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Le mouvement libertaire : 45 ans d’Histoire et… autant d’histoires…

Le jeudi 21 décembre 1989.

1943 : 19 juillet, réunion de militants de la Fédération anarchiste (FA) de Toulouse.

1944 : 30 octobre, réunion à Agen, avec la décision de refaire paraître Le Libertaire comme lien. Le premier numéro date de décembre 44.

1945 : Septembre, reparution du Libertaire en tant qu’organe… 20 octobre, début des travaux du congrès constitutif de la Fédération anarchiste de France. Elle est composée de militants de l’ancienne FA (synthésiste), de militant de l’ancienne Union anarchiste (UA) (qui soutenait la politique de collaboration Confédération nationale du travail/Fédération anarchiste ibérique (CNT/FAI) au gouvernement, en Espagne) et de jeunes militants issus de la résistance.
La FA regroupe donc l’ensemble des libertaires français à l’exception de certains individualistes regroupés autour d’E. Armand (ceux-ci publient L’Unique et L’En-dehors) et de certains pacifistes, avec Louvet et Maille qui publient À contre courant.
Une structure confédérale est mise en place : « Le mouvement libertaire », qui coordonne les efforts de publication avec le courant Louvet, la minorité anarcho-syndicaliste de la CGT (FSF - Fédération syndicaliste française) et Le Libertaire.
La FA participe à un cartel d’action pacifiste dit « Cartel national de la paix ».

1946 : Georges Fontenis est nommé secrétaire général de la FA au congrès de Dijon. En décembre, la CNT succède à la FSF (Fédération syndicaliste française) créée en mars 45, représentant une tendance d’ « Action syndicaliste » dans la CGT réunifiée.

1947 : Georges Fontenis est reconduit dans ses fonctions de secrétaire général de la FA au congrès d’Angers.

1950 : C’est à partir de cette date que l’Organisation Pensée Bataille (OPB) se structure en tant que fraction à l’intérieur de la FA. Georges Fontenis en est l’instigateur, le secrétaire, en même temps qu’il redevient secrétaire de la FA. Des militants quittent la FA et se regroupent dans « L’Entente anarchiste ».

1953 : Au congrès de Paris, les groupes d’Asnières, du XVIIIe et de Bordeaux sont exclus. La FA se transforme en Fédération communiste libertaire (FCL) par un vote majoritaire de 71 mandats contre 61. En fait, la FCL ne regroupe qu’environ 130 à 160 militants.
Fin 53, du 25 au 27 décembre, se tient le congrès de reconstruction de la FA (organisation synthésiste) à partir des groupes d’Asnières, du XVIIIe, de Bordeaux et d’anciens militants ayant quitté la FA les années précédentes au vu des pratiques des fonténistes.
1953 est aussi l’année de parution du « Manifeste communiste libertaire » de Fontenis.

1954 : la FCL publie son « programme ouvrier », pâle copie du programme revendicatif de la CGT.
À Paris est créée l’Internationale communiste libertaire, en opposition à l’Internationale anarchiste. L’ICL n’aura qu’une existence éphémère.

1955 : Gaston Leval quitte la FA et crée Les Cahiers du socialisme libertaire.

1956 : Les militants de l’ex-Entente anarchiste, regroupés autour de Robert et Beaulaton, quittent la FA et créent l’Alliance ouvrière anarchiste (AOA).
La FCL contacte André Marty (le boucher d’Albacète de sinistre mémoire) exclu du PCF.
Des militants de la FCL, exclus en novembre 55 (groupes de Kronstadt et de Maisons-Alfort, ainsi que ceux de Grenoble) fondent les Groupes anarchistes d’action révolutionnaire (GAAR). Ces derniers se veulent « l’expression de la tendance anarchiste communiste du mouvement libertaire ».
Ils définissent ledit mouvement composé de : la FA, du groupe socialiste libertaire de Leval, du groupe Contre-courant de Louvet, des revues individualistes Défense de l’homme, L’Unique… Les GAAR vont éditer la revue Noir et Rouge.
La FCL participe aux élections législatives… à Paris.

1958 : La FA participe au Comité de coordination contre la guerre d’Algérie aux côtés de la CNT et des « Jeunes Libertaires »…
En juillet, suspension de la parution du Libertaire (FCL). C’est aussi l’année de la disparition quasi complète de la FCL.

1960 : Création d’une Fédération anarchiste communiste (FAC)… à partir des GAAR. Des contacts s’engagent entre la FAC et la FA…

1961 : Scission au sein de la FAC. Les groupes de Kronstadt, de Maisons-Alfort, de Lille, Strasbourg, Mâcon et Grenoble rejoignent la FA où ils s’organisent en tendance : l’UGAC, l’Union des groupes anarchistes communistes.

1962 : Une tendance anarcho-syndicaliste voit le jour dans la FA. L’Union anarcho-syndicaliste (UAS) tente un rapprochement avec l’UGAC…

1964 : L’UGAC sort de la FA. Les groupes de Strasbourg et de Grenoble y restent.

1965 : Un Comité de liaisons des jeunes anarchistes (CLJA) se met en place. Il regroupe à titre individuel des militants de la FA, de l’UGAC, des FIJL (espagnols) et des groupes autonomes.

1966 : L’UGAC pratique une politique frontiste qui la conduit à dériver vers des mouvements maoïstes ou trotskystes (tendance pabliste).
Elle publie Perspectives anarchistes communistes.
Une réunion des jeunes anarchistes d’Europe se tient à Paris. Création de la Liaison des étudiants anarchistes (LEA).

1967 : Tentative de relancer l’Union fédérale des anarchistes avec comme organe Le Libertaire.
Publication d’un pamphlet : De la misère en milieu étudiant. Situationnistes de Strasbourg.
En octobre, une tendance ORA (Organisation révolutionnaire anarchiste) voit le jour à l’intérieur de la FA. Elle a une feuille : L’Insurgé.

1968 : Les 17 et 18 mars à Paris se réunissent des militants et ex-militants communistes libertaires. Membres de la Jeunesse anarchiste communiste (JAC), de la Tribune anarchiste communiste en 68 (TAC), de l’ex-FCL et des isolés ; ils se rencontrent à l’initiative de Georges Fontenis.
Fin 68 verra la création du Mouvement communiste libertaire (MCL) à la suite de cette rencontre.
La TAC participe au Comité d’initiative pour un mouvement révolutionnaire (CIMR) aux côtés de Krivine, Bensaid, Weber des Jeunesses communistes révolutionnaires, de militants du courant « Pabliste » (trotskyste) et de militants communistes libertaires, dont Georges Fontenis.
Parution de la revue Informations correspondance ouvrières qui fait suite à la revue Informations liaisons ouvrières créée en 1960.
Au congrès de Carrare (Italie), qui réunit l’Internationale des fédérations anarchistes, c’est la naissance officielle de l’ORA (Organisation anarchiste révolutionnaire) qui est encore dans la FA.
En 1968 on peut citer comme organisations ou revues qui se réclament du mouvement « libertaire » : la Fédération anarchiste, le Mouvement communiste libertaire, l’Union fédérale des anarchistes, l’Alliance ouvrière anarchiste, la Tribune anarchiste communiste, l’Union des groupes anarchistes communistes, Noir et Rouge, la Confédération nationale du travail, l’Union anarcho-syndicaliste, l’Organisation révolutionnaire anarchiste et des groupes divers (autonomes, spontanéistes, conseillistes, situationnistes), ainsi que Les Cahiers socialistes libertaires de Leval, À contre courant de Louvet, La Révolution prolétarienne, et les revues individualistes déjà citées d’E. Armand.

1969 : En avril, L’Insurgé paraît comme organe de l’ORA. Celle-ci se définit comme une organisation entre autres « plateformiste »…
Les pablistes quittent le Mouvement révolutionnaire et fondent l’Alliance marxiste révolutionnaire. Ils imitent en cela les trotskystes de la Jeunesse communiste révolutionnaire qui sont partis pour fonder la Ligue communiste et Rouge, non sans avoir pratiqué la « pêche à la ligne » auparavant !
Les communistes libertaires et Fontenis se replient autour du MCL qui est très peu développé et restent en contact avec la TAC.
Création de la Fédération anarchiste communiste d’Occitanie (FACO) par Guy Malouvier.
Création des Jeunesses syndicalistes révolutionnaires (JSR) à l’intérieur de la CNT. Elles disparaîtront en 1976…

1970 : Le 31 janvier, c’est la création officielle de l’Alliance syndicaliste révolutionnaire et anarcho-syndicaliste (ASRAS), à Paris. Plus tard, elle deviendra l’Alliance syndicaliste avec comme organe Solidarité ouvrière.

1971 : Le MCL et l’ORA tentent un rapprochement. Malgré l’intervention et la médiation de Daniel Guérin, celui-ci échoue.
En juillet, un groupe du MCL rejoint l’ORA. Quatre groupes de l’ORA rejoignent le MCL et donnent naissance à l’OCL-1 lors d’un congrès constitutif à Marseille. Daniel Guérin adhérera à l’ORA peu après.
L’OCL a des contacts avec la gauche marxiste autour de thèses favorables au conseillisme. La gauche marxiste éclatera peu de temps après…
Une Confrontation anarchiste (CA) se met en place à partir de militants de la FA, rejoints par l’UFA et quelques groupes autonomes. La FACO se retire de l’ORA après des désaccords portant sur l’appréciation de la question des nationalités, entre autres…
À partir de juillet, création des Cercles Front libertaire (structure d’accueil des sympathisants de l’ORA). Leur appartenance n’entraîne pas une adhésion systématique à l’ORA.
Des militants quittent l’ORA pour rejoindre l’Union des Communistes de France (groupe maoïste ultra-stalinien)…

1972 : Des groupes quittent la FA pour rejoindre Confrontation anarchiste. Cette dernière publie un bulletin Combat anarchiste et un périodique Commune libre.
De 1971 à 1976, c’est la tendance non organisationnelle qui va être majoritaire à l’intérieur de cette « Confrontation »…
Exclusion de militants de l’ORA qui appuyaient les « candidatures révolutionnaires uniques » aux législatives. Une minorité d’entre eux va renforcer Lutte ouvrière pendant que la majorité rejoint la Ligue communiste !

1973 : Rupture du groupe Poing noir d’avec la FA sur des bases « organisationnelles ».
Intégration des « Cercles FL » à l’ORA.

1974 : Création du Groupe d’action et d’études libertaires (GAEL) à partir du groupe Poing noir, rejoint par d’autres libertaires non organisationnels.
Marge, revue de ceux qui vivent en marge, paraît à partir de groupes existant à Paris, Limoges, Angers, Angoulême, en Lozère… Cette revue disparaîtra au bout d’une année.
Parution de La Lanterne noire, revue qui accueille des anciens de Noir et Rouge (disparue) et des libertaires d’Informations Correspondance ouvrières (disparue à ce moment-là).
L’OCL éclate définitivement après sa dérive conseilliste qui date de 1971. Le reste de ses militants, renforcé par la venue de deux groupes scissionnistes de l’ORA, fonde une nouvelle organisation et revue : Rupture. Celle-ci veut contribuer à l’ « élaboration du projet communiste à l’émergence d’un mouvement communiste radical ». Cette orientation ultra-gauche va les conduire vers les groupes « autonomes »… Cette organisation disparaîtra très rapidement…

1976 : L’OCL-2 succède à l’ORA. Cette organisation publie Front libertaire et un premier numéro de Pour l’autonomie ouvrière et l’abolition du salariat.
En avril, des dissidents de l’ORA créent un collectif pour une Union des travailleurs communistes libertaires (UTCL). Ils se dotent d’un organe de presse : Tout le pouvoir aux travailleurs au début de l’année 1977.
CA éclate et donne naissance à l’Organisation Combat anarchiste (OCA) sous l’impulsion des organisationnels.

1977 : Fin octobre, début novembre, se déroule à Paris la Conférence nationale des travailleurs libertaires. Celle-ci est convoquée à l’initiative de l’AS, du GAS de Rouen et de l’UTCL. La FA, la CNT, l’UAS y sont présents à titre d’observateurs…

1978 : Les 25 et 26 février, congrès constitutif de l’UTCL.
Départ de la FA de quelques groupes et militants en désaccord avec la très grande majorité des militants de l’organisation sur le problème de l’intégration du concept de « lutte des classes » dans les principes de bases qui régissent le fonctionnement de la Fédération.
Ils fondent l’Union anarchiste (UA) avec Le Libertaire comme organe.
En septembre se déroule à Rouen la Conférence nationale des anarcho-syndicalistes. Celle-ci est à l’initiative du groupe de Rouen et de l’AS. Y sont présents des groupes FA, la FA à titre d’observatrice, ainsi que la CNT (Vignoles), la CNT (Tour d’Auvergne), l’UAS, la TAC, le SAT de Lyon et des individuels… La Coordination nationale des anarcho-syndicalistes (CNAS) se met en place. Son centre est à Rouen jusqu’en mars 79, date de la prochaine rencontre de Lyon.

1980 : Les contacts entre l’UTCL et l’OCA aboutissent à l’intégration de cette dernière dans l’UTCL. Le journal Lutter de l’OCA deviendra par la suite le journal de l’UTCL.

En 1989 : L’organisation la mieux structurée, la plus importante est sans conteste la Fédération anarchiste.
À ses côtés se maintiennent l’UA, l’AOA (avec de très vieux militants), l’OCL (Courant alternatif), l’UTCL (Lutter), le CENALIDEP (Initiative), le COJRA (inorganisés) et un certain nombre de revues comme : Noir et Rouge, IRL, Réflexes, ainsi que des groupes autonomes ou inorganisés…
La CNT (Vignoles) et celle de la Tour d’Auvergne sont toujours là. La première se développe même. L’UAS existe en tant que structure ; quant à la TAC, elle reste une revue plus qu’un groupe réel.

Edward Sarboni