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Francis Agry

Les Anars perdent un frère

Le jeudi 26 décembre 1991.

Après beaucoup d’autres cette année : Maurice Joyeux, Paul Lapeyre, Maurice Laisant… tous décédés, Francis Agry les suit. Ce charmant camarade vient de disparaitre. Cette nouvelle, venue de la Bretagne, m’a atterré un bon moment. C’était un vieux copain de la Fédération anarchiste. Il lui a souvent rendu service, on peut le dire, avec ses tuyaux de presse. Il connaissait tout. Il venait de la lointaine Union anarchiste d’avant la guerre ; il était passé par la Ligue anti-impérialiste du professeur Langevin, qui a été le point de départ de la décolonisation. Francis a collaboré avec las Basques pendant la révolution espagnole, et après aussi, ce qui lui a valu pas mal d’ennuis. On ne peut pas dire qu’il était anarchiste. Il se définissait lui-même comme anarchisant et fédéraliste, ce qui n’est pas si mal du tout.

Toujours bien mis, le mouchoir à la pochette, les cheveux blancs plaqués à l’ancienne, il avait 83 ans. Il avait fait pendant longtemps du journalisme. Il a tout appris sur le tas. C’était un autodidacte. Il a même été ajusteur comme beaucoup de gens de l’ancien temps ; mais il possédait une large culture. Il expliquait tout cela devant un verre avec une grande gentillesse surmonté d’un éternel sourire. Il était très gai. C’était un humoriste, qui avait fréquenté les milieux du Canard enchaîné où il avait des mais : Groue-Moison, Monnier… Humoriste des meilleurs, car il riait de lui-même, chose rare.

Ami de tous les vieux anars, depuis longtemps des pacifistes et de tous ceux qui marchent en dehors des clous reçu partout c’était un agréable public relations.

Au demeurant très généreux, au repas des contestataires, où les anciens de l’anarchie, du pacifisme et de la Libre Pensée se réunissent, il a offert le champagne. Bon vivant, il était d’humeur toujours égale.

C’est lui qui a tenu avec moi « Les Chroniques du père Peinard ». Il a fait des cassettes sur les nouvelles internationales très percutantes avec une grande acuité d’esprit. Il a ainsi prévu un mois à l’avance la guerre du Golfe, bien avant tout le monde.

La Fédération anarchiste envoie ses condoléances à sa femme et à sa fille.

Les anars perdent un frère, et moi un ami.

Paulo Chenard


N.B. : outre une belle erreur concernant le temps d’un verbe, nous nous sommes trompés la semaine dernière dans notre annonce nécrologique (ML nº 850) au sujet du prénom de notre vieux camarade. En effet, nous lui avions attribué le prénom de Roland, alors qu’il s’appelait Francis. Que ses proches et notre lectorat veuillent bien nous en excuser.