L’homme dont toute l’attitude pourrait se traduire par cette formule : « Moi la France » vient une fois de plus de nous donner la mesure de sa grandeur.
Par ses valets il avait fait déclarer interdit de séjour un certain Cohn-Bendit, qui voulait répandre sur notre terre le crime de penser : Délit sans précédent.
Un homme qui pense sous la cinquième république. Quel scandale !
Mettant à profit son absence, le ministre de service fit déclarer indésirable le dangereux personnage et lui ferma les frontières.
L’histoire pourrait se terminer par l’épilogue bien connu : « Et force resta à la loi. »
Le malheur (malheur pour notre président et son laquais) voulut que dan l’occurrence les événements apportassent une petite variante à la formule.
La loi qui — dit-on — est faite pour être violée, s’accommoda de cette éventualité, les frontières furent traversées comme la cage d’un gardien de but français, lors d’un match international, et Cohn-Bendit put tenir au cœur de la capitale une conférence de presse retransmise par la radio.
Nous espérons pour Monsieur de Gaulle et ses ministres qu’ils n’auront pas manqué d’être à l’écoute et de mesurer tout à la fois le caractère inexpugnable de leurs décisions et le respect qu’on leur accorde.
A-t-on songé où nous mènerait l’extension du geste de Cohn-Bendit.
Que resterait-il de la bombette française, des avantageuses combines, des bénéfices exorbitants des grosses banques, dont les hommes sont en place dans le gouvernement, (Oh ! pardon M. Pompidou…) si brusquement l’ensemble des Français à l’instar de Cohn-Bendit oubliait d’obéir aux décisions des gouvernements, s’abstenait de payer des impôts, négligeait de se rendre à l’appel sous les drapeaux, et ne consentait pas à se laisser tondre jusqu’à la peau par un patronat dont la mansuétude va jusqu’à permettre à la classe travailleuse de ne pas mourir de totale inanition ?
Oui, que deviendrions-nous en vérité si, faisant montre d’une pareille ingratitude, les citoyens montraient quelque réticence à reconnaître l’autorité sacro-sainte du gouvernement et à bénir une police qui estropie leur fils et viole leurs filles !
Décidément ne laissons pas Cohn-Bendit rentrer en France.
Mais j’oubliais qu’il y est.
Hémel