3] ; dès lors que l’activité économique .se ralentit, on se passe d’eux comme on se passer de machines usées ou d’usines dépassées ; et tant qu’à -fa:ire on ferme les frontières pour arrêter ceux qui voudraient continuer à venir.

Cette fermeture des frontières fut donc décidée en 1974. On cessa d’importer de la main d’œuvre, alors même que quelques années plus tôt, le pouvoir avait ouvert le droit au regroupement familial. L.e « flux migratoire » légal ne s’arrêta donc pas tout de suite. Il fallut de nombreuses lois et circulaires pour que celui-ci commence à s’inverser à la fin des années 80. C’était l’œuvre sinistre des Bonnet, Pasqua, Joxe) Dufoix, Marchand…

Malheureusement, on ne décrète pas l’arrêt des flux migratoires, Moins il y a d’immigrés légaux, plus l’obtention de visa est difficile, plus le renouvellement des titres de séjour est difficile, et plus il y a d’immigrés « illégaux », que ce soit parce qu’ils ont été obligés de tenter. l’aventure malgré tout, ou parce qu’une loi qui change les a plongé dans la clandestinité lors d’un renouvellement de carte. Cet arsenal législatif s’est révélé une véritable machine à créer des clandestins. Ce fut une aubaine pour l’économie .souterraine (confection) comme pour le grand capital (bâtiment).

Pour faire face au mécontentement social dû à la crise économique, le pouvoir avait trouvé pratique de jouer la carte du bouc émissaire. La montée·en puissance de l’extrême droite l’a pris à son propre piège. Bientôt, le débat politique s’est trouvé verrouillé sur l’immigration, tandis que des thèses du FN étaient reprises par la quasi-totalité de la classe politique : on se souvient des dérapages mitterandiens sur le « seuil de tolérance », ou encore de la lutte contre l’immigration clandestine érigée en priorité par l’ensemble de la classe politique. Nous étions de nombreux libertaires à nous être déjà engagés dans ce combat contre les lois anti-immigrés. Nous avions saisi tout le blocage du débat politique à propos du racisme : on pouvait arriver à mobiliser un peu contre les lois Pasqua, mais pas au delà. Nous savions déjà que l’antiracisme de la gauche était largement démenti par son action au pouvoir,

Certes, l’autonomie du mouvement des sans-papiers en a pris un coup depuis deux ans. Les législatives et la _régularisation sont passées par là, les comités se sont inscrits dans la durée, ils se sont cristallisés et une .couche dirigeante de ce mouvement est apparue, avec les luttes intestines que cela suppose. Il est d’autre part maintenant trop faible pour imposer sa voix au milieu des multiples récupérations médiatiques et politiciennes dont il fait l’objet. En ce sens, l’actuel « spectacle » politicien entre verts et socialistes l’a complètement submergé au plan médiatique.

L’investissement des libertaires dans le soutien aux sans-papiers était donc une question de stratégie : face au racisme d’État, aux lois anti-immigrés, nous n’avions pas d’autre choix que de soutenir les acteurs directs de la lutte contre ceux qui voudraient les contrôler, afin de déverrouiller le débat.

Tout ça pour ça ?

Toujours est-il qu’il : nous faut tirer le bilan de près de trois ans de lutte. En terme quantitatif, les sans-papiers ont obtenu la régularisation précaire d’environ 80 000 personnes, alors que le gouvernement annonçait son intention d’en régulariser entre dix à quarante mille initialement.

C’est déjà un beau succès pour des individus qui ne disposent à l’origine d’aucun des droits politiques_ des citoyens français et qui se trouvaient exclus du champ politique et social.

Ils n’ont pas obtenu la satisfaction de leur revendication, à savoir la régularisation globale de tous les sans-papiers. Par contre, ils se sont inscrits durablement dans le champ social.

Dès l’annonce de la Circulaire de régularisation par le gouvernement, nous avions dénoncé cette demi-mesure et nous avions été les seuls : « Il y a selon nous un effet très pernicieux de la décision, pour le moins médiatique et spectaculaire, du gouvernement Jospin. […] Régulariser les sans-papiers doit immanquablement signifier la totale remise à plat de cette politique [la politique d’immigration, NdlR]  : par l’abrogation de toutes les lois et circulaires antiimmigrés, dont une part importante revient aux gouvernements Fabius, Rocard, Cresson, Bérégovoy, Chirac, Balladur et Juppé ; par la refonte totale de la citoyenneté […], du droit d’asile […]. L’effet principal de l’annonce gouvernementale, au delà de quelques régularisations prévisibles et attendues depuis si longtemps, est de découpler la régularisation des sans-papiers du nécessaire débat sur la nouvelle politique de l’immigration. […] Deuxième constatation : le moins que l’on puisse dire est que l’affaire est floue, L’annonce de dix à quarante mille régularisations seulement, selon des critères qui semblent pour certains très larges, laisse perplexe. Mais c’est précisément l’arbitraire prévisible des décisions de régularisation qui laisse présager du pire. […] En s’en tenant au cas par cas, qui annonce le règne de l’arbitraire, le gouvernement prend le risque de fixer pour des années un abcès gonflé par près de deux décennies de fermeture des frontières. »

D’abrogation des lois anti-immigrés, il n’y en eu point. Seulement un toilettage dû à Chevènement, qui, tout en faisant mine d’être plus souple que l’arsenal précédent, renforça celui-ci dans au moins deux directions clés : la double peine, et l’effectivité de l’application des décisions d’expulsion (allongement de la durée de rétention, etc.). Quant à l’arbitraire des décisions de régularisation ou de non régularisation, chacun aura pu juger, depuis 18 mois, de la justesse de nos craintes.

L’attitude de la gauche au pouvoir aura été, en l’occurrence, largement aussi cynique que celle de la droite fut stupide. Pas de coup de hache dans des portes d’églises, sous Jospin. On n’a plus le sens du sacré. Seulement une machine administrative imperturbable [4], pendant des grèves de la faim qu’on laisse pourrir en souhaitant qu’il reste juste assez d’espoir aux sans-papiers pour qu’ils ne se laissent-pas crever : La conjonction de multiples grèves de la faim cet automne avait permis une réapparition des sans-papiers sur la scène sociale. Prenant le risque d’un incident majeur, Jospin les a laissé traîner, concédant. juste assez pour que le gain politique soit nul pour les sans-papiers. La grève de Lille s’est ainsi achevée le 3 décembre après 58 jours, les 15 derniers grévistes ayant reçu l’assurance d’avoir une Autorisation provisoire de séjour de trois mois renouvelable une fois [5]. Le jeu politicien aura suffi à désamorcer la bombe.

Les élections européennes arrivent !

Il serait difficile de s’y tromper, mais ça va mieux en le disant : la campagne électorale pour les européennes est lancée. Il est impossible d’interpréter dans un autre sens les déclarations des Verts, notamment de Daniel Cohn-Bendit (celui qui aime à se revendiquer comme« libéral », mais de gauche [6], au sens des premiers libéraux…). Les sans-papiers se retrouvent à nouveau otages d’enjeux qui les dépassent.

La question des sans-papiers est maintenant une sorte de baballe en épines que se renvoient les rivaux dans la lutte pour le pouvoir. Ainsi, concernant Dominique Voynet, une fois qu’elle a crié bien fort son désaccord avec Jospin, il est cocasse de fa voir faire la leçon aux verts allemands dans les mêmes termes que le premier ministre envers elle-même : « j’ai l’impression qu’il est important dans la période qui vient, de laisser le gouvernement gouverner, le parlement faire son travail les élus· locaux commencer à prendre les dossiers en main dans les conseils régionaux, et que la tâche de tête de liste aux européennes est une tâche différente [7]. »

Chacun est en train de se placer à gauche. Ce fut, il y a peu celui que Jospin avait condamné au placard, Julien Dray, en prenant fait et cause pour les grévistes de Limeil-Brévannes. L’ironie est amère quand on se souvient qu’il fut avant et après la dissolution un des grands adversaires, à gauche, de la régularisation globale et de l’ouverture des frontières, prônant une politique de quotas.

Ce sont ces 500 élus socialistes et communistes qui se réveillent ces jours-ci [8] et pétitionnent à tour de bras pour demander « une solution juste et équitable », pour « trouver enfin l’issue ! » avec ces 60 000 déboutés de la régularisation.

Tous ces gens commencent à en avoir ras-le-bol de ces sans-papiers qui les empêchent de gouverner en rond. Ils se disent peut-être que, maintenant que le débat sur la politique d’immigration de l’État français a été enterré, il serait peut-être temps de liquider discrètement le désastre créé par la régularisation à la sauce Chevènement.

On en .saura plus quand seront lancés les vrais « débats » de la campagne des européennes. On verra notamment si un Cohn-Bendit, si ardemment défenseur de la construction de l’Europe libérale avec les sociaux-démocrates, abordera sérieusement la question de l’immigration et de l’Europe forteresse. En ce sens, la ratification du traité d’Amsterdam, entamée par le Parlement français, devrait inciter à quelques alarmes, au moins sur ce sujet. Mais nous n’en avons entendu guère.

Construction européenne

En effet, ce traité se propose d’harmoniser les politiques des différents États européens en matière d’immigration. Pour ce faire, il intègre les Convention de Schengen et de Dublin concernant la circulation des personnes et le droit d’asile. L’application de ces Conventions sera donc étendue à l’ensemble des États signataires du nouveau traité.

Il est bon de rappeler que Schengen n’a pas été sans incidence sur la politique française sur l’immigration. Il a conduit à l’intégration dans l’arsenal législatif français de certaines mesures comme l’extension des contrôles douaniers à une zone de 20 km autour des zones frontières, des aéroports et des gares internationales. Schengen a créé un fichier, le SIS, chargé de mettre en commun des informations sur d’éventuels étrangers indésirables dans l’un ou l’autre État de la zone Schengen.

Plus grave encore, Schengen et Dublin formalisent la responsabilité de chaque État dans le traitement d’une demande de titre de séjour ou d’asile.

Les demandeurs n’ont plus la possibilité de faire leur demande dans le pays de leur choix, mais dans celui qui correspond aux critères de Schengen et de Dublin (essentiellement : le premier État par lequel le demandeur est arrivé).

L’extension de ces mesures à tous les signataires du traité d’Amsterdam, va offrir un cadre rigide aux différentes politiques d’immigration des États européens. Et cela va considérablement compliquer la tâche des nouveaux candidats à l’immigration, peu au fait de ces subtilités [9].

Mais il n’y a pas que cela. Le traité d’Amsterdam intègre le « protocole Aznar », du nom du chef d’État espagnol, qui interdira à tout ressortissant de l’espace européen de faire une demande d’asile dans un autre pays de la Communauté. Il prévoit en outre de faire à terme (sur une période transitoire de cinq ans prolongeable indéfiniment) de l’immigration une « compétence communautaire », c’est-à,-dire une compétence de la Commission européenne et du Conseil des Ministres, primant sur les politiques nationales. Et la direction choisie semble extrêmement dangereuse.

La Commission avait ainsi présenté le 7 novembre 1997 un « Projet de Convention relative aux règles d’admission des ressortissants de pays tiers dans les États membres ». La négociation de ce projet vient de commencer entre les États européens [10]. Celui-ci est extrêmement restrictif et propose tout un tas de tracasseries administratives dans le plus pur esprit des lois Pasqua : une demande d’admission au séjour devrait être présentée hors du territoire communautaire.

Une demande de changement de statut est considérée comme une nouvelle admission et doit être faite de même (cas des étudiants devenant salariés, par exemple) ; « la Commission considère qu’en raison de la situation du marché de l’emploi des États membres, le règle générale doit être l’admission exceptionnelle des [personnes désirant exercer une activité professionnelle] [11] » et prévoit de multiples limitations du droit au travail pour les résidents étrangers (et notamment des membres de famille). La commission désire généraliser le même esprit de suspicion que les lois Pasqua, en proposant par exemple la remise en cause du regroupement familial lorsqu’il serait établi qu’un mariage ou une adoption n’a été accompli qu’à cette fin.

Par cette convention, les États européens perdraient en outre la liberté d’ouvrir leur frontière, en concluant par exemple des accords bilatéraux avec des États tiers allant dans ce sens.

Deux ans et demi après Saint-Bernard, les sans-papiers sont toujours là et l’abcès n’est pas encore dégonflé. Par contre, la gauche plurielle a réussi à démobiliser tous ceux qui, il y a un an et demi luttaient contre la loi Debré.

Il serait peut-être temps d’arriver à renverser la vapeur. Et peut-être bien qu’une conjonction des luttes, comme ce fut le cas avec les chômeurs, ou contre la Loi Debré, est un moyen d’y parvenir.

Bertrand Dekoninck


[1« Quel avenir pour la lutte des sans-papiers ? » in Monde libertaire nº 1054, 10 au 16 octobre 1996.

[2Ya Basta !, groupe Humeurs noires, lettre de démission du Réseau contre les lois Pasqua, datée du 9 décembre 1996. Le réseau était un cartel local d’associations et de mouvement politique, créé à l’occasion des 2es Lois Pasqua en 1992.

[3À voir absolument à ce sujet : Mémoires d’immigrés, reportage de Yamina Benguigui.

[4Quatre sans-papiers ont été condamnés en appel jusqu’à un an de prison ferme pour refus d’embarquement le 26 novembre dernier ! cf. Le Monde du 28 novembre 1998.

[5Les APS. ne sont pas des titres de séjour, elles n’ouvrent aucun droit, elles permettent juste à quelqu’un de ne pas se faire arrêter et expulser sur le champ.

[6Entendu sur France Inter, durant !’émission « Quoiqu’il en soit » de Pierre Bouteiller, début décembre 1998.

[7« Jospin sème la tempête dans un vert duo », Libération, 26 novembre 1998.

[8« Sans-papiers : l’offensive de gauche », Libération du 9 décembre.

[9Citons par exemple le cas d’une jeune Kenyane mineure, à Lille, arrêtée en France en situation irrégulière alors qu’elle tentait de rejoindre son père, immigré en situation régulière en Angleterre, actuellement au Comité des Sans-papiers 59.

[10À propos de cette convention et des autres, lire : La circulation des Étrangers dans l’Espace européen, brochure du GISTI, septembre 1998.

[11GISTI, op. cit.